En l'espace de quelques mois, plusieurs entreprises canadiennes de bonne taille ont été acquises par des géants étrangers, au plus grand bonheur des actionnaires qui s'en sont mis plein les poches, mais au détriment de notre économie. Au cours des deux dernières semaines uniquement, trois grandes compagnies ont fait l'objet d'offres d'achat fermes: la société russe Norilsk Nickel Group a offert 5,3 milliards pour acquérir LionOre Mining International d'Alberta; le producteur d'acier Ipsco Inc. a été avalé par la suédoise Svendkt Stal au coût de 7,7 milliards; et plus près de chez nous, les actionnaires d'Alcan sont courtisés par Alcoa, le numéro deux mondial de l'aluminium.
Au cours des derniers mois, il y a aussi eu Domtar, Abitibi-Consolidated, Agricore United, Algoma Steel, North American Oil Sands, Standard Aero, Inco et Dofasco, pour ne nommer que les plus importantes.
Le point commun saute aux yeux: toutes ces sociétés sont engagées dans l'exploitation des ressources.
La croissance rapide de la Chine et des autres pays émergents comme l'Inde et le Brésil a poussé le prix des matières premières à la hausse et rempli les coffres des sociétés d'exploitation, qui sont ainsi devenues des proies de choix.
Pour le Canada, pour le Québec, ces transactions entraînent non seulement des pertes sèches en matière de sièges sociaux, d'emplois et de retombées pour la recherche, mais aussi le risque de ne plus pouvoir décider du rythme et de l'intensité de l'exploitation de ressources non renouvelables comme le pétrole, le nickel, l'or ou la forêt.
Jusqu'à présent, Ottawa s'est montré méfiant à l'égard de sociétés d'État chinoises désireuses d'acquérir des entreprises canadiennes. Mais cette méfiance n'était qu'idéologique puisque les conservateurs de Stephen Harper, et particulièrement son ministre de l'Industrie, Maxime Bernier, sont convaincus des vertus intrinsèques du libre marché parfait. Pourtant, que dire des sociétés russes, brésiliennes, indiennes ou même américaines qui n'ont que faire du développement économique canadien?
Ottawa n'a rien fait pour empêcher le mouvement actuel. Rien fait non plus pour favoriser la concertation entre les sociétés canadiennes qui auraient pu renverser la tendance. Même la presse d'affaires torontoise s'en inquiète, ce qui n'est pas peu dire...
À Québec, le ministre Raymond Bachand a tenté de rassurer tout le monde en rappelant la teneur des contrats qui lient Alcan au Québec et l'engagement d'Alcoa de maintenir à Montréal un des deux futurs sièges sociaux de la nouvelle entité fusionnée. M. Bachand sait pourtant que cette «succursale» canadienne n'aura pas du tout les mêmes pouvoirs que l'actuel siège social d'Alcan. Tôt ou tard, l'essentiel des décisions stratégiques sera pris à l'étranger, et c'est aussi ailleurs que se fera la recherche. Mais qu'est-ce qu'on attend pour prendre les choses au sérieux dans nos capitales?
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j-rsansfacon@ledevoir.com
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