Je ne vous dirai pas son nom pour protéger son identité. Il pratique l’islam raisonnablement. Il aime le Québec et il voudrait y vivre en paix. Il est devenu mon ami pour toujours.
Il me connaissait déjà quand nous nous sommes rencontrés. Il avait vu une émission de télé que j’ai faite récemment et par curiosité il était allé vérifier sur son ordinateur ce qu’il pouvait trouver comme information supplémentaire à mon sujet. Je lui ai demandé d’où il était originaire et il m’a répondu qu’il était Berbère. D’Algérie. Nous sommes partis de là.
Il m’a raconté la peur qui s’était installée parmi ses amis et leurs familles devant la décision du gouvernement d’adopter une Charte de la laïcité, et surtout l’impression qu’avait laissé le voyage de Mme Marois à Paris, et ses déclarations selon lesquelles ce que le Québec allait faire allait ressembler à ce que la France avait déjà imposé et qui n’avait soulevé que de la colère et de la frustration.
Je lui ai demandé s’il comprenait la peur que l’attitude de certains musulmans suscitait chez nous et que les femmes québécoises particulièrement, n’étaient pas disposées à devoir refaire une autre fois la bataille qu’elles estiment avoir gagnée dans une autre religion où les femmes, comme dans l’islam, étaient considérées comme des êtres inférieurs et surtout jamais égales aux hommes ? Il m’a répondu qu’il lisait beaucoup sur ce que le Québec avait déjà été, des luttes que nous y avions menées et du fait que c’était beaucoup à cause de ça qu’il était ici. Par choix.
J’ai bien pris le temps de lui expliquer que la charte à l’étude ne touchait en rien la liberté de pratiquer sa religion, à condition que ça se fasse en privé.
Il m’a assuré trouver ridicules les demandes d’accommodements, car un bon musulman peut attendre d’être rentré chez lui pour faire la prière et que tout ce qu’on prétend faire dire au Coran la plupart du temps n’est pas dans le Coran du tout.
Un débat vécu dans le silence
J’ai alors osé demander pourquoi les musulmans comme lui ne se levaient pas pour faire connaître leur opinion, pourquoi on ne les entend jamais dans le débat actuel et pourquoi on a l’impression qu’ils sont tenus au silence.
Il a hésité avant de continuer. Pour la première fois, il m’a dit que lui et beaucoup d’autres ne se sentaient pas libres de dire ce qu’ils pensaient. Ceux qui vivent ici ont encore des membres de leurs familles dans les pays d’origine, et ça les rend plus vulnérables. Alors ils se taisent.
Mon ami a un travail régulier dont il est satisfait. Il est probablement trop éduqué pour ce qu’il fait, mais il n’a jamais fait allusion au fait qu’il devrait vivre mieux. Personne de sa famille ne porte le voile. Il reconnaît que beaucoup de maris imposent à leur femme de le porter, mais que certaines femmes y tiennent aussi.
Il me confirme ce que Fatima Houda-Pepin répète depuis le début : ceux dont il faut se méfier, ce sont les intégristes, et ils sont déjà bien installés ici. Il confirme que leur méthode est la même partout. Ils occupent les hôpitaux, les cantines, les écoles pour les plus jeunes et les écoles où on insiste pour séparer les filles des garçons. Nous avons ri ensemble des problèmes que posent les piscines…
Mme Houda-Pepin explique de son côté que l’intégrisme est le gouvernement de Dieu. Qu’importe le dieu d’ailleurs, dit-elle dans un article qui lui est consacré dans L’actualité de mars. Quelques pages plus loin, Jacques Godbout propose la lecture d’un livre dont le titre est Gouverner au nom d’Allah publié chez Gallimard, dont l’auteur se nomme Boualem Sansal et qui affirme que « nous ne mesurons pas le danger que représentent les islamistes pour l’avenir de la civilisation, tout comme nos pères n’ont pas su voir venir le fascisme et le nazisme au siècle dernier ». Il faut lire ce livre absolument.
J’avoue que je suis reconnaissante à mon nouvel ami algérien de m’avoir obligée à fouiller un peu plus profondément que ce que propose la charte dont nous avons tant parlé au cours des derniers mois. Ce que ce nouvel ami m’a permis de comprendre, c’est qu’il y a une certaine urgence d’agir dans tout ce dossier et que toutes les expériences vécues ailleurs, dans d’autres pays, doivent nous guider avant que nous ne soyons débordés comme ça a été le cas partout. Les intégristes, peu importe d’où ils viennent, ont toujours une longueur d’avance sur les pays où ils s’installent. Les intégristes forment une bande à part. Il est urgent de tisser des liens avec les pays qui les connaissent mieux que nous pour éviter de refaire les mêmes erreurs.
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