EUROPE

Pourquoi le sulfureux Américain Steve Bannon veut la peau de l’Europe

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Un supergroupe nationaliste s'organise en Europe

L’ex-stratège de Trump fait de l’œil aux partis d’extrême droite en Europe. ll ouvre une Fondation à Bruxelles pour faire émerger un « super-groupe ». Objectif affiché : paralyser les institutions européennes. Explications en 5 points.


Steve Bannon fut l’un des stratèges de la spectaculaire victoire de Trump en 2016, puis conseiller spécial avant d’être "remercié" en août 2017. Tenue négligée, éternelle barbe de trois jours. « Steve le débraillé », comme le surnomme Donald Trump dans ses tweets rancuniers, ne laisse pourtant rien au hasard. À 64 ans, Stephen K. Bannon (son vrai nom) cultive son image d’agitateur. Génie de la communication pour les uns ; dangereux complotiste pour les autres.


Proche de l’alt-right, il a déroulé les thèses de l’ultra droite raciste dans des documentaires, puis fait du site Breitbart News un brûlot nationaliste. Il s’est investi aussi dans Cambridge Analytica. Cette société d’analyses de données sera accusée, plus tard, d’avoir utilisé ses informations pour propulser Trump à la Maison-Blanche.


Élu, le Président Donald Trump a imposé son ex-directeur de campagne comme conseiller mais ce dernier a dérapé, mis en doute les choix de son boss sur la présence américaine en Afghanistan, son attitude face à la Corée… Sept mois plus tard, il a « démissionné ».


Puis, ses confidences sur Trump à l’écrivain Michael Wolff (Fire and Fury) lui ont coûté son poste à Breitbart, en janvier 2018. Qu’importe. Bannon le catholique poursuivra sa « défense de l’Occident judéo-chrétien » en Europe. Il y a posé des jalons dès 2014 en s’alliant au Britannique Nigel Farage, chef du parti d’extrême droite Ukip.


Hasard ? Trois mois après le lancement d’un Breitbart London, Ukip s’impose aux européennes. En 2016, au lendemain du vote sur le Brexit, Farage jubile : « Merci Bannon ! Vous nous avez aidés. Énormément. »


Que vient-il faire à Bruxelles ?


Tricard aux États-Unis, le sulfureux Steve Bannon entend rebondir en Europe. Fin juillet, dans une interview au site Daily Beast, l’idéologue a annoncé l’ouverture d’une fondation, baptisée « Le Mouvement », à Bruxelles. Son ambition ? Fédérer tous les partis d’extrême droite européens pour former un « super-groupe » capable de renverser l’échiquier politique aux élections de mai 2019. Dans la revue Society, il promet de « mener une guerre culturelle » capable de déstabiliser l’ordre libéral européen.


Comment espère-t-il les appâter ?


En mettant à leur disposition sa « machine de guerre » et le savoir-faire qui a, selon lui, propulsé Donald Trump à la Maison-Blanche. Ciblage électoral, réalisation de sondages, conseils en communication, élaboration des programmes de campagne, etc.


Bannon se pose en philanthrope des extrêmes. Et joue les rabatteurs. Voilà des mois qu’il arpente l’Europe en quête de soutiens, auprès du Hongrois Viktor Orban, des ultraconservateurs du PiS polonais, des Allemands de l’AfD, comme du think thank catholique intégriste Dignitatis Humanae Institute…


En France aussi ?


Invité par Marine Le Pen au Congrès du FN, en mars, il s’y est fendu d’une déclaration enflammée à… sa nièce Marion Maréchal, rencontrée dès février au grand raout des conservateurs américains, à Washington. Il prédit « un grand avenir » à cette « Jeanne d’Arc du mouvement ».


Mais c’est en Italie qu’il place ses plus grands espoirs : dès mars, avant même la formation du nouveau gouvernement, il est venu féliciter Matteo Salvini (Lega, extrême droite). De retour en juin, il a salué Rome comme le nouveau « centre de la politique mondiale. Je veux être ici, faire partie (de) ce mouvement populiste ».


Quel est son but ?


« Un bloc eurosceptique au Parlement européen pourrait paralyser l’UE », s’inquiète dans Politico Patrick Gaspard, président de Open Society Foundations, l’ONG de George Soros, la bête noire des nationalistes. Steve Bannon ne cache pas qu’il rêve de « saperles institutions européennes » en constituant un « super-groupe » capable de s’opposer « aux dérives de l’UE ». Il est moins bavard quant à ses propres intérêts ; l’Europe pouvant s’avérer un nouveau terrain de jeu juteux pour cet homme d’affaires dans l’audiovisuel.


Son projet de « super-groupe » peut-il aboutir ?


« Leur seul facteur d’unité, c’est la haine », s’agace dans le Huffingtonpost l’eurodéputé social-démocrate allemand Udo Bullman. Si son discours anti-migrants séduit, sa soif de libéralisation risque d’en rebuter beaucoup. Bannon prône le démantèlement de nos « États administratifs» et la dérégulation au profit des intérêts privés… L’idée effraie des partis populistes qui maudissent la mondialisation et prônent, au contraire, un protectionnisme accru. Le PiS, au pouvoir en Pologne, a séduit en promettant un État plus fort et une hausse des allocations familiales…


Le Mouvement 5 Étoiles et la Lega, en Italie, ont aussi promis monts et merveilles : moins d’impôts, l’avancement de l’âge de la retraite, etc. « Le rêve européen de Steve Bannon, résume Patrick Gaspard, est illusoire mais dangereux. »



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