Chronique de la croqueuse de mots

De retour

10 ans de débat sur les accommodements raisonnables

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Chronique de Thérèse-Isabelle Saulnier

Après une longue indigestion carabinée, voici la croqueuse de mots de retour. Elle a découvert un nouveau resto, style buffet bien entendu, là où l’on peut choisir ses mets, et à volonté, s’il-vous-plait. À vrai dire, elle le fréquente déjà depuis quelques mois, mais n’en a encore rien dit à personne. (La digestion se fait en secret ou, si l’on veut, dans l’intimité…)  - Eh! bien, mes chers amis, tout s’y digère très bien, malgré quelques pièces quelque peu coriaces, mais avec de bonnes dents et une lente mastication, tout passe très bien!


 


* * *


 


Mon nouveau resto s’appelle «Au buffet laïc». En vous présentant ses plats au menu, j’ose espérer que vous irez y faire un tour et, surtout, que vous l’adopterez!


À vrai dire, ce resto existe depuis plus de 10 ans (depuis 2006 ou 2007), mais ne portait pas le même nom. Il s’appelait : «Au buffet accommodant». Ce fut deux premières années fastes pour le proprio, car une Commission itinérante y avait installé ses quartiers dans des locaux avoisinant la salle à manger, y organisait des conférences et des consultations publiques, et y mangeait, bien entendu. Alors bref, les dollars entraient à une vitesse folle. Mais après cette période très active, après la fin des travaux de cette Commission, le resto fut pratiquement déserté mais a tout de même réussi à vivoter, un peu de peine et de misère, mais en se maintenant à flot sur une mer tranquille. Il y a environ deux ans, il a changé de nom et a alors vu sa clientèle augmenter petit à petit jusqu’à presque reprendre, depuis l’automne dernier, son rythme de croisière des débuts! Nouveau fleuron québécois!


Vous devinez bien, n’est-ce pas, que ce qui attire la clientèle, c’est la grande question de l’heure, celle de la laïcité, le projet de loi caquiste qu’on attend maintenant presque avec impatience. Une fois cette loi enfin passée, au lieu de manger comme des gloutons comme à l’heure actuelle, on prendra le temps de savourer lentement chaque mets!


Le premier à goûter, c’est celui qui s’appelle DÉBAT. Car débat sur quoi, exactement? Sur le voile islamique? (hijab, nikab, tchador, burka, distinguons, tout de même). – Non, même si le débat s’engage malencontreusement dès le début là-dessus. Pensez seulement à la nouvelle ministre de la Condition féminine, Isabelle Charest, notre ex-médaillée olympique en patinage de vitesse, à qui on a malicieusement posé cette question du voile. Sa réponse a provoqué un tollé parfaitement inutile car quoi qu’on pense, vous et moi, du-dit voile, la question n’est pas là, elle porte sur la laïcité de l’État et sur ce que cela implique pour toute personne qui y travaille ou est engagée par cet État, ce qui, veut, veut pas, inclut le personnel enseignant.


S’il ne porte pas sur le voile islamique, ce débat porte-t-il alors sur le port de signes religieux? En un sens oui, mais par la bande, dirais-je, ou en second lieu; comme une conséquence de la proclamation de la laïcité de l’État, et non pas comme sa cause. Car si l’État se dit laïc, est-ce que tous ceux et celles qui le représentent ne doivent pas REFLÉTER cette laïcité, autrement dit avoir une apparence neutre? Neutre aussi bien sur le plan religieux que politique et idéologique.  Autrement dit, pour tous et toutes, devoir de réserve dans l’affichage de ses croyances personnelles.


En fait - et c’est là-dessus qu’il faut se concentrer ou, comme on dit de nos jours, «focaliser» -, c’est sur la laïcité elle-même que porte – ou doit porter - le débat. Au Québec, le processus de laïcisation des institutions publiques et para-publiques est en cours depuis au moins la Révolution tranquille. (Au moins 60 ans! ») Le projet de loi qui s’en vient devrait enfin, après tant de temps, parachever ce processus et nous ficher la paix une bonne fois pour toutes afin que le vivre-ensemble, le bien vivre ensemble, ne soit plus entravé par des questions religieuses. Des questions et des querelles religieuses.


Cela dit, je lis assez souvent qu’il paraîtrait que la laïcité n’est toujours pas définie et qu’elle le devrait dans un texte de loi. Ah oui ? Tiens, comme par hasard, je la vois, cette définition, au menu de mon resto…



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