Deuxième article d'une série de six articles, intitulée « Qui est Stephen Harper ? »
Stephen Harper est né à Toronto. Élève studieux, brillant, il entreprend des études à l'Université de Toronto, mais abandonne après quelques mois, faute de perspectives claires. Il déménage à Edmonton où il se retrouve à l'emploi de l'Imperial Oil, tout comme son père qui est comptable pour la pétrolière à Toronto. Après deux ans, il déménage à Calgary où on lui offre de devenir responsable du système d'ordinateurs de l'entreprise.
Dans sa biographie Stephen Harper And the Future of Canada (McClelland & Stewart) dont nous tirons les informations biographiques de cet article, William Johnson nous apprend que Stephen Harper est rapidement marqué par la géopolitique du pétrole. Partisan de Pierre Elliott Trudeau dans son opposition au Parti Québécois, il rompt avec le premier ministre lorsque celui-ci met en place en 1980 sa Nouvelle politique économique.
La NEP vise à taxer les produits pétroliers de l'Alberta pour établir le prix du pétrole canadien en bas du prix mondial. Une politique taillée sur mesure pour l'industrie ontarienne et québécoise. C'est l'époque où les Albertains apposent sur les pare-chocs de leurs voitures des auto-collants avec le message suivant : « Let the Eastern Bastards Freeze in the Dark ».
Harper adhère au Parti conservateur dirigé par Brian Mulroney. Il sera l'assistant à Ottawa du député conservateur de Calgary, Jim Hawkes. Mais il revient vite dans l'Ouest déchanté de son expérience. Il appuie les conservateurs pour leur politique de libre-échange avec les États-Unis, mais est mécontent de la mollesse conservatrice sur les questions sociales et économiques. Entre autres, il trouve beaucoup trop timide la réforme de l'assurance-chômage.
Stephen Harper revient à Calgary où il s'inscrit pour une maîtrise en économie à l'Université de Calgary. Ses professeurs racontent au biographe William Johnson se rappeler de Stephen Harper comme de l'étudiant qui lisait les oeuvres de Ricardo, Adam Smith et autres classiques, alors que la plupart se contentent de résumés.
L'étudiant Harper devient rapidement un adepte de l'économiste Friedich Hayek, le gourou du néolibéralisme. L'interventionnisme étatique de Trudeau qui a mené à l'inflation, puis à la stagflation, confirme à ses yeux les thèses de Hayek dont la principale : il faut moins d'État.
Les gouvernements de Margaret Thatcher et Ronald Reagan enthousiasment Harper. « Pourquoi Mulroney n'a-t-il pas suivi leur voie? », se demande-t-il.
En 1986, le gouvernement Mulroney confie le contrat de 1,2 milliard $ pour l'entretien de la flotte de 138 avions CF-18 à l'usine de Canadair plutôt qu'à celle de Bristol Aerospace de Winnipeg. La décision soulève un tollé dans l'Ouest. Elle va changer le cours de l'histoire. Le mouvement de rupture avec le Parti conservateur va donner naissance au Reform Party.
Harper cherche d'abord à créer au sein même du Parti conservateur un réseau de « Blue Tory », par opposition au réseau de « Red Tory ». Il veut imposer un changement de direction à la politique canadienne sur le modèle de ce qui est survenu en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande.
Mais une rencontre va changer sa vie. Le directeur du département d'économie de l'Université de Calgary, Robert Mansell, le met en contact avec Preston Manning, qui est consultant pour l'industrie pétrolière, mais dont le père Ernest Manning a été premier ministre créditiste de l'Alberta de 1943 à 1968.
Mansell intéresse Harper et Manning à ses travaux d'économie. Il questionne l'ampleur de la dette du gouvernement fédéral. Il soutient également que le fédéral extrait des milliards $ de l'Alberta pour les redistribuer aux sept provinces les plus pauvres, dont la moitié au Québec.
Un groupe de réflexion se forme, le Reform Association of Canada, auquel participent des gens de l'industrie pétrolière. Rapidement, Manning et Harper en viennent à la conclusion qu'il faut créer un tiers parti. Mais tout au long de leur longue collaboration, Manning et Harper vont diverger d'opinions sur l'orientation de ce parti. Manning veut un parti populiste, dans la tradition créditiste de son père, un parti qui accueillera aussi bien les libéraux, les néo-démocrates que les conservateurs. Harper veut plutôt un parti carrément de droite.
Manning croit que l'opposition principale au Canada est entre le centre du pays et les régions éloignées, l'hinterland. Harper croit que la fracture fondamentale est entre les secteurs privé et public. Selon lui, l'État-providence a créé une nouvelle classe sociale, la « classe politique ». Cette classe en vient à réclamer plus de ressources que le secteur privé peut en fournir. Le réalignement politique va donc se faire dans les pays développés entre les payeurs de taxes du secteur privé (la droite) et ceux qui bénéficient, sous une forme ou l'autre, des impôts de l'État-providence (la gauche).
La gauche veut des prêts pour les étudiants, des subventions pour les garderies, de meilleures pensions pour les retraités, des subsides pour les agriculteurs. La droite veut des réductions d'impôts.
Ses divergences avec Manning amèneront Harper, en janvier 1997, à démissionner de son poste de député réformiste à la Chambre des Communes pour assumer la présidence de la National Citizen Coalition, un groupe de pression canadien-anglais fondé en 1967 par le millionnaire ontarien Colin Brown, et ayant comme slogan « Plus de liberté avec moins de gouvernement ».
Le geste de Harper attire l'attention des médias. Pourquoi démissionner d'un poste de député alors que tant d'efforts et de sacrifices sont nécessaires pour être élu? Désormais, Harper est sur toutes les tribunes pour promouvoir son programme de droite. En parallèle, il poursuit sa réflexion politique. Une seule chose empêche, selon lui, le Canada de connaître une véritable confrontation entre la droite et la gauche, où la droite écraserait la gauche comme ce fut le cas en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande. Et cet obstacle, c'est la question du Québec.
Demain : Stephen Harper et la question du Québec.
L'aut'courriel n° 174, 29 mars 2006
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé