Le gouvernement Charest a accueilli avec une certaine ouverture les engagements pris par le premier ministre Stephen Harper dans le discours du Trône qui a présidé mardi à la reprise des travaux parlementaires à Ottawa. Le dépôt d'un projet de loi pour encadrer le pouvoir fédéral de dépenser est vu comme un pas dans la bonne direction. Pourtant, la circonspection s'impose, car beaucoup d'éléments de ce discours du Trône ne vont pas dans le bon sens.
L'élément premier qu'a retenu le premier ministre Jean Charest est cette intention du gouvernement conservateur de déposer ce projet de loi sur le pouvoir de dépenser qu'il attendait depuis longtemps. Ce projet est pourtant reçu par un concert quasi unanime de critiques en raison de sa portée limitée, concert auquel s'est même joint Stéphane Dion dans sa réplique au discours du Trône à titre de chef de l'opposition officielle à la Chambre des communes.
L'intention que poursuit Stephen Harper avec cet engagement est limpide. Il s'agit d'une autre étape de son opération de charme auprès des Québécois, entreprise lors de la campagne électorale de 2006. Il a certes fait des gestes depuis, dont la portée a surtout été symbolique. Le siège à l'UNESCO promis pour le Québec s'est révélé un strapontin. Le déséquilibre fiscal n'a pas trouvé de solution à la hauteur des attentes du gouvernement québécois. Quant à la reconnaissance par une motion des Communes des Québécois formant une nation, cela ne reste toujours que des mots.
L'encadrement du pouvoir fédéral de dépenser est une revendication qu'ont partagée tous les gouvernements québécois depuis 60 ans. Afin de contrer la capacité d'Ottawa d'intervenir dans les champs de compétence des provinces, on a constamment demandé de pouvoir exercer un droit de retrait avec pleine compensation financière, ce qui permettrait au Québec de garder la pleine maîtrise de ses compétences et de son développement.
Stéphane Dion observe ainsi que le premier ministre Harper en propose moins que ce qu'avait soumis le gouvernement Chrétien en 1996 alors qu'il cherchait à manifester de l'ouverture au Québec au lendemain du référendum de 1995. En 1999, ses efforts avaient abouti à l'accord sur l'Union sociale, qui prévoit un droit de retrait implicite pour les provinces lorsque Ottawa intervient dans le domaine des politiques sociales. Sur ce plan, il rejoint presque la critique du chef du Bloc québécois, qui reproche à la proposition Harper de ne pas aller plus loin que ce que prévoit l'accord sur l'Union sociale. Rappelons que le Québec ne l'a jamais signé justement parce que le droit de retrait qui s'y trouve est trop limité. Jean Charest était alors chef de l'opposition officielle à l'Assemblée nationale et avait appuyé le premier ministre Lucien Bouchard.
L'intérêt que présente la proposition du premier ministre Harper est mineur. Tout d'abord, il n'entend limiter le pouvoir de dépenser que pour les programmes à frais partagés. Depuis quelques années, le gouvernement fédéral privilégie les interventions directes auprès des particuliers, des sociétés ou des universités. Bref, on ne limiterait que symboliquement le pouvoir de dépenser, et cette limitation aurait d'autant moins de portée qu'elle ne serait pas enchâssée dans la Constitution. Au surplus, il faudrait pour obtenir une compensation financière que le Québec offre un programme similaire à celui proposé par Ottawa.
Le Québec ne pourra pas se contenter de si peu. Il appartient au gouvernement Charest de définir des attentes qui feront consensus et de les exposer clairement. Les intentions de Stephen Harper ne sont pas pures. Il ne faut pas que cette question de l'encadrement du pouvoir de dépenser devienne l'objet d'un trivial marchandage électoral. Il faut se méfier, car il y a dans ce discours du Trône préélectoral d'autres mesures qui, de toute évidence, ne vont pas dans le sens des intérêts du Québec, qu'il s'agisse de la réforme du Sénat, de l'abandon du protocole de Kyoto ou encore du retour de projets de loi sur la criminalité. Le gouvernement Charest doit être ferme.
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