Flanquée de Janette Bertrand, qui vient de débarquer dans la campagne électorale pour promouvoir la charte de la laïcité, Pauline Marois a enfoncé le clou de la défense de l’identité et de la culture québécoises. Philippe Couillard a répliqué avec humeur, affirmant qu’il n’avait aucune leçon de patriotisme à recevoir de son adversaire péquiste.
Pour la chef péquiste, Philippe Couillard représente un danger pour l’identité québécoise. « C’est dangereux qu’on puisse traiter de façon aussi légère la question de la langue », a déclaré Pauline Marois dans un point de presse dimanche après-midi.
« Philippe Couillard, c’est un véritable risque pour notre langue, pour notre culture », a-t-elle martelé, rappelant qu’au cours de la campagne, le chef libéral n’avait présenté aucune proposition visant la promotion de la langue française ou de la culture québécoise. « Et quand il a parlé de langue, c’était pour bilinguiser le Québec. »
Depuis le deuxième débat des chefs au réseau TVA jeudi, Pauline Marois fait ses choux gras des déclarations de Philippe Couillard sur le nécessaire bilinguisme des travailleurs d’usine ou des employés en région.
Dans un point de presse dimanche, le chef libéral, qui tente de rectifier le tir depuis la fin de semaine, a soutenu que son « identité québécoise est très profonde » et qu’elle « s’affiche nécessairement par la langue française et le visage français du Québec, qu’il faut absolument préserver. […] Le premier ministre que je serai après le 7 avril va promouvoir l’identité du Québec et son caractère, dont la langue ».
Sur cette question de la langue, le chef libéral a affirmé que le Parti libéral du Québec est « tourné vers l’avenir ». « On veut que nos jeunes s’engagent dans le monde entier », a-t-il dit, en faisant référence au bilinguisme nécessaire pour certains postes. La loi 101 n’a pas besoin d’être renforcée : « On a atteint l’équilibre linguistique », a-t-il avancé. Aller plus loin « n’aiderait pas l’harmonie sociale » tandis que les mesures incitatives, « ça fonctionne ».
Depuis vendredi, Philippe Couillard multiplie les allusions identitaires dans ses discours. Dans toutes les assemblées partisanes, il a consacré plusieurs minutes à ce thème — et toujours les plus passionnées. Chaque fois, il a parlé du drapeau du Québec qui « appartient à tous les Québécois ».
Samedi soir, Pauline Marois, dans un rassemblement qui a réuni plus de 1000 personnes à Montréal, avait fait vibrer la corde nationaliste de son auditoire, en rappelant les combats passés de la nation québécoise, « la résistance admirable » des ancêtres. « J’ai cette responsabilité et ma loyauté première va à ce peuple, à cette histoire qui nous a façonnés. Ma responsabilité première, c’est de continuer, de perpétuer cette volonté de toutes ces générations qui se sont battues pour que nous puissions exister. Pas survivre, pas quémander, pas supplier. Exister pleinement. Exister fièrement », avait déclaré la chef péquiste pour ensuite décocher une flèche vers son adversaire libéral. « Toutes les batailles qu’on a menées depuis des décennies, le chef libéral est prêt à les renier sans états d’âme. »
Janette Bertrand et la charte
Lors de ce rassemblement, Janette Bertrand s’était présentée sur la scène pour faire son « coming-out » politique, dévoilant, pour la première fois, ses allégeances.
Dimanche matin dans une crêperie de Laval, le PQ a organisé « un brunch de la laïcité » dont Janette Bertrand était l’invitée vedette et auquel prenaient part Bernard Drainville, la candidate dans Mille-Îles, Djemila Benhabib, et, bien sûr, la chef péquiste.
L’auteure qui, avec Julie Snyder, est à l’origine du mouvement des «Janette», estime que la Charte de la laïcité est essentielle pour éloigner le « danger » que représente l’intégrisme pour l’égalité entre les hommes et les femmes. « Est-ce qu’il faut attendre une crise pour agir? On dit en médecine : prévenez, prévenez. Il faut faire de la prévention », a plaidé l’octogénaire, un argument que Pauline Marois a repris à son compte quelques heures plus tard, reconnaissant que les manifestations d’intégrisme au Québec ne sont pas ressenties « de façon significative ».
Citant une expérience personnelle, Janette Bertrand s’est aventurée sur un terrain glissant. Elle a relaté que deux hommes ont rebroussé chemin après avoir constaté que deux femmes — elle et son amie — se baignaient dans la piscine de l’immeuble qu’elle habite à Montréal. « Imaginons qu’ils partent, qu’ils vont voir le propriétaire, qui est très heureux d’avoir beaucoup des étudiants de McGill riches qui sont là. Et puis ils demandent : bon, on veut avoir une journée. Et puis là, dans quelques mois, c’est eux qui ont la piscine tout le temps. C’est ça, le grugeage, c’est ça dont on a peur, et c’est ça qui va arriver si on n’a pas de charte », a-t-elle illustré.
Lors de ce brunch, Bernard Drainville a décrit la charte qu’il défend comme un « prolongement » de la loi 101. « Dans le fond, la charte de la laïcité, c’est la loi 101 des valeurs. »
Couillard et le régime saoudien
Pour sa part, Djemila Benhabib a souligné que ce n’était pas facile d’être une femme dans son pays d’origine, l’Algérie. Mais il y a pire : l’Arabie saoudite, « un pays qui pend les mal-pensants, un pays qui décapite des poètes, un pays qui institutionnalise les violences et une discrimination à l’égard des femmes ».
La table était mise pour que Pauline Marois s’exprime à ce sujet quelques heures plus tard. La chef péquiste estime que Philippe Couillard aurait dû dénoncer la situation en Arabie saoudite. « J’espère que jamais [les Québécois qui travaillent en Arabie saoudite] ne cautionneront de tels systèmes. Mais peuvent-ils au moins le dénoncer, ce qui ne fut pas le cas de M. Couillard ». La chef péquiste faisait référence à une déclaration de M. Couillard, parue dans La Presse en 2011 et empreinte de relativisme culturel. « C’est un contexte différend du nôtre », avait-il répondu quand on lui a rappelé les rapports des ONG internationales sur les cas de torture et de châtiments corporels en Arabie saoudite.
Philippe Couillard s’est montré irrité de cette déclaration de la chef péquiste au sujet de son attitude à l’égard du régime saoudien. « Franchement… quelle niaiserie de dire une affaire de même ! », a-t-il réagi. « Comme s’il y avait un Québécois qui trouve acceptables les coutumes sociales de ce pays-là ou d’autres pays. C’est un peu comme si quelqu’un vous disait : “Je m’en vais travailler au Texas… Ah ah, t’es pour la peine de mort !” »
Marois enfonce le clou identitaire
Couillard dit ne pas avoir de leçon de patriotisme à recevoir
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé