Stephen Harper et la question du Québec (3)

Le Vrai Visage de Stephen Harper

Troisième article d'une série de six articles, intitulée « Qui est Stephen Harper ? »

William Johnson nous apprend dans Stephen Harper And the Future of Canada (McClelland & Stewart) que le point de vue de Stephen Harper sur le Québec s'est forgé à partir de ses discussions avec son grand ami John Weissenberger, un Montréalais de naissance, que Harper a rencontré à l'Université de Calgary en 1984 où Weissenberger venait de s'inscrire pour un doctorat en géologie après avoir complété une maîtrise en français à l'École Polytechnique de Montréal.
Fils d'un immigrant d'Europe centrale, Weissenberger a été traumatisé par la crise d'Octobre, alors qu'il avait dix ans. Il habitait près de l'endroit où a été séquestré Pierre Laporte. Par la suite, il a été marqué par l'exode des anglophones qui a suivi la victoire du Parti Québécois en 1976.
Abonné dès le High School à des publications de la droite américaine comme National Review, Weissenberger était un « néo-conservateur » avant que l'étiquette s'impose. Avec Harper, il est devenu un disciple du grand-prêtre du néolibéralisme Friedrich Hayek. Pour lui, le problème du Québec était l'étatisme, le dirigisme, le socialisme.
Au moment où l'Ouest se révoltait avec l'octroi des contrats de l'entretien des CF-18 à Canadair, Harper et Weissenberger découvraient le livre de Peter Brimelow, Patriot Game, qui allait avoir une influence profonde sur leurs conceptions politiques.
Britannique de naissance, collaborateur au Financial Post , aux revues Forbes et National Review, Peter Brimelow soutenait que c'est la question du Québec qui empêchait l'émergence d'une véritable droite au Canada. Les Québécois votaient en bloc pour le Parti libéral qui avait convaincu le Canada anglais de faire des concessions au Québec. De cela découlait l'hypertrophie de l'État fédéral sous le gouvernement Trudeau. Le gouvernement Mulroney n'était que l'été indien du French Power.
Selon Brimelow, le Canada fait partie de la grande nation nord-américaine anglo-saxonne. Elle n'en est qu'une section distincte, comme le sont le Sud et le Midwest américains. Selon lui, les anglophones des différentes régions du Canada, de l'Ouest, des Maritimes auraient plus de choses en commun avec les Américains des mêmes régions qu'entre eux.
Américains et Canadiens auront encore plus de choses en commun lorsque ces derniers se seront départis de l'influence que les francophones du Québec ont exercée sur eux, c'est-à-dire le goût marqué pour l'interventionnisme de l'État et une certaine « éthique » gouvernementale (le « patronage »).
Brimelow croyait que l'indépendance du Québec était probable et que cela ferait ressortir le vieux fond conservateur du Québec. Cependant, l'indépendance du Québec devrait se faire aux conditions du Canada anglais. Brimelow prônait la partition du Québec, c'est-à-dire le rattachement du Nord autochtone et de l'Ouest de la province au Canada anglais. D'où le titre de son ouvrage, The Patriot Game, une référence explicite à la partition de l'Irlande. Brimelow a été invité à participer à des rencontres de la Reform Association of Canada qui allait donner naissance au Reform Party.
Pour Harper, l'existence de l'État-providence au Canada était liée à la question du Québec. On comprend pourquoi par la suite il s'oppose à l'entente du Lac Meech et à l'Accord de Charlottetown, les deux prévoyant une forme de statut particulier pour le Québec.
Dans les deux cas, la question régionale se trouvait subordonnée à la question nationale québécoise. Harper savait très bien qu'une fois Meech adopté, Bourassa n'accepterait jamais le Sénat tripe-E (élu, égalitaire et efficace) pour lequel se battaient les Réformistes. Dans le cas de Charlottetown, il s'opposait à ce qu'on garantisse au Québec 25% des sièges à la Chambre des Communes, alors que l'évolution démographique favoriserait l'ouest du pays.
Contrairement à Manning qui voyait dans la Révolution tranquille un autre exemple du populisme canadien, Harper la considérait, au contraire, comme une révolution menée du sommet à partir d'une nouvelle « classe politique » dont le principe de base était l'étatisme. La « promotion de la société distincte », telle que définie dans l'Accord du Lac Meech, n'était qu'un chèque en blanc pour davantage d'étatisme.
Sur les questions constitutionnelles, Harper s'est opposé à son chef Preston Manning qui était prêt à appuyer les accords de Charlottetown et, plus tard, à reconnaître la légitimité du référendum québécois. Stephen Harper est partisan de la ligne dure à l'égard du Québec. Il ne faut pas céder à ce qu'il appelle le chantage du Québec. Il est à juste titre le père de la Loi sur la Clarté, comme nous le verrons dans un autre article.
Demain : Stephen Harper et la question linguistique
L'aut'courriel n° 176, 30 mars 2006


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