"Le ministère de la Justice remuera ciel et terre pour éliminer les menaces des organisations terroristes qui pèsent sur nos citoyens et bloquer la marée d'une crise de la drogue dévastatrice", a affirmé le ministre Jeff Sessions.
La justice américaine a créé jeudi une équipe spéciale chargée d'enquêter sur l'utilisation par le Hezbollah du trafic de drogue pour se financer, sur fond de polémique avec l'administration Obama, soupçonnée d'avoir entravé une opération antidrogue pour ne pas nuire aux négociations nucléaires avec l'Iran.
Cette "équipe sur le financement et le narcoterrorisme du Hezbollah" (HFNT) est chargée "d'enquêter sur les individus et réseaux fournissant un soutien au Hezbollah, et les poursuivre le cas échéant", a précisé le ministère de la Justice dans un communiqué.
Le HFNT "va utiliser tous les outils appropriés pour enquêter activement et poursuivre ceux qui fournissent un soutien financier au Hezbollah afin d'éradiquer les réseaux illégaux qui alimentent le terrorisme et la crise des stupéfiants", a ajouté son adjoint, John Cronan.
Cette annonce intervient alors que Washington tente de lutter contre l'influence de l'Iran et du Hezbollah, deux ennemis jurés d'Israël, sur la vie politique libanaise.
Un ancien responsable du ministère du Trésor, Juan Zarate, a affirmé mercredi au Congrès que des récentes opérations contre une entité du Hezbollah baptisée "Département des affaires commerciales" avaient "révélé les liens financiers et commerciaux du Hezbollah et mené à des arrestations dans le monde entier".
Le ministre de la Justice, Jeff Sessions, avait demandé en décembre l'ouverture d'une enquête sur la gestion du Projet Cassandra, une opération lancée en 2008 par l'Agence antidrogue américaine (DEA) pour démanteler les réseaux de financement et de blanchiment du Hezbollah, proche allié de l'Iran. Mais l'administration Obama aurait entravé l'opération afin d'éviter de faire capoter l'accord historique obtenu en juillet 2015 sur le programme nucléaire de Téhéran.
Edward Price, porte-parole du Conseil de sécurité nationale sous Barack Obama, a nié les affirmations du magazine, estimant que sa source travaille désormais pour des organisations "idéologiquement opposées à l'accord nucléaire iranien", régulièrement dénoncé par Donald Trump.
Le mouvement chiite est sur la liste américaine des organisations terroristes depuis 1995, et le Congrès a adopté en 2015 une loi prévoyant des sanctions contre les banques finançant sciemment le Hezbollah, l'ennemi juré d'Israël.
"Interdit par l'islam"
En 2011, une enquête avait désigné la Banque libanaise du Canada, basée à Beyrouth, comme principale source de blanchiment d'argent du Hezbollah pour abriter les fonds d'Ayman Joumaa, un baron de la drogue soupçonné de liens avec le mouvement chiite.
Selon les enquêteurs américains, le réseau du Hezbollah comprendrait des livraisons de cocaïne entre l'Amérique latine et l'Europe ou les Etats-Unis, et un circuit de blanchiment entre des sociétés-écran du Panama, des banques libanaises et même l'exportation de voitures d'occasion des Etats-Unis vers l'Afrique de l'Ouest. L'argent servirait à l'achat d'armes pour les unités combattant en Syrie au financement des rebelles Houthis qui se sont emparés depuis 2014 de vastes portions du territoire au Yémen.
Le Hezbollah, l'une des principales forces politiques au Liban, où il fait partie du gouvernement, combat aux côtés de l'Iran et des troupes du président syrien Bachar el-Assad dans le conflit qui a débuté en 2011 en Syrie. L'Arabie saoudite, monarchie sunnite proche alliée arabe de Washington, avait accusé en novembre le Hezbollah de se financer grâce à la drogue. Le groupe utilise "le système bancaire libanais pour blanchir de l'argent, les ports du pays pour le trafic de drogue (et) mener des activités terroristes et s'ingérer en Syrie, à Bahreïn et au Yémen", avait affirmé le ministre saoudien Adel Jubeir.
En 2012, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avait publiquement démenti que le mouvement était impliqué dans un trafic de drogue ou du blanchiment d'argent. "Le trafic de drogue est interdit par l'islam", avait-il dit lors d'un discours, où il avait reconnu pour la première fois que sa formation était financée et équipée par l'Iran. "Avec le soutien de l'Iran, nous n'avons pas besoin d'argent de quelqu'un d'autre", avait-il dit.