(Montréal) C'est la plus importante décision de Clément Gignac depuis qu'il a été nommé ministre du Développement économique, en juin 2009. Cet économiste avait d'ailleurs du mal à cacher sa nervosité alors qu'il déglutissait avec effort devant les caméras qui filmaient sa conférence de presse, hier après-midi.
Pourtant, il n'avait pas de quoi se ronger les sangs. La fusion de la Société générale de Financement (SGF) et d'Investissement Québec tient du gros bon sens.
Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que le gouvernement regroupe ses forces. En 1998, rappelons-le, la SGF avait avalé quatre sociétés d'État dédiées à des industries, soit les anciennes Rexfor, Soquia, Soquem et Soquip.
Pour Québec, l'exercice a évidemment un côté comptable. Deux conseils d'administration, deux directions, deux vérifications, deux rapports annuels et des bureaux un peu partout au Québec, dont ceux démesurément vastes de la SGF sur la rue De La Gauchetière à Montréal...
Michelle Courchesne, présidente du Conseil du Trésor, a chiffré à 15 millions de dollars les économies sur les deux budgets d'exploitation qui totalisent 90 millions.
Mais la création d'un guichet unique pour les entreprises, c'est d'abord et avant tout une question d'efficacité, comme l'a souligné avec justesse le ministre Gignac.
À l'origine, la SGF et Investissement Québec avaient des missions définies et distinctes.
Créée en 1962 en pleine Révolution tranquille, la SGF a notamment pour but d'attirer des entreprises étrangères ou d'aider des entreprises québécoises établies à percer à l'étranger. Elle s'associe à ces entreprises en investissant des sommes non négligeables dans leur capital. Et elle espère un rendement sur son investissement.
De son côté, Investissement Québec finance des entreprises, microscopiques comme grandes, en offrant des garanties de prêt et, plus occasionnellement, des prêts.
Toutefois, la frontière entre ces deux institutions est devenue de plus en plus floue. Depuis le début de 2009, par exemple, la SGF pouvait consentir des prêts.
Cette confusion est apparente dans la prospection des investissements à l'étranger, comme l'a dénoncé le vérificateur général du Québec, Renaud Lachance, dans son rapport annuel 2009-2010. Outre la SGF et Investissement Québec, Montréal International et le ministère du Développement économique lui-même menaient leurs efforts en parallèle. Tout ce beau monde se retrouvait ainsi dans les mêmes hôtels de luxe dans toutes les missions économiques du Québec à l'étranger!
«L'éparpillement des interventions en matière d'investissements étrangers et le manque de coordination et de collaboration entre ces entités ne favorisent pas l'optimisation des ressources», concluait Renaud Lachance. C'est un euphémisme.
Renaud Lachance n'était pas le seul à s'interroger sur l'efficacité de l'aide québécoise. Le comité consultatif sur l'économie et les finances publiques (composé des économistes Pierre Fortin, Robert Gagné, Luc Godbout et Claude Montmarquette) avait relevé que le Québec dépensait deux fois plus que l'Ontario pour aider ses entreprises! Or, le Québec n'a jamais fait la démonstration qu'il recevait deux fois plus de retombées économiques que l'Ontario.
La création d'un guichet unique va donc régler un problème structurel. Mais les difficultés que Québec a connues avec ses interventions auprès des entreprises sont loin d'être réglées pour autant.
Car ce n'est pas en mariant deux canards boiteux que l'on créera une super agence de promotion économique. En ce sens, Jean Houde, un ancien PDG d'Investissement Québec que le gouvernement rapatrie du secteur privé pour diriger la transition, a tout un défi devant lui.
Non seulement devra-t-il arbitrer les incontournables querelles de clocher qui s'annoncent entre les deux sociétés, mais il devra suggérer au gouvernement de meilleures façons d'intervenir.
Autant la SGF qu'Investissement Québec ont connu des dérapages ces dernières années.
La SGF a perdu plus de 500 millions de dollars au cours des deux dernières années financières, marquées par un retour des grands investissements. Depuis cinq ans, le rendement annuel moyen de la société s'établit ainsi à -3,7%.
Contrairement à ce qu'expliquait le ministre Gignac hier, ces résultats ne s'expliquent pas uniquement par la récession ou par des investissements autorisés à une autre époque. Sous la direction de Pierre Shedleur, la SGF a par exemple fait un pari très hasardeux sur l'industrie du cinéma. Or, l'aventure s'est transformée en film d'horreur.
De son côté, Investissement Québec a manqué à ses devoirs en supervisant de façon nonchalante le Fonds d'intervention économique régional, mieux connu sous son acronyme FIER. Avant que le gouvernement ne finisse par corriger le tir, un investissement sur quatre avait été consenti sans qu'un observateur du gouvernement, le principal bailleur de fonds, n'ait été présent à la réunion où la décision s'est prise. Faut-il s'étonner ensuite qu'il y ait plusieurs cas documentés de conflits d'intérêt?
La fusion de la SGF et d'Investissement Québec représente un bon début. Mais tant qu'à brasser la cage, Clément Gignac devra poursuivre la remise en question qu'il a entreprise jusqu'au bout.
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