Les conservateurs ont revendiqué dimanche la victoire aux législatives de vendredi en Iran, marquées par une forte abstention sur fond de ressentiment populaire contre le président modéré, Hassan Rohani, alors que le pays traverse une grave crise économique.
Le ministère de l’Intérieur a publié dans l’après-midi les résultats pour plus de 95 % des circonscriptions, donnant les noms des députés élus dès le premier tour, sans préciser leur affiliation politique.
Ces résultats traduisent une victoire sans appel des « principalistes », appellation qui regroupe toutes les tendances du camp conservateur, jusqu’aux plus ultras, selon plusieurs médias de cette mouvance.
À l’échelle nationale, la participation a été de 42,57 %, a annoncé le ministre de l’Intérieur, Abdolréza Rahmani Fazli, soit le niveau le plus bas enregistré pour des législatives depuis la révolution islamique de 1979.
De nombreux observateurs avaient prédit une forte abstention après la disqualification massive, par l’organe de contrôle des élections, de candidats réformateurs et modérés, réduisant pratiquement le scrutin à une compétition entre conservateurs et ultraconservateurs.
Le Parlement, monocaméral, compte 290 sièges.
Selon le site Internet du quotidien gouvernemental Iran, 17 femmes sont d’ores et déjà élues, soit autant que dans le Parlement sortant, et une autre s’est qualifiée pour le second tour.
Une « gifle à Trump »
Le président Rohani est sous le feu des critiques du camp conservateur pour sa politique d’ouverture symbolisée par l’accord international sur le nucléaire iranien conclu à Vienne en 2015.
La décision du président américain, Donald Trump, de dénoncer ce pacte et de réimposer des sanctions à Téhéran a été suivie, en Iran, d’une violente récession dont le pays peine à sortir.
Selon l’agence Fars, le second tour, prévu le 17 avril, devrait avoir lieu dans au moins 11 circonscriptions.
« Victoire des candidats antiaméricains, nouvelle gifle à Trump », a titré dès dimanche matin le quotidien ultraconservateur Keyhan, pour qui « le peuple a disqualifié les réformateurs ».
Le scrutin de vendredi s’est tenu deux jours après l’annonce de l’apparition du nouveau coronavirus en Iran, où selon les derniers chiffres officiels, l’épidémie de COVID-19 a fait 8 morts sur un total de 43 personnes infectées.
« Nous avons tenu ces élections alors qu’on a eu divers incidents dans le pays », a commenté le ministre Rahmani Fazli et, dans ces conditions, « le taux de participation nous semble parfaitement acceptable ».
« Nous avons eu de mauvaises conditions météorologiques, il y a eu cette maladie du coronavirus, il y a eu la chute de cet avion, également les incidents de janvier et novembre », a-t-il dit.
Le ministre faisait référence à l’avion de ligne ukrainien abattu par les forces armées iraniennes début janvier près de Téhéran et aux manifestations antipouvoir que ce drame a provoquées, moins de deux mois après une vague de contestation déclenchée par la hausse du prix de l’essence.
Selon son site Internet officiel, le guide suprême iranien a loué « la participation massive de la population aux élections », accusant la presse étrangère d’avoir tout fait pour « décourager les gens d’aller voter ».
« La propagande a commencé il y a quelques mois et s’est intensifiée à l’approche des élections et [tout particulièrement] les deux derniers jours (avant le scrutin) en utilisant le prétexte de cette maladie », a déclaré l’ayatollah Ali Khamenei lors de son cours hebdomadaire à des étudiants en théologie à Téhéran.
Le COVID-19 fait 8 morts
L’Iran a été le premier pays du Moyen-Orient à faire état de la mort de patients atteints du nouveau coronavirus. En guise de « mesure préventive », les autorités ont annoncé la fermeture des écoles, des universités, des cinémas, des théâtres et des autres lieux culturels dans 14 des 31 provinces du pays, dont celle de la capitale.
Dans ces provinces du nord et de l’ouest du pays, tous les événements culturels ont été interdits pour une semaine.
Cité par la télévision d’État, le ministre de la Santé, Saïd Namaki, a annoncé la gratuité des soins liés à la maladie. Dans chaque ville, au moins « un hôpital sera consacré exclusivement » à l’accueil, au dépistage et au traitement « des cas de coronavirus ».
À Téhéran, où ont été détectés 4 des 15 nouveaux cas annoncés dimanche, la municipalité a ordonné la fermeture des fontaines à eau et des échoppes vendant des friandises dans le métro.
« Si le nombre de personnes infectées augmente à Téhéran, la ville entière sera mise en quarantaine », a déclaré à la télévision Mohsen Hachémi, président du conseil municipal de la capitale, où ont fleuri des affiches incitant les gens à ne pas se serrer la main pour prévenir la diffusion du virus.
La capitale iranienne compte plus de 8 millions d’habitants.