De ministère à agence, Revenu Québec se transforme dans l'indifférence

Le projet de transformation du ministère du Revenu en agence autonome suit son cours à Québec dans une quasi-indifférence.

Fusion IQ et SGF / Agence du revenu du Québec

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Éric Desrosiers - Promise pour avril prochain dans le dernier budget du ministre Bachand, la future Agence du revenu du Québec continuera de relever d'un ministre, mais aura aussi son propre conseil d'administration et disposera de règles distinctes du reste de la fonction publique en matière de fonctionnement, de financement et de gestion de son personnel. Le but est de lui accorder plus d'autonomie et de souplesse afin de lui permettre notamment de faire une chasse plus efficace à l'évasion et l'évitement fiscaux.
Des neuf organisations patronales, syndicales et autres à être venues présenter leur point de vue sur le projet de loi 107 en commission parlementaire, une seule était franchement contre et a dit non, constatait la semaine dernière à la fin des auditions le député péquiste de Rimouski, Irvin Pelletier. Pour tous les autres, «c'était des oui mais», notait-il, avant de se dire lui-même encore insatisfait en ce qui a trait, notamment, à la question du conseil d'administration.
La seule organisation à avoir exprimé sa complète opposition au projet a été le Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ). Elle avait d'ailleurs déjà pris les devants en se payant à la fin de l'été une campagne publicitaire mettant en vedette l'homme d'affaires louche de l'humoriste François Léveillé, Bob Cashflow, qui se frottait les mains d'aise en pensant aux juteux profits que la réforme rapporterait aux entreprises privées.
L'Union des consommateurs a joint hier sa voix à celle du SFPQ, estimant que le gouvernement n'avait «pas fait la démonstration de la pertinence du projet» et que «plusieurs questions relatives à la gouvernance, à l'imputabilité, à la qualité des services aux citoyens et à la protection des renseignements demeurent sans réponses».
Au cabinet du ministre des Finances et du Revenu, Raymond Bachand, on disait, hier au Devoir, être ouvert à apporter toutes les améliorations requises au projet de loi dans le cadre de son examen article par article. On répétait cependant que la nouvelle agence allait voir le jour, comme prévu, en avril prochain.
Plus de revenus
Le ministre Bachand fait de la réforme une condition essentielle à la guerre que le gouvernement veut mener à l'évasion et l'évitement fiscaux. Son plan de retour à l'équilibre budgétaire compte, d'ici quatre ans, sur l'addition de 1,2 milliard aux recettes de 2,3 milliards que rapporte déjà cette guerre annuellement.
La transformation du ministère en agence autonome et imputable lui conférera, dit-on, la marge de manoeuvre nécessaire pour atteindre ces cibles plus élevées. Dirigée par un président-directeur général nommé par le gouvernement, elle aura un conseil d'administration de
15 membres, dont 8 sans lien avec le gouvernement, et dont le rôle sera d'approuver un plan stratégique, des règles de gouvernance et des mesures d'évaluation tournées vers l'efficience et la productivité. Ses quelque 10 000 employés permanents et temporaires actuels conserveront le droit de retourner dans la fonction publique en tout temps.
Ces changements, assure-t-on, ne visent pas à abolir la sécurité d'emploi, ni à permettre un recours plus important à la sous-traitance, ni à relâcher les normes de sécurité et de confidentialité. Ils doivent plutôt libérer la future agence du carcan des règles générales de la fonction publique en ce qui concerne le choix de ses priorités d'action, l'embauche de personnel spécialisé, l'achat d'équipements informatiques de pointe ou encore le développement de prestations en ligne. Le gouvernement Charest cite les exemples d'Hydro-Québec et de la Société immobilière du Québec.
Revenu Québec est déjà l'un des services du genre les plus efficaces au monde, rétorque le SFPQ. Plus même que l'Agence du revenu du Canada (ARC), que le gouvernement veut copier. Et puis, si l'on veut des assouplissements, pourquoi ne pas les accorder à l'intérieur des structures existantes plutôt que d'en créer une nouvelle?
«Cette idée du gouvernement n'a rien de très original», a observé hier en entretien téléphonique au Devoir le professeur à l'École d'administration publique du Québec (ENAP) Daniel Maltais. Cette idée de transformer des ministères, ou des parties de ministères, en agences gouvernementales autonomes est née en Grande-Bretagne au début des années 80 et s'est répandue un peu partout, y compris au Canada et au Québec. Cela a généralement permis d'améliorer le niveau de satisfaction des employés ainsi que la qualité de la prestation de services.
L'expert dit douter que la création d'une Agence du revenu du Québec mène à une dégradation des conditions de travail de ses employés. «Ils repartiraient tous pour la fonction publique. Je m'attends plutôt à ce que l'on offre des salaires plus élevés pour attirer des gens ayant des compétences très pointues.»
Il n'est toutefois pas donné à tous les ministères et services publics de devenir des agences autonomes, explique Daniel Maltais. Il faut entre autres pouvoir s'engager, en retour, à atteindre des objectifs de revenus ou de services plus élevés et quantifiables.


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