L'immense drapeau du Québec qui trônait derrière le premier ministre François Legault lors de la présentation de l'énoncé économique, il y a deux semaines, a marqué les esprits. Peut-être plus même que les mesures contenues dans ce mini-budget. Mais pour ce faire, la Loi sur le drapeau et les emblèmes du Québec ne semble pas avoir été respectée à la lettre.
Cette loi, adoptée par l'État québécois en 1999, encadre l’utilisation du fleurdelisé. L'article 1 stipule que « la largeur et la longueur du drapeau sont de proportion de deux sur trois ».
Le ministère du Conseil exécutif indique avoir commandé un drapeau de 7,32 mètres par 4,88 mètres pour respecter le ratio prévu par la loi, mais il s'est avéré quelque peu différent à sa réception.
Pour des questions de durabilité et en raison de contraintes techniques, le fournisseur nous a livré un drapeau dont le ratio est légèrement inférieur, soit de 2,85 par 1,98, ce que nous jugeons néanmoins acceptable.
Mais la loi devient beaucoup plus exigeante lorsque l'emblème national est utilisé officiellement par l'État. Un règlement oblige ses institutions et établissements publics à déployer tout drapeau conformément à la norme du Bureau de normalisation du Québec. Ce critère est moins connu.
Ce drapeau du Québec a été suspendu dans une salle de l'hôtel Hilton à Québec le 3 décembre pour la présentation du premier énoncé économique du gouvernement caquiste. Photo : Radio-Canada / Mathieu Dion
Ce que dit la norme
La plus récente norme, qui date de 2014, définit certaines dimensions à respecter pour les drapeaux de mât du Québec. Les experts n’ont visiblement pas prévu l’utilisation d’un fleurdelisé surdimensionné et suspendu par le haut puisque la taille maximale indiquée est de 3,6 mètres par 2,4 mètres.
Cette même norme précise également de nombreuses exigences pour la confection du drapeau, jusqu’au tissu et au fil à coudre.
En plus de ne devoir comporter « aucune imperfection pouvant altérer son apparence et sa durabilité », le drapeau peut être seulement imprimé « sur au plus deux pièces de tissu ». Or, de nombreuses coutures, pour le moins visibles, rassemblaient une dizaine de pièces pour former le drapeau employé lors de l'énoncé économique.
Quant à son soutien, il est prévu que trois œillets en acier inoxydable ou en laiton peuvent être posés sur son côté gauche. Les 12 œillets qui ont servi à suspendre l’énorme drapeau par le haut ne respecteraient donc pas la norme à cet égard.
Le drapeau surdimensionné et commandé par le gouvernement caquiste comprend de nombreuses imperfections. Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot
Par ailleurs, pour remplir sa fonction, le drapeau du Québec « devrait dominer son entourage », selon le Bureau de la normalisation. Sur cette exigence, le gouvernement a fait, soulignons-le, un sans-faute.
Zone grise
Au ministère du Conseil exécutif, le porte-parole Jean Auclair rétorque que le drapeau était « uniquement destiné à servir de fond de scène ».
C'est là qu'apparaît une zone grise dans la loi. En vertu de son règlement, le fleurdelisé doit être déployé « de façon officielle » par une institution ou un établissement relevant du gouvernement et, le cas échéant, il doit respecter les exigences du Bureau de normalisation. A priori, le bureau du premier ministre aurait donc dû s'y soumettre en tant qu'institution publique, mais un décret dans la loi permet à « toute personne » de reproduire le drapeau du Québec pour de la « décoration provisoire ».
Parmi les conditions imposées toutefois : la reproduction doit « respecter le bon goût » et « être exempte de toute insinuation portant à croire que l'établissement, ses marchandises ou ses services ont reçu l'approbation ou l'autorisation du gouvernement ».
M. Auclair n'a pas voulu formuler « d'autres commentaires » sur le sujet, sinon que l'immense drapeau a été acquis au coût d'environ 1600 dollars avec l'intention d'être réutilisé.