Une volonté contraire aux gestes

Québec veut réduire ses émissions de GES de 80%, mais sonde son potentiel pétrolier

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La mauvaise foi incarnée !

Le premier ministre Philippe Couillard a annoncé mercredi qu’il engageait le Québec sur la voie d’une réduction extrêmement ambitieuse de ses émissions de gaz à effet de serre au cours des prochaines années. Un geste salué par les groupes environnementaux. Ceux-ci soulignent toutefois que les intentions mises de l’avant sont incompatibles avec les projets d’expansion de l’industrie des énergies fossiles auxquels le gouvernement se montre favorable.

De passage à Toronto pour le « Sommet des Amériques sur le climat », le chef libéral a ainsi fait savoir que le Québec adhère au « Protocole d’accord sur le leadership climatique mondial ». Cet instrument prévoit que les signataires s’engagent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) de 80 % à 95 % d’ici 2050, par rapport à 1990.

Un tel engagement doit en théorie permettre de contribuer à limiter le réchauffement climatique à moins de 2 °C d’ici 2100, ce qui est l’objectif officiel de la communauté internationale. À ce jour, 18 États et provinces de neuf pays et de quatre continents l’ont signé, dont l’Ontario et la Californie. Cela représente une population d’environ 130 millions de personnes.

Pour M. Couillard, le Québec est un « leader environnemental reconnu à l’échelle internationale », et ce nouvel engagement « est une autre preuve concrète que les États fédérés jouent un rôle majeur dans notre lutte collective contre les changements climatiques ».

Le chef libéral est même allé jusqu’à affirmer que « nous observons présentement le début de la fin de l’ère des hydrocarbures ». Selon lui, ces ressources dont dépendent nos sociétés depuis le début de l’ère industrielle devraient être chose du passé d’ici la fin du présent siècle. Il a d’ailleurs plaidé en faveur d’un « nouveau type de croissance, aussi solide, mais plus durable que notre économie d’aujourd’hui, qui s’appuie toujours sur les combustibles fossiles ».

« On ne quittera pas l’âge des hydrocarbures parce qu’on va manquer de pétrole, on va le quitter parce qu’on aura inventé de nouvelles technologies et qu’on aura trouvé de nouvelles sources d’énergie », a aussi prédit le premier ministre au cours d’un point de presse tenu avec son homologue ontarienne, Kathleen Wynne.

Absence d’Ottawa

M. Couillard a également fait valoir que le Canada, critiqué depuis des années pour son inaction climatique, devrait au contraire être à « l’avant-garde » dans ce domaine puisqu’il exploite du pétrole.

Le gouvernement Harper n’avait pas dépêché de représentant au sommet torontois, qui accueille des chefs de gouvernement, mais aussi l’ancien président mexicain Felipe Calderon et l’ex-vice-président américain Al Gore. Il faut dire que le gouvernement Harper est hostile à toute forme de taxation des émissions de carbone, jugeant que cela pourrait avoir des effets néfastes sur l’économie du pays.

Chose certaine, toute réglementation des émissions de GES pourrait avoir un impact sur l’industrie pétrolière et gazière. C’est en effet ce secteur qui est responsable de la majorité de la hausse continue des émissions au pays. Exemple frappant du phénomène, l’Alberta est la plus grande émettrice de GES parmi toutes les provinces. Ses émissions dépassent même celles de l’Ontario et du Québec combinées.

Un rapport publié en mars par 60 chercheurs canadiens concluait pourtant que le pays devrait réduire ses émissions de 80 % d’ici 2050. Un objectif qui se rapproche de ce que Philippe Couillard s’est engagé à faire mercredi.

Le geste du premier ministre a été salué par les groupes écologistes, qui réclament depuis des années un plan de sortie de notre dépendance aux énergies fossiles. Pour Karel Mayrand, directeur général pour le Québec de la Fondation David Suzuki, l’objectif que semble vouloir se donner le gouvernement Couillard devra aussi « orienter les choix d’investissements publics et privés ». Il a ainsi rappelé que tout projet industriel devra être compatible avec la cible d’élimination des GES.

Or, ce n’est absolument pas le cas à l’heure actuelle, a rappelé Patrick Bonin, responsable de la campagne Énergie-Climat chez Greenpeace. « La cible adoptée est totalement incompatible avec les nouveaux projets de pipelines de sables bitumineux et l’exploitation pétrolière envisagés au Québec. L’adoption d’une cible est une étape importante, mais le gouvernement a un devoir de cohérence et il doit rejeter les projets d’infrastructures pétrolières, gazières, routières ou industrielles qui nous enfermeraient dans une économie hautement polluante pendant des décennies. »

Énergie Est, Saint-Laurent, Anticosti

Dans les faits, le gouvernement Couillard a manifesté une ouverture certaine au projet de pipeline Énergie Est, qui facilitera le transport et l’exportation de 400 millions de barils de pétrole des sables bitumineux chaque année. Il a certes annoncé une évaluation environnementale du projet, mais celle-ci exclut les 32 millions de tonnes de GES qui seront produits annuellement dans le cadre de l’exploitation de ce pétrole albertain. Qui plus est, ce pipeline est conçu pour être utilisé pendant plusieurs décennies.

Québec est également favorable à l’exploration pétrolière et gazière sur le territoire québécois. Les études environnementales lancées par les libéraux au cours des derniers mois sur cette filière indiquent d’ailleurs clairement que le gouvernement a l’intention d’ouvrir toute grande la porte à l’exploitation. Même le gaz de schiste est évoqué.

En plus de financer des travaux d’exploration sur l’île d’Anticosti, le gouvernement a aussi annoncé récemment le dépôt d’un projet de loi qui marque une étape cruciale vers l’ouverture du golfe du Saint-Laurent aux projets pétroliers. Plus tôt cette année, il a aussi déposé un projet de loi pour s’assurer que la future cimenterie de Port-Daniel, qui sera un important émetteur de GES, échappe à une évaluation environnementale.

Par ailleurs, selon le plus récent bilan disponible, les émissions du Québec ont augmenté entre 2012 et 2013.


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