Encadrer ou éliminer le pouvoir de dépenser?

Les partis à Québec sont incapables de s'entendre sur le libellé d'une motion

Québec face au "pouvoir de dépenser" d'Ottawa

L'intention du gouvernement Harper d'encadrer le pouvoir fédéral de dépenser a divisé hier les élus à l'Assemblée nationale. L'ADQ et le PQ s'entendent sur l'élimination de ce pouvoir, tandis que les libéraux ne veulent que son encadrement. Le premier ministre Jean Charest souhaite surtout que ce geste de Stephen Harper soit perçu comme un «succès» par les Québécois.
Québec -- Les libéraux ont bloqué une motion sur le pouvoir fédéral de dépenser au sujet de laquelle les deux partis d'opposition s'étaient entendus, motion dont les trois partis auraient voulu qu'elle fasse l'objet d'un vote unanime de l'Assemblée nationale.
Présentée par l'opposition officielle, la motion stipulait que l'Assemblée nationale «affirme sa volonté et l'importance d'éliminer le pouvoir fédéral de dépenser du gouvernement du Canada dans les champs de compétence exclusifs du Québec». La motion recevait «favorablement» la volonté exprimée à ce sujet dans le discours du Trône et affirmait la nécessité que cette règle soit constitutionnalisée.
Or les libéraux ont préféré la première version soumise par l'ADQ, qui ne parlait pas d'éliminer le pouvoir fédéral de dépenser mais bien d'encadrer ce pouvoir. Les péquistes n'ont pas accordé leur consentement pour que la motion soit mise au vote.
Les discussions devraient toutefois se poursuivre aujourd'hui. Rappelons que ce printemps, au sujet d'une motion traitant de la reconnaissance de la nation québécoise, PLQ, ADQ et PQ s'étaient tiraillés pendant trois jours avant d'en arriver à un libellé acceptable pour tous. En fin d'après-midi hier, le ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes, Benoît Pelletier, s'est montré optimiste quant à la possibilité d'adopter cette semaine une motion unanime, tout comme le chef de l'opposition officielle, Mario Dumont.
Il était quelque peu surprenant de voir hier les libéraux s'apprêter à voter pour que ce soit par un amendement constitutionnel que le pouvoir fédéral de dépenser soit encadré. Au cours de la période de questions, le premier ministre Jean Charest a insisté sur les dangers pour le Québec d'emprunter la voie constitutionnelle. Il a traité Mario Dumont «d'amateur» en matière de Constitution. «C'est extrêmement inquiétant de jouer avec l'avenir des Québécois comme il le fait. Le chef de l'opposition officielle propose de rouvrir aujourd'hui le dossier constitutionnel», a-t-il lancé. Pour sa part, le chef libéral le fera «quand les conditions s'y prêteront», a-t-il réitéré sans se faire plus précis.
Culture de chicane
Le premier ministre a accusé l'ADQ et le PQ de remonter à bord «du même autobus» et de partager «la même culture de chicane».
Le premier ministre s'est montré très satisfait de l'intention, exprimée par le gouvernement Harper dans le discours du Trône, de présenter un projet de loi afin d'encadrer le pouvoir fédéral de dépenser, et ce, même s'il ne porte que sur les programmes à frais partagés et non pas sur les intrusions directes du fédéral. «Le gouvernement fédéral fait une proposition. Il le fait conformément aux représentations qu'on a faites justement pour préparer le terrain, comme ç'a été le cas pour la reconnaissance de la nation», l'UNESCO, l'assurance parentale, la santé et le fédéralisme asymétrique, a-t-il énuméré. Le premier ministre est d'avis que le Québec fera «un nouveau gain», obtiendra «un autre succès parmi les succès qu'on a pu donner à la population du Québec».
De son côté, Mario Dumont a évité d'égratigner le gouvernement Harper, exprimant sa satisfaction quant à l'intention exprimée par le premier ministre canadien. Il a toutefois mis l'accent sur l'importance de constitutionnaliser cet encadrement du pouvoir fédéral de dépenser.
De son côté, la chef du PQ, Pauline Marois, dont la position est semblable à celle du chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, estime que la proposition du gouvernement Harper est un recul par rapport à l'Union sociale, rejetée tant par Claude Ryan que par Lucien Bouchard. L'Union sociale encadrait aussi les dépenses directes d'Ottawa, a-t-elle fait valoir. La chef péquiste a indiqué qu'elle se montrera «intraitable» quant au libellé de la motion, qui doit comprendre l'élimination du pouvoir fédéral de dépenser dans les champs de compétence du Québec.


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