L'assassinat du parrain de la mafia montréalaise, Nicolo Rizzuto, n'est pas un simple fait divers. Cet épilogue de la guerre que se livrent divers clans du crime organisé devrait attirer notre attention sur les activités de cette organisation criminelle, qui s'étendent de plus en plus dans le secteur de la construction. Par le rôle qu'elle exerce auprès de grands entrepreneurs, elle s'approche du monde politique. Il y a danger.
Le crime organisé, dont la mafia est l'incarnation la plus médiatisée, étend ses tentacules partout. C'est dans la nature même de la bête. Au-delà du monde interlope, il a besoin de prendre pied dans l'économie légale pour blanchir ses profits, et, de tout temps, il a investi le secteur de la construction, qui s'est révélé particulièrement propice à la création d'activités aux apparences licites. Il n'y a rien de nouveau dans ce qu'ont pu nous apprendre de récentes enquêtes policières sur les opérations de blanchiment d'argent et de travail au noir.
Plus nouveau, et surtout beaucoup plus inquiétant, est la confirmation venue d'un porte-parole de l'escouade Marteau de l'existence de liens entre la mafia et le groupe de grands entrepreneurs de construction appelé les «fabulous fourteen». Alors que ceux-ci se coalisent pour se partager les grands contrats de construction du secteur public, la mafia de son côté voit à éloigner les importuns avec les méthodes qu'on lui connaît, comme en a témoigné cette semaine un entrepreneur de Québec. Et au passage, elle prélève une taxe sur ces contrats pour services rendus.
Des informations sur l'existence d'un cartel d'entrepreneurs circulent depuis des mois dans les salles de rédaction. Que la police ose, même dans des termes prudents, les confirmer devrait alerter le gouvernement Charest et le faire réagir, car la mafia, en plus de prendre pied dans l'économie légale, se trouve ainsi aux portes des administrations publiques par le biais de son association avec des entreprises de la construction, des syndicats, des firmes professionnelles. On peut même craindre que dans certains cas, elles n'y soient entrées.
Que faire? Le gouvernement Charest répond que seules des enquêtes de police peuvent donner des résultats. Il récuse toujours la nécessité d'une commission d'enquête publique. Il résume sa pensée dans une «ligne de presse» qui dit «la prison, pas la télévision», façon de dire qu'une enquête publique n'est qu'un spectacle sans effets. Le problème est que même le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, reconnaît qu'il faudra des années avant d'envoyer un accusé en prison. Cela n'apaisera en rien l'inquiétude qui se fait de plus en plus grande dans le public et dans de nombreuses administrations municipales et corps publics.
L'opposition accuse le gouvernement Charest de manquer de volonté dans le grand ménage qui s'impose, lui reprochant de se faire complice du crime organisé. Le mot est trop fort. Il faut être conscient de sa portée. On croirait les libéraux de Jean Charest plus déterminés si, dans les gestes qu'ils posent par ailleurs, ils arrêtaient de s'en tenir à des demi-mesures. Un exemple de cela est leur décision de laisser le ministre des Affaires municipales juger si une plainte contre un élu municipal est recevable pour ensuite en confier l'examen à la Commission municipale, qui est un nid de nominations partisanes. Pour éviter toute partialité, il faudrait confier ces tâches à un commissaire à l'éthique. Comment ne pas croire devant ce genre de décisions qu'on manque de convictions quant aux valeurs qu'il faut défendre?
Enquête sur la construction
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