Monsieur le maire
De partout au Québec s’affichent sur écrans d’ordinateur et noircissent pages de journaux nombre de textes s’insurgeant contre la reconstitution de la bataille des Plaines d’Abraham de 1759 prévue pour l’été qui vient.
[Monsieur le maire->17425], avez-vous remarqué que vous n’y tenez pas une place très honorable? Vous avez qualifié de « radotages » les propos de vos concitoyens qui ne voient pas d’un bon œil l’amusement d’amateurs- «reconstituteurs » jouant à la guerre sur les Plaines. Cette fois-ci, ça ne passe pas. On vous reproche aussi de laisser dénaturer un événement tragique en appât pour touristes assoiffés de fla-fla, de pétards et de poudre. Etc., etc.
Voici ce que j’aimerais vous dire : Rappelez-vous que la ville de Québec est la Capitale d’un peuple, d’une nation. Elle est sa Capitale parce qu’elle a été et doit rester au cœur de son histoire. Maire de cette ville, vous devriez en tenir compte, il me semble. Il ne faut pas jouer avec cette histoire et en particulier avec ses moments douloureux comme la bataille des Plaines. Voyez-vous, c’était bien tout récemment de voir les Québécois sympathiser avec la population de Gaza croulant sous les bombes. Alors, comprenez que beaucoup de vos concitoyens, quand on évoque les Plaines d’Abraham, ont encore en mémoire l’angoisse, la douleur et le deuil qu’a vécus la population de Québec exposée tout l’été aux tirs meurtriers et incendiaires de la flotte anglaise. Beaucoup ont encore devant les yeux la fumée s’élevant des centaines de fermes incendiées tout le long de la côte sud du Saint-Laurent. Beaucoup entendent encore les cris de désespoir des gens que l’on volait, des femmes que l’on violait, les râlements de ceux que l’on entraînait violemment dans la mort. Beaucoup de vos concitoyens sont capables de s’imaginer l’angoisse de tous ces gens, nos ancêtres, devant l’arrivée prochaine et menaçante d’un hiver glacial, impitoyable, alors qu’il ne leur restait plus rien. Beaucoup de vos concitoyens sont encore capables de participer à ce grand deuil, cette sombre peine qui pénétra les cœurs et couvrit notre terre en cet été de déchaînement des troupes de Wolfe.
Voyez-vous, monsieur le maire, il me semble que vous devriez vous laisser habiter pendant cette année de 2009 par des sentiments de compassion et de réserve. Vous devriez inviter aussi les citoyens de la ville de Québec à penser qu’ils habitent la Capitale de la nation québécoise et qu’à ce titre Québec est aussi la ville de tous les Québécois. Vous et votre ville, vous devriez vous mettre au diapason de ce qu’on peut ressentir de réprobation devant la foire qui se prépare pour le 250e anniversaire de la bataille des Plaines d’Abraham. Gagnez ainsi le cœur de vos concitoyens plutôt que le pognon de voyeurs inconscients englués dans l’artifice d’une mascarade politique soi-disant inoffensive. Il faut mettre un holà à ce genre de prostitution commanditée.
Respectueusement, tout de même,
Fernand Couturier,

Citoyen de la ville de Québec, notre Capitale nationale.