Quatrième article d'une série de six articles, intitulée « Qui est Stephen Harper ? »
Bien que personne ne soit dupe des motivations politiques qui amènent Stephen Harper à débuter aujourd'hui tous ses discours en français, il n'en demeure pas moins que les Québécois apprécient sa relative maîtrise de la langue de Molière.
Harper se distingue de ces politiciens canadiens-anglais qui se mettent à l'apprentissage du français le jour où ils se découvrent des aspirations pan-canadiennes. Harper n'a jamais habité au Québec et il a appris son français au High School. Il y a même consacré plusieurs semaines d'étude intensive après sa graduation, nous apprend son biographe William Johnson dans Stephen Harper And the Future of Canada (McClelland &Stewart).
Cependant, l'attitude politique de Harper à l'égard du Québec et des francophones n'est pas à la mesure de sa connaissance du français. Il conviendrait peut-être même d'en chercher l'origine chez ses ancêtres loyalistes paternels qui se sont établis dans les Maritimes sur les terres « libérées » par la déportation des Acadiens.
Pour Harper, le Canada bilingue de Trudeau est un échec. Aussi, la promotion du bilinguisme par le gouvernement Mulroney à la faveur de la loi C-72 lui est apparue comme un motif supplémentaire de rejet du Parti conservateur. Harper s'indigne qu'on puisse faire la promotion du bilinguisme au Canada anglais en même temps que le Québec se déclare officiellement unilingue français. Le ressentiment était d'autant plus aigu que la loi C-72 suivait de peu la décision de Robert Bourassa d'utiliser la clause dérogatoire pour soustraire le Québec à un jugement de la Cour suprême sur les questions d'affichage.
Au Reform Party, Harper prône le remplacement de la politique du bilinguisme d'un océan à l'autre par un régionalisme linguistique. À Ottawa, le bilinguisme n'aurait droit de cité que dans quelques institutions fédérales clefs. Plus tard, pour sceller l'alliance avec les conservateurs de Peter MacKay, Stephen Harper doit mettre de l'eau dans son vin. Il accepte que le français et le l'anglais ait un statut égal dans toutes les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada.
Harper s'oppose à la théorie des deux peuples fondateurs. «Définir, déclare-t-il, un pays sur la base de l'union de deux peuples, Anglais et Français, est aussi ridicule aujourd'hui que de définir une nation sur la base de deux religions : protestante et catholique». Pour lui, les questions de race, de culture et de langue doivent être des concepts neutres de l'identité canadienne.
Aujourd'hui, Harper se montre favorable à la dévolution des pouvoirs vers les provinces, y compris celui de légiférer sur la langue et la culture. Cependant, les retombées potentiellement positives de cette position pour le Québec se trouvent contrecarrées par son appui au recours à la Charte des droits pour la défense des droits à la liberté d'expression et au choix de la langue.
Lorsqu'il dirigeait la National Citizen Coalition, Harper a récolté des fonds pour soutenir la cause des parents francophones du Québec qui voulaient pouvoir envoyer leurs enfants à l'école anglaise. Il a également appuyé les démarches de l'avocat d'Alliance Québec, Brent Tyler, pour contester la politique québécoise sur l'affichage qui exige la prédominance du français. À plusieurs reprises, Stephen Harper a déclaré que la langue française n'était pas menacée au Québec.
En 2004, citant l'exemple de la Belgique, il lance l'idée que, plutôt que de donner plus de pouvoirs aux provinces en matière de culture et de relations internationales, le gouvernement fédéral puisse agir de concert avec les provinces, particulièrement le Québec, pour la mise sur pied d'institutions francophones et anglophones dans des domaines de juridiction comme les télécommunications avec le CRTC, Radio-Canada, la francophonie et l'UNESCO. C'est cette approche qu'il tente présentement de définir avec le gouvernement Charest.
Stephen Harper est prêt à remettre en question la politique du bilinguisme de Pierre Elliott Trudeau, à concéder plus de pouvoirs aux provinces, donc au Québec, en matières de culture et de langue, mais il s'empresse de se replier derrière la Cour suprême et la Charte des droits du même Trudeau pour nier les droits collectifs linguistiques du Québec. Pas mal pour un politicien qui a fait carrière sur la dénonciation du « gouvernement par les juges » !
Lundi: Stephen Harper, père de la Loi sur la Clarté
L'aut'courriel n° 177
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