Charte: Québec songe à abolir le droit de retrait

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Pas question de jeter du lest

(Québec) Pas question de jeter du lest, au contraire. Devant le large mouvement de défection à l'endroit de sa Charte des valeurs québécoises à Montréal, le gouvernement Marois envisage plutôt de fermer carrément les échappatoires, de mettre de côté les mesures qui devaient permettre aux villes, aux universités et aux hôpitaux de se soustraire aux impératifs du projet gouvernemental.
Dans le projet annoncé il y a un mois, le ministre Drainville avait indiqué que ces institutions auraient le droit de se soustraire, pour cinq ans, aux dispositions de la Charte par une décision de leur conseil d'administration. Il s'agirait d'une disposition transitoire, renouvelable tous les cinq ans. Québec envisage cependant de mettre au rancart ces séries d'exceptions qui transformeraient Montréal en gruyère de la laïcité en créant une multitude d'environnements où la Charte n'aurait pas droit de cité, a appris La Presse.
En effet, les municipalités, hôpitaux et universités qui auraient exercé ce droit de retrait pourraient permettre à leurs employés de porter des signes religieux ostentatoires. Dès l'annonce des intentions du gouvernement, tous les candidats à la mairie de Montréal, les 15 villes défusionnées, l'Université McGill, l'Université de Montréal et le Collège Dawson ont immédiatement annoncé qu'ils exerceraient ce droit de retrait.
S'il conserve cette porte de sortie, le gouvernement se retrouvera dans une situation absurde: la métropole, qui compte le plus de nouveaux arrivants, sera exemptée d'une mesure visant cette clientèle, relève une source gouvernementale.
Comme une loi 101 qui ne s'appliquerait pas à Montréal
Jean-François Lisée, a illustré publiquement l'incongruité de cette situation. Ce serait comme si, lors de l'adoption de la loi 101 en 1977, le gouvernement Lévesque avait décidé qu'elle s'appliquerait partout, sauf à Montréal. Le ministre responsable du dossier, Bernard Drainville, soutenait publiquement cette semaine que des changements, des «bonifications», étaient incontournables après les commentaires reçus des citoyens.
«Le débat n'est pas encore tranché», mais les exemptions sont en péril. «Le gouvernement a pris bonne note que l'ensemble des maires sortants de l'Île ont annoncé en bloc qu'ils se retireraient. Or, le gouvernement a toujours dit qu'il ne voyait pas cette clause de retrait comme une manière de se sortir systématiquement de l'application de la Charte... On peut penser que les exemptions seraient difficilement applicables», a confié une source gouvernementale. «Le gouvernement souhaitait avoir une réflexion posée... Il se fait dire: "on ne veut pas même en discuter, on sort! "»
Le ministre Bernard Drainville doit, au cours des prochains jours, faire le bilan des 25 000 courriels reçus par son ministère sur la Charte des valeurs pour le comité «identité» du Conseil des ministres.
Ce sera une sorte de mise au jeu pour la préparation du projet de loi, qui n'est pas encore entré dans le «pipeline». Il n'a pas été soumis aux comités ministériels, le passage obligé avant la discussion, finale, au Conseil des ministres.
Feu les exemptions
Environ la moitié des messages reçus sont favorables au projet gouvernemental; environ 20% voient aussi d'un bon oeil ces mesures, mais préconisent des changements. Ce que ce groupe propose est limpide: retrait du crucifix à l'Assemblée nationale et abolition de la série d'exemptions, qui transformeraient la métropole en gruyère administratif. Enfin, 16% des courriels sont contre le projet de charte.
Cette semaine, le ministre Drainville a affirmé publiquement que «les chances sont assez élevées» pour qu'il apporte des modifications aux propositions qui ont provoqué un large débat au cours des dernières semaines. Québec, dès le premier jour, avait indiqué son intention de «bonifier le projet».
«Il faut prendre en considération ce que les citoyens nous ont dit. Il faut prendre en compte également toutes les autres interventions qui ont été faites», a soutenu M. Drainville à Radio-Canada.
Le rythme des courriels s'est accéléré au cours des derniers jours, à mesure que l'échéance approchait, ont indiqué des sources fiables. Dans le dernier week-end, plus de 3000 courriels ont été reçus sur le site gouvernemental.
S'il abolit les exemptions, la possibilité de droit de retrait, le gouvernement ira dans le sens souhaité par le ministre Jean-François Lisée, ont indiqué des sources péquistes à La Presse.
En point de presse, il y a quelques jours, le ministre responsable de la métropole, Jean-François Lisée, a été limpide. Pour lui, comme pour le gouvernement, le droit de retrait est une mesure transitoire - et non pas un mécanisme permettant à une région entière, Montréal par exemple, de s'exclure des impératifs de laïcité.
Le droit de retrait est «une façon de permettre à des municipalités ou des hôpitaux qui ont une personnalité particulièrement forte, ancrée dans une communauté religieuse, par exemple, d'avoir une période de transition plus douce et plus longue», avait dit M. Lisée.
«Ce n'est pas conçu pour que toute une région puisse s'exclure. C'est comme si [l'ancien ministre] Camille Laurin avait dit: "On va faire la loi 101 sauf à Montréal." Bien sûr que non. C'est pourquoi on dit que sur cet aspect de la transition, on est à l'écoute, on reçoit les propositions et il y aura des bonifications», avait-il prévenu.


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