Le triste sort des Anglo-Québécois...

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Les revendications linguistiques anglophones ne sont que la manifestation de leur refus du Québec français

Selon un sondage Léger réalisé pour Le Journal, 51 % des Anglo-Québécois se voient comme faisant partie d’une « minorité opprimée ». Eh oui, en 2018. Cette perception est contraire à toute logique factuelle. Elle témoigne en fait d’une attitude d’autovictimisation qui ne date pas d’hier.


En science politique, j’ai beaucoup étudié la question linguistique et la communauté anglo-québécoise. Depuis, mes écrits sur le sujet sont nombreux. En 1992, j’ai publié mon premier livre chez Boréal : L’invention d’une minorité. Les Anglo-Québécois.


J’y présentais une analyse détaillée du discours politique des leaders anglo-québécois depuis la loi 22 faisant du français la langue officielle du Québec. Mes hypothèses avaient beaucoup choqué. Elles n’ont pourtant pas pris une ride.


En résumé, j’y avançais ceci. 1) Derrière une rhétorique se disant fondée sur les droits « individuels » se cache la défense des intérêts « collectifs » de la communauté anglophone, elle-même une extension de la majorité canadienne.


Réflexe classique


2) Ce discours s’oppose à la minorisation politique et linguistique des anglophones comme imposée par le nationalisme québécois moderne et les lois linguistiques. D’où les nombreuses contestations judiciaires menées par des Anglo-Québécois contre la loi 101.


3) Ce même discours représente faussement les Anglo-Québécois comme des « victimes » rejetées par des francophones aux instincts « intolérants ». Un réflexe classique des minorités dominantes lorsque leur pouvoir est remis en cause.


De Robert Bourassa à René Lévesque, l’objectif était en effet le même. Le français devait remplacer l’anglais comme langue de mobilité sociale et d’intégration des immigrants. Il en allait de la survie même du seul État francophone d’Amérique.


Pour beaucoup d’Anglo-Québécois, cette érosion possible de leur pouvoir collectif était inacceptable. Des milliers ont quitté le Québec. Parmi ceux qui sont restés, jeunes ou vieux, plus de 50 % se disent encore aujourd’hui « opprimés ». Malgré l’affaiblissement marqué de la loi 101, 64 % réclament aussi qu’elle le soit encore plus.


Contradiction spectaculaire


Le sondage Léger confirme d’autres tendances entêtées. Ainsi, 91 % des répondants regardent la télé uniquement ou majoritairement en anglais. Pour la radio, c’est 84 % et les infos, 75 %. Pour ceux-là, comment l’expliquer ?


Par un manque évident d’intérêt. Par leur perception erronée d’être des « victimes » de la majorité francophone. Par la déresponsabilisation qui en découle. Par une conception utilitariste du français. Un français vu non pas comme la porte d’accès aux francophones et à une culture riche, mais vu comme une langue imposée et minoritaire sur le continent.


Pour plusieurs anglophones, il est encore là le problème. D’où cette contradiction spectaculaire : 51 % se disent « opprimés », mais 75 % sont « heureux de vivre au Québec » tout en étant 60 % à avoir « envisagé » de le quitter. C’est ce qu’on appelle une relation amour-haine.


Pour le dire autrement, j’emprunterai la brillante formule d’un ex-collègue anglophone qui, lui, refusait de se voir comme une victime : « Les francophones ont peur avec raison de se noyer dans un océan d’anglais. Les Anglo-Québécois ont peur à tort de se noyer dans une baignoire de français. »