Statuts Refondus de Westminster

Comme l’affirme Machiavel, rien n’est plus risqué et dangereux que l’établissement d’un nouvel ordre de choses.

Actualité québécoise - décembre 2011


Aujourd’hui, 11 décembre, est le 80e anniversaire des Statuts Refondus de Westminster. À cette occasion, l’ineffable Stephen Harper a fait flotter l’Union Jack partout où il y a de la place.

Pour les nouvelles générations nées récemment et qui n’ont pas vécu les épisodes connus des générations plus anciennes, l’Union Jack est le drapeau de la Grande Bretagne et de l’Empire britannique.

Il a été introduit après l’Union Act de 1707, alors que l’Irlande, l’Écosse et le
Pays de Galles ont été inféodés contre leur gré au pouvoir unitaire, arbitraire et centralisateur de Londres. Son usage s’est étendu à tout l’Empire. Quand je suis né, en mars 1931, et tout au long des années trente et
celles qui ont suivi la seconde Guerre mondiale, le seul drapeau que j’ai vu flotter sur les édifices de Montréal, de Québec et surtout en face du Château Frontenac, sur la terrasse Dufferin, c’était l’Union Jack.

Il était le signe de notre inféodation et soumission à l’Empire Britannique. Je suis par conséquent né sujet britannique puisque les Statuts Refondus de Westminster n’étaient pas en vigueur au moment de ma
naissance et pendant les neuf mois consécutifs qui ont suivi. De même pour tous les Québécois et toutes les Québécoises nés avant le 11 décembre 1931.

Avant de piquer une crise, demandons-nous froidement ce que signifient les Statuts Refondus de Westminster pour nous et comment nous devons en tenir compte dans notre propre démarche vers
l’indépendance du Québec, qui doit préalablement être pleinement reconnue foyer national doté des assises de son propre État.


D’abord qu’est-ce qu’un STATUT, pour ceux et celles qui ne sont pas certains de le savoir ?


Par définition, un statut est l’état de ce qui est investi. Prenons un exemple pour le comprendre. Une jeune femme veut devenir médecin. Elle entreprend à ses frais des études prolongées, multiplie ses efforts pour
atteindre le but recherché, puis finalement obtient son diplôme. Ce diplôme, octroyé par l’État, confirme que cette jeune femme a effectivement le statut de médecin, ce qui lui confère par le fait même un droit de
pratique. Le statut reconnu est pour elle un droit et un pouvoir. Cette étroite association entre droit et pouvoir est le fondement même du statut, lequel ne peut être reconnu que par un État dont le statut
propre en tant qu’État est déjà reconnu. Il n’y a pas de faveur ni affection dans la reconnaissance d’un STATUT, lequel exige une période d’investissement parfois très longue. Un STATUT EST UN DROIT-POUVOIR.


Cette définition est universelle et s’applique à tous les statuts reconnus partout dans le monde. Un statut est ontologique, par conséquent existentiel et relationnel, juridique et constitutionnel en soi, donc statutaire et
pratico pratique. Il est le signe concret d’un progrès continu. Ce progrès n’est pas le fait d’un individu isolé mais de toute une société. Pour que la jeune femme puisse devenir médecin, il lui faut un ensemble de
conditions politiques, sociales et économiques.

Le STATUT EST ET FAIT ACTE, s’inscrivant dans un ensemble à l’intérieur duquel son propre succès, obtenu au prix de trente ans d’efforts et davantage parfois, l’introduit parmi les facteurs de progrès de l’humanité.

Le statut est donc l’état ce qui est investi, non seulement par des sujets pris individuellement mais par toute la société qui en possède les aptitudes et les moyens.


Les mêmes principes s’appliquent pour les statuts de peuple (sous entendu reconnu comme tel), nation et État. Ils signifient les progrès accomplis par l’humanité en termes politiques, sociologiques et
économiques. Par conséquent, la reconnaissance de nouveaux statuts chez les peuples, nations et États du monde est le signe qu’un progrès s’accomplit et que ce progrès signifie que le monde
arrive à une plus grande maturité. Comme nous l’avons vu dans plusieurs ouvrages, les Québécois ont effectivement statut de nation et d’État par le fait fondamental de 400 ans d’investissements
progressifs et réussis, comprenant le développement, l’aménagement et la mise en valeur d’un territoire qui compte parmi les plus rudes de tout la Terre et qui en ont fait un beau pays.


Revenons à nos moutons au sujet des Statuts Refondus de Westminster, ou si on veut les Westminster Revised Statutes.

Suite à la guerre des Boers et à la première guerre mondiale, compte tenu des conflits, confrontations et guerres qui ont surgi à l’intérieur de l’Empire britannique, surtout depuis la guerre de l’Indépendance
américaine, il était devenu clair pour les dirigeants de l’Empire que la seule manière d’obtenir une paix prolongée sinon définitive, passera par des reconnaissances de STATUTS pour les colonies. Car les
peuples évolués et conscients de leur état de subordination en face des pouvoirs impériaux ne peuvent endurer longtemps leur inféodation à un pouvoir extérieur et étranger à leurs préoccupations,
pouvoir qui de plus, est inhibiteur quant à leurs possibilités d’agir par eux-mêmes et d’abord pour eux-mêmes.


De tels raisonnements qui collent à la Réalité, sa radicalité, ipséité, semelfactivité et continuité, sont lents à agir et traduire leurs intentions en Acte. Car la Réalité est toujours confrontée à l’insaisissable
liberté des gens, dont personne ne peut voir et prévoir avec certitude la réussite ou l’échec d’une entreprise, quelle qu’en soit nature. La Réalité se confronte donc chaque jour au Réel relationnel,
le fameux Je et Tu de Martin Buber, en ce sens que c’est dans la Réalité que le Réel s’affirme. Il en sortira une Réalité nouvelle et de nouvelles relations qui feront un nouveau Réel.


L’existence est à la fois Réalité, Réel et progrès continu et ces deux facultés inorganiques que sont l’intelligence et la volonté ne peuvent obtenir d’effets immédiats. Il faut y mettre le temps, car,
comme l’affirme un proverbe arabe: Le temps ne respecte pas ce qui se fait sans lui.


Les Statuts Refondus de Westminster étaient donc destinés à permettre aux colonies de l’Empire jugées aptes à se prendre graduellement en charge et partant, se gouverner elles-mêmes.

Ces Statuts se discutaient depuis longtemps à Londres. Lorsque les autorités responsables entreprennent de reconnaitre que les colonies ont progressé vers des STATUTS élargis, elles doivent
procéder avec une extrême prudence afin de ne pas provoquer chez les bénéficiaires des déstabilisations sociales, des désordres pouvant aller jusqu’au chaos. Comme l’affirme Machiavel,
rien n’est plus risqué et dangereux que l’établissement d’un nouvel ordre de choses. La nature humaine est faible et fragile et son équilibre psychique repose sur l’équilibre des forces extérieures
avec lesquelles elle doit continuellement composer.


C’est dans cette perspective que les Statuts Refondus de Westminster comportent une restriction majeure, à savoir: le refus de la Couronne Britannique de céder les titres sur les territoires concernés.

En effet, le statut territorial de possédant de droit (de jure) est détenu exclusivement par la Couronne anglaise, ce qui veut dire que la Reine garde sur tous ses sujets
un droit de regard et de désaveu qui dépasse toutes les réformes constitutionnelles que ces nouvelles nations peuvent s’accorder et qui en feraient des États avec la majuscule.


Un exemple est le Canada Act du 17 avril 1982, qui permet au gouvernement d’Ottawa de passer de nouvelles lois inféodantes pour les provinces d’Empire qui vivent et évoluent
dans cet espace continental qu’on appelle Canada, comprenant le Québec, qui est toujours province d’Empire mais qui aurait pu accéder au STATUT RECONNU DE NATION ET D’ÉTAT.

Pour que la nation et l’État du Québec soient pleinement reconnus, avec possession territoriale de jure comme de facto, les Québécois doivent faire la preuve de leurs aptitudes, leurs compétences
et leur volonté de se gouverner eux-mêmes, sans inféodation aucune sous aucune autre autorité que leur propre autorité nationale.

Cette condition est sine qua non pour que le Québec soit RECONNU ÉTAT-NATION et partant, agisse comme tel.

Il y a du travail à faire.

JRMS














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René Marcel Sauvé217 articles

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J. René Marcel Sauvé, géographe spécialisé en géopolitique et en polémologie, a fait ses études de base à l’institut de géographie de l’Université de Montréal. En même temps, il entreprit dans l’armée canadienne une carrière de 28 ans qui le conduisit en Europe, en Afrique occidentale et au Moyen-Orient. Poursuivant études et carrière, il s’inscrivit au département d’histoire de l’Université de Londres et fit des études au Collège Métropolitain de Saint-Albans. Il fréquenta aussi l’Université de Vienne et le Geschwitzer Scholl Institut Für Politische Wissenschaft à Munich. Il est l'auteur de [{Géopolitique et avenir du Québec et Québec, carrefour des empires}->http://www.quebeclibre.net/spip.php?article248].





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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    12 décembre 2011


    Il n'y a pas de "façon" de faire la preuve. Nous ne sommes ni au théâtre ni en littérature.

    La "preuve" puisque vous insistez, se fait par les Actes et la mise en pratique des principes de stratégie d'État.
    Personne, monsieur Roy, absolument personne, archi-archi
    absolument personne, autre que les Québéois, ne peut
    faire le nécessaire pour reconnaître et se faire
    reconnaître Nation et État.
    Il n'y a pas à en sortir. Si les Québécois n'ont pas
    les connaissances statutaires nécessaires pour savoir
    ce que veut dire Statut reconnu, de jure comme de facto,
    personne d'autre ne le fera à leur place,
    Qu'un homme d'État comme De Gaulle soit venu nous donner une poussée n'arrive pas tous le jours. Il est allé aussi loin qu'il ne
    pouvait mais le reste c'est à nous de décider et d'agir
    en conséquence.
    Ce qui nous manque, c'est une DOCTRINE, un corps
    d'enseignement qui nous serve de régulateur et de guide.
    C'est ce que j'essaie d'introdure dans mon dernier ouvrage: Défense territoriale pour la nation et l'État du Québec. Sauf pour expliciter davantage ces thèses fondamentales, je ne puis absolument rien faire d'autre.
    L'ÉTAT-NATION DU Québec, c'est NOUS et c'est à nous et
    à nous seuls qu'il incombe de prendre conscience de notre STATUT DE NATION ET D'ÉTAT,ce qui va autrement plus loin
    qu'un "statut particulier". Mais ei personne ne le comprend, alors je ne puis faire rien d'autre.
    Salutations
    JRMS

  • Archives de Vigile Répondre

    12 décembre 2011

    Il faut simplement que des gens aient le courage minimal de se présenter devant l'électorat avec un projet de loi transitoire sur la nation québécoise qui va consolider l'État actuel, accorder des droits concrets et emballants aux citoyens québécois et illustrer le pays à venir par des clauses de rupture qui entreraient en vigueur après un référendum gagnant.
    Il s'agit ensuite d'avoir le courage minimal de demander à la population du Québec d'édicter une constitution d'un Québec souverain et indépendant et de faire approuver cette constitution par référendum.
    C'est ce courage minimal qui a manqué et qui manque aux élites souverainistes du Parti Québécois et c'est la raison pour laquelle ce parti va frapper un mur lors de la prochaine élection.
    Pierre Cloutier

  • Daniel Roy C.A. Répondre

    12 décembre 2011

    Pourriez-vous élaborer sur la façon de faire la preuve:
    "Pour que la nation et l’État du Québec soient pleinement reconnus, avec possession territoriale de jure comme de facto, les Québécois doivent faire la preuve de leurs aptitudes, leurs compétences et leur volonté de se gouverner eux-mêmes, sans inféodation aucune sous aucune autre autorité que leur propre autorité nationale."
    De plus, peut-être aimeriez-vous commenter les commentaires du député M. Khul en 1945 dont on retrouve des extraits aux raisons numéros 1573 et 1773 de l'argumentaire 1001 raisons pour faire du Québec un pays à www.1001raisons.com
    « La province de Québec est déjà complètement séparé constitutionnellement du reste du Canada, depuis le 11 décembre 1931, par le Statut de Westminster. Comment pourrait-on se divorcer si nous n’avons jamais été marié?» Traduction d’un extrait d’une lettre écrite par Walter F. Kuhl, membre du parlement, 1935-1949, source detaxcanada.org
    et
    « L’Acte de l’Amérique du Nord britannique, édicté par le Parlement impérial, n’était pas une constitution, mais une simple loi du Parlement impérial qui unit quatre colonies dans un Canada en une seule colonie avec l’autorité suprême toujours demeurant entre les mains du gouvernement britannique. (…) Il est vrai que si nous appliquons à l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, les principes suivis dans l’interprétation des statuts, ce n’est pas un pacte entre les provinces; il s’agit d’un acte du Parlement qui ne représente même pas toutes les résolutions adoptées au Canada et à Londres, avant son passage au Parlement britannique, où certaines clauses qui n’ont pas été recommandées par les provinces canadiennes ont été ajoutées. (…) En vertu de l’article 7, paragraphe 2, de ce statut (Statut de Westminster, le 11 décembre 1931), les provinces du Canada ont été faites souveraines, libres et indépendantes, afin qu’elles puissent consommer l’union fédérale qu’elles souhaitaient créer, mais qu’elles n’avaient pas été autorisées à faire en 1867. (…) Depuis le 11 décembre 1931, les provinces du Canada n’ont pas agi selon leur statut récemment acquis, elles n’ont pas signé d’accord, elles n’ont pas adopté de constitution, et la population du Canada n’a pas ratifié de constitution. (…) D’où le Parlement fédéral tire-t-il son pouvoir pour gouverner ce pays? (…) J’affirme donc, avec une majorité de Canadiens, jusqu’à ce que je ratifie une constitution au Canada, qu’il n’y a pas de constitution… » Fin de la citation Canada : un pays sans constitution, 8 novembre 1945, Walter F. Kuhl, député. Ainsi, jusqu’en 2009, le Québec n’a pas autorisé le rapatriement de la Constitution de 1980 et les Québécois n’ont pas été consultés non plus sur une constitution. Ainsi, la province de Québec est « souveraine, libre et indépendante ».
    Daniel Roy, C.A

  • Archives de Vigile Répondre

    12 décembre 2011

    Pour mémoire, c'est sous l'Union Jack qu'ont combattu les Canadians (et les Québécois) à l'occasion des guerres des Boers, de 1914-1918 et 1939-1945. Et, au début de la guerre, certains ont même été incorporés directement dans des unités militaires anglaises, comme la Royal Air Force par exemple. C'est Sa Majesté le Roi d'Angleterre qui commandait, comme il le faisait pour ces autres «colonials» les Irlandais, les Ecossais, les Australiens, etc. Il y a des «historiens» qui tentent de nous le faire oublier, notamment en évoquant la présence sur les champs de bataille de l'unifolié de Trudeau qui n'existait même pas à cette époque. Mais à l'évidence Harper rétablit les faits quant à nos merveilleux liens coloniaux! Sera-t-il consacré un jour Sir Stephen Harper par Elizabeth II?