Le projet de Charte des valeurs québécoises dévoilé en septembre par le ministre Drainville est devenu ce jeudi un projet de loi portant le numéro 60. Pour l’essentiel, il s’agit d’un copier-coller du document original, si ce n’est que, sur certains points, le gouvernement Marois durcit sa position.
L'intention qui se profile derrière ce projet de loi numéro 60 est facile à décoder. Le gouvernement péquiste tient fermement aux principes de la laïcité qu’il a défendus tout cet automne. Hors de question de rechercher des compromis. Tout au contraire, le ministre Drainville a partout resserré les boulons. Et pour qu’il n’y ait pas de méprise, le gouvernement a suggéré à l’opposition de ne pas tenter de bloquer le dépôt de ce projet de loi. Si un vote avait eu lieu, ce qui n’est pas arrivé, il en aurait fait un vote de confiance. Le message est limpide.
Parmi les boulons resserrés par le ministre Drainville, il y a d’abord les règles applicables aux municipalités, aux collèges et aux universités ainsi qu’aux établissements de santé. Plus question du droit de retrait d’abord accordé. Il leur faudra plutôt se plier à la loi au terme d’une période transitoire totalisant cinq ans, ce qui ne sera pas reçu comme un compromis, même si la période transitoire ne sera que d’un an ailleurs.
Pour leur part, les commissions scolaires, les écoles primaires et secondaires, les centres de la petite enfance, les garderies subventionnées et celles qui le sont en milieu familial n’auront pas droit à ce traitement de faveur, même si elles ne sont pas, tout comme les municipalités, sous l’autorité directe du gouvernement. Le projet 60 consacre même tout un chapitre aux services de la petite enfance, où l’on pousse la logique de la neutralité jusqu’à s’intéresser aux régimes alimentaires qui tirent leur origine d’un précepte religieux.
Surprise inattendue et pour le moins étonnante, le gouvernement se donne par ailleurs le droit d’étendre les obligations de la loi à des personnes et sociétés avec qui il a conclu un contrat de service ou une entente de subvention. Cela peut valoir par exemple pour tout le milieu communautaire, qu’il soit culturel, social ou économique. Il ne s’attendait pas à cela.
Le calendrier retenu pour l’étude du projet de loi laisse croire qu’au-delà des principes, le gouvernement est aussi conduit par des considérations stratégiques. Son examen s’étirera sur de longs mois. Il y aura d’abord une consultation en commission parlementaire, ouverte à tout groupe voulant se faire entendre. Viendra ensuite l’étude article par article, qui se prolongera d’autant plus longtemps que le Parti libéral est disposé à mener une guerre au projet de loi si le gouvernement maintient les dispositions sur le port de signes religieux ostentatoires.
Il est certain, si le gouvernement Marois maintient la ligne dure, que le projet de loi 60 ne pourra être adopté tant qu’il est en situation minoritaire. Pour peu que l’appui populaire que recueille la Charte des valeurs se maintienne, il aurait là l’argument qui le justifierait à demander aux Québécois un mandat majoritaire. Le pari est risqué. Sous un gouvernement libéral, ce projet de loi 60, comme d’autres qui sont actuellement en plan, notamment le projet de loi 14 amendant la Charte de la langue française, sera enterré pour longtemps. Une telle approche est un quitte ou double dangereux. Inutile aussi puisque la Coalition avenir Québec est ouverte au dialogue.
Avec son appui, le gouvernement pourrait faire adopter l’essentiel de ce projet. Il y aurait des compromis, mais ce serait mieux que rien du tout. L’objectif de ce projet est d’assurer « la diversité de la société québécoise dans l’harmonie », nous dit la première ministre Marois. Pour cela, est-il indispensable de tout régir dans le moindre détail ? Bien sûr que non.
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