Fin mars, les parlementaires à Québec adoptaient à l’unanimité une motion visant à déplacer le crucifix à l’extérieur du Salon bleu, une fois le projet de loi sur la laïcité adopté. Certains ont fait valoir que l’ouverture du nouveau pavillon d’accueil serait une belle occasion de le déplacer à cet endroit. Ce n’est pourtant pas là qu’il se retrouvera.
Les historiens de l’Assemblée nationale ont fait valoir que le sortir de l’enceinte parlementaire le dissocierait de son origine, de son histoire.
Le Christ en croix, avons-nous appris, sera donc mis en valeur entre les deux chambres, à l’endroit communément appelé le « parquet », au centre de l’hôtel du Parlement, dans l’une des alcôves aux côtés du buste du fondateur de la Ville de Québec, Samuel de Champlain. L'annonce a été faite aux partis politiques dans les derniers jours.
La motion adoptée par les députés avait été proposée comme compromis par le gouvernement de François Legault pour « rassembler le maximum de Québécois » et favoriser le dialogue sur le projet de loi sur la laïcité, qui sera adopté sous bâillon dimanche.
« Moi, j’aurais préféré le garder, mais on a décidé de faire un compromis, d’être cohérents, les quatre partis, a souligné François Legault dimanche matin. C’était unanime de retirer le crucifix, de le déplacer en fait à un autre endroit que dans le Salon bleu. […] Je pense qu’il faut que tout le monde fasse des compromis. »
À l'origine de la motion, le ministre de l’Immigration Simon Jolin-Barrette estime que le crucifix sera ainsi installé à un endroit judicieux. « Très certainement, on va respecter l’intention de la motion de mettre en valeur le crucifix dans l’enceinte du parlement, mais à l’extérieur du Salon bleu », a-t-il dit.
De son côté, la co-porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, accueille favorablement cette nouvelle : « Oui, il est temps qu’on l’enlève. On est super contents où il se retrouve. C’est exactement ce qu’on dit en ce sens depuis 11 ans : il faut qu’il sorte. Son aspect patrimonial sera là, voilà, point barre ».
Le leader parlementaire du Parti libéral, Sébastien Proulx, a rappelé que sa formation politique appuyait aussi cette proposition : « On a voté pour cette motion, en ce qui nous concerne. On est prêts et on souhaitait également qu’il soit déplacé. »
Pour sa part, le chef par intérim du Parti québécois, Pascal Bérubé, considère qu’il s’agit d’une bonne décision. « C’est une question de cohérence. Quand le gouvernement a annoncé cette mesure, en fait on était d’accord. […] Je dirais que c’est en phase avec l’idée de séparer la religion du politique, alors oui, cela nous va », a-t-il affirmé.
Qu’adviendra-t-il du premier crucifix?
Contrairement à la croyance populaire, l’actuel crucifix date de 1982. Pour des raisons essentiellement esthétiques, l’œuvre de Romuald Dion remplace depuis le véritable crucifix accroché par le gouvernement de Maurice Duplessis en 1936 pour souligner l’importance de la religion catholique dans les affaires de l’État.
Jusqu’à tout récemment, les historiens ignoraient encore si ce premier crucifix existait toujours. Une boîte aux archives de l’Assemblée nationale en renfermait un, qui aurait cependant tout aussi bien pu être celui du Salon rouge retiré en 1968. Une analyse de photographies dévoilée en janvier a permis d’établir un lien incontestable avec celui de 1936.
Ce premier crucifix sera exposé aux côtés de son double désormais célèbre.
Travaux terminés à l'automne
Les changements ne seront perceptibles que d’ici l’automne puisque des travaux doivent être réalisés dans le Salon bleu ainsi que dans le hall du parquet.
On rapporte qu'un employé du Parlement a récemment vérifié s'il y avait décoloration derrière l'objet patrimonial en raison de la lumière, ce qui ferait en sorte qu'on pourrait toujours voir, après l'avoir retiré, la forme du crucifix au-dessus du siège du président de la chambre.
Étant donné qu'aucun rayon de soleil ne pénètre dans le Salon bleu, le Christ en croix n'y aurait pas laissé sa marque.