Ceux qui apprécient la valeur d'un regard extérieur posé sur nos psychodrames nationaux goûteront cette opinion-ci: la commission Bouchard-Taylor a été un échec. Elle se sera montrée conservatrice côté religion, frileuse côté affirmation culturelle. Elle aura, même en évoquant une troisième voie mal définie, fait reculer l'universalisme au profit d'un multiculturalisme potentiellement dangereux.
Ce regard est celui d'une journaliste, proche du Monde et de Charlie Hebdo, devenue en France une spécialiste des intégrismes religieux... et des accommodements qu'ils revendiquent.
Caroline Fourest a publié Foi contre choix sur la droite religieuse américaine. La Tentation obscurantiste sur l'islamisme. Et Tirs croisés sur les intégrismes chrétien, juif et musulman. Aujourd'hui, elle signe La dernière utopie (chez Grasset, bientôt disponible ici), qui documente la guerre déclenchée contre l'idéal laïque et universaliste, celui de la Révolution française.
L'auteure estime que le Québec version Bouchard-Taylor concourt à cette tragédie.
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Caroline Fourest est en effet catégorique: le glissement vers le multiculturalisme de type anglo-saxon, dont la tentation sévit même en France, présente de graves dangers.
Dans La Tentation de l'obscurantisme, elle observait déjà que «la bonne volonté multiculturaliste se transforme en passoire face à des revendications religieuses radicales». Et que, brouillant les cartes, cette bonne volonté fait même de diverses gauches des chiens de garde au service de factions intégristes d'extrême droite! En France, cela s'est vu. Ici aussi. L'auteure remarque que Charles Taylor, pourtant marqué à gauche, «a pesé de tout son poids pour faire passer la liberté religieuse avant la laïcité».
En outre, la journaliste française diagnostique chez nous diverses lignes de fracture singulières.
Ainsi, «les commissaires apparaissent comme les tenants d'un establishment universitaire méprisant, tandis que les Québécois inquiets se sentent regardés comme des ploucs», écrit-elle. Des ploucs assimilables «à une tribu indigène sur la défensive, à qui l'on explique qu'il n'est pas bien d'avoir peur d'autres tribus...» (Fourest n'aurait pas renié ces phrases en apprenant que, encore récemment, Gérard Bouchard a dit estimer que les Québécois ont toujours besoin de «sensibilisation».)
Il serait cependant injuste de pelleter la totalité de ces problèmes dans la cour des accommodants commissaires.
Car un oeil extérieur, aussi perçant soit-il, n'est pas forcément en mesure d'évaluer le poids écrasant du conformisme intellectuel en terre d'Amérique. Ni la peur panique paralysant le gouvernement Charest à l'idée de devoir se prononcer (ou pire encore, légiférer: souvenons-nous du projet de loi 16!) dans un dossier aussi délicat.
En fait, le regard de Caroline Fourest vaut surtout en ce qu'il confirme que, comme beaucoup d'autres nations occidentales, le Québec n'est pas encore suffisamment conscient de la fragilité des valeurs - largement celles de la Révolution française, en effet - qui l'ont fait entrer dans la modernité.
Un regard français
L'auteure estime que le Québec version Bouchard-Taylor concourt à cette tragédie.
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