Si vous avez suivi le témoignage de Me Marc Bellemare à la Commission Bastarache, vous aurez vu la rapidité avec laquelle l'avocate du gouvernement Charest se levait pour s'objecter dès que Me Bellemare prononçait le mot «construction», arguant que le sujet n'avait rien à voir avec le mandat de la Commission.
Et vous avez sûrement vu Me Bastarache inviter ensuite le témoin Bellemare à poursuivre «sans élaborer sur ce que vous pensez sur l'industrie de la construction».
Dans son éditorial du Devoir, Bernard Descôteaux notait d'ailleurs, avec raison, à quel point les objections de l'avocate du gouvernement confirment le refus obstiné de ce dernier de tenir une commission d'enquête, «sous une forme ou une autre», sur l'industrie de la construction. http://www.ledevoir.com/politique/quebec/294984/contrats-de-construction-aller-au-fond-des-choses
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Ce qui soulève une question importante
Or, ces objections de l'avocate du gouvernement, mais plus important encore, l'approbation de Me Bastarache de ces mêmes objections, soulèvent également une question importante.
À savoir: considérant que le mandat de la Commission, tel que stipulé par décret par le gouvernement lui-même, comprend les «allégations» faites par Me Bellemare «notamment au regard de l'influence qu'auraient exercée de tierces personnes dans ce processus» de nomination des juges, comment se fait-il que l'avocate du gouvernement s'objecte dès que le mot «construction» est mentionné par Me Marc Bellemare dans le cadre de son témoignage? Et surtout, comment se fait-il que Me Bastarache lui ait donné raison?
Car dans les faits, les «allégations» faites par Me Bellemare comprennent, entre autres éléments, l'influence présumément exercée sur lui en 2003 par M. Franco Fava, un ancien entrepreneur en construction décrit merdredi par Me Bellemare comme un collecteur de fonds «sectoriel» du PLQ - sectoriel pour «secteur» de la construction, expliqua-t-il. Alors, dans ce cas, comment se fait-il que toute référence à la «construction» soit jugée par Me Bastarache comme allant au-delà du mandat de la Commission?
Le premier volet du mandat de la Commission portant bel et bien sur les «allégations» faites par Me Bellemare «notamment au regard de l'influence qu'auraient exercée de tierces personnes dans ce processus» de nomination des juges, du moment où une de ces «tierces personnes», dans ce cas-ci, M. Fava, est associée au milieu de la construction, pourquoi s'objecter à ce que le sujet soit soulevé par le témoin Bellemare? Et pourquoi cette objection tient-elle la route?
Le sujet même de l'industrie de la construction, par le biais, entre autres, de l'influence exercée présumément par M. Fava sur Me Bellemare, fait pourtant partie des «allégations» de ce dernier - lesquelles sont au coeur même du mandat de la Commission...
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Le mandat de la Commission:
Pour information, voici en quels termes le gouvernement Charest définit le mandat de la Commission:
Mandat de la Commission
(décret 322-2010 adopté le 14 avril 2010 par le gouvernement du Québec)
IL EST ORDONNÉ, sur la recommandation de la ministre de la Justice et Procureure générale :
QUE, conformément à l'article 1 de la Loi sur les commissions d'enquête (L.R.Q., c. C-37), soit constituée une commission d'enquête dont le mandat est le suivant :
1. enquêter sur les allégations formulées par Me Marc Bellemare concernant le processus de nomination des juges de la Cour du Québec, notamment au regard de l'influence qu'auraient exercée de tierces personnes dans ce processus, ainsi que sur le processus de nomination des juges des cours municipales et des membres du Tribunal administratif du Québec;
2. formuler, le cas échéant, des recommandations au gouvernement sur d'éventuelles modifications à apporter au processus de nomination de ces juges et de ces membres.
QUE Me Michel Bastarache, avocat conseil, Heenan Blaikie, soit nommé commissaire afin de conduire cette enquête et que celle-ci soit menée à Québec.
Spécifiquement, quels organismes sont couverts et non couverts par ce mandat?
Le mandat couvre spécifiquement la nomination:
des juges de la Cour du Québec;
des membres du Tribunal administratif du Québec;
des juges des cours municipales.
Le mandat ne couvre pas :
les nominations aux tribunaux, aux commissions et aux organismes quasi-judiciaires relevant du gouvernement du Québec, par exemple la Commission des lésions professionnelles, la Commission des relations de travail, la Commission des relations de travail, la Régie du logement, la Régie de l'énergie, la Commission d'accès à l'information, la Commission de déontologie policière, etc.
les nominations aux cours qui relèvent du gouvernement du Canada :
La Cour supérieure
La Cour d'appel
Les Cours fédérales
La Cour suprême
Source: http://www.cepnj.gouv.qc.ca/
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Et c'est pour quand, ce rapport?
Le gouvernement a demandé à Me Bastarache de remettre son rapport final le 15 octobre prochain. Aujourd'hui, on commence aussi à douter de la possibilité même de la chose...
Parlant de reports plus que prévisibles pour le rapport final, c'est d'ailleurs ce que je prévoyais sur ce blogue le 14avril dernier lors de la création de la Commission... http://www.voir.ca/blogs/jose_legault/archive/2010/04/14/une-commission-exp-233-ditive.aspx
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