Soyons clairs: nous sommes favorables à un État laïque et contre tout accommodement déraisonnable qui remettrait en question les droits fondamentaux auxquels adhère la société québécoise par l'entremise de sa Charte. Soyons encore plus clairs: les places réservées de stationnement à Outremont n'entrent pas dans cette catégorie! Soyons toujours plus clairs, l'une d'entre nous est Québécoise, francophone, juive, souverainiste et roule en Toyota Matrix d'occasion. L'autre n'est rien qu'un «maudit Français» en cours... d'(és)intégration!
Nous avons entendu la tribune Maisonneuve en direct (Radio-Canada, le 24 mars 2010), censée traiter du nouveau calendrier scolaire imposé par le ministère de l'Éducation. L'une d'entre nous a failli plier en deux notre fameuse Matrix. Tranquillement, mais sûrement, la tribune a largement dérapé. Cela a au moins eu le mérite de sentir l'air du temps et de tester les freins de la Toyota. Depuis la commission Bouchard-Taylor, on ne compte plus les médias, politiciens et «grands» penseurs qui surfent sur les incertitudes et les questionnements, légitimes, autour de la question de l'identité québécoise et qui les instrumentalisent.
Le problème, c'est qu'au nom de la contestation du «politiquement correct», pour dire les «vraies choses», on peut aujourd'hui, sur les ondes d'une radio publique, déverser ses préjugés et sa hargne contre des communautés entières, sans que l'animateur cherche, au-delà de quelques tentatives timides, à recadrer le débat.
Mythes et discours nauséabonds
Cette fois-ci, c'est la communauté juive qui en a pris plein la gueule. Un cauchemar pour quiconque pouvait s'attendre de la part d'une radio publique à ce qu'elle soit capable d'informer les gens sur la différence entre une communauté dans son ensemble et une faction minoritaire d'orthodoxes religieux, présents par ailleurs dans toutes les religions. Si certains auditeurs ont fait cette distinction, d'autres se sont lâchés.
Une communauté juive donc qui «contrôle» maintenant le gouvernement. Sur les ondes de notre radio, la seule que l'on écoutait jusque-là, nous avons eu le droit d'entendre quelques formules mémorables citées texto. «Ce gouvernement [libéral] est dirigé par un groupe extrêmement puissant habitué d'avoir des privilèges qui est en train de prendre la gouverne complète du Québec dont on ne peut pas dire le nom au risque d'être poursuivi.» «On mange tous casher maintenant.» «La communauté juive ne veut pas s'intégrer.» «Ce gouvernement-là se plie aux gros lobbies qui sont sans cesse dans le Parlement.» «Ces gens-là vivent au Québec, mais ne vivent pas au Québec.»
En sommes-nous encore là? Une tribune libre qui autorise les mythes et les discours nauséabonds d'une autre époque, pas si lointaine. Des «eux autres» et ces «gens-là» proclamés sur un ton hargneux n'annoncent jamais rien de bon. M. Maisonneuve, une petite rectification n'aurait-elle pas été nécessaire à ce moment-là?
Il y a une semaine, la tribune de M. Maisonneuve portait encore une fois sur la question des accommodements raisonnables et, cette fois-là, ce sont les musulmans qui ont eu droit au traitement de faveur. Les musulmans par-ci, les musulmans par-là... mais de quels musulmans parlons-nous? L'un des auditeurs, théologien sans doute, a même cru bon de partager avec nous ses certitudes concernant l'impossibilité desdits musulmans et de l'islam de s'intégrer au Québec. Là encore, silence radio de la part de l'animateur. Cette fois-là aussi, la Matrix a failli y passer.
Les débats francs sur l'identité québécoise, la laïcité et l'intégration des communautés sont indispensables. Les prises de bec aussi. Mais le souci des cotes d'écoute des uns et les petites publications bon marché des autres ne sauraient justifier de faire son beurre sur le dos des préjugés et des peurs d'une partie de la société. Quant à l'obsession du «non politiquement correct» et à la prétention de dire les «vraies choses», ils ne sont jamais qu'un argument de vente supplémentaire bien connu des petits manuels de théorie des communications et des grands populistes de ce monde.
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David Morin et Sarah Rodrigue - Montréal
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