Le projet de loi 14 sera finalement étudié article par article. La Coalition avenir Québec a «consenti» à ce que ces morceaux de «nouvelle loi 101» fassent l’objet d’un débat parlementaire. Le Parti libéral n’a pas caché, dès la semaine dernière, sa volonté de faire obstruction. C’est regrettable.
Il aurait préféré y échapper, mais le parti de Philippe Couillard participera aux débats parlementaires sur le projet de loi 14 ; en respectant « la lettre et l’esprit du règlement », a euphémisé le porte-parole libéral Marc Tanguay, mercredi. Autant dire que le PLQ, qui soutient être absolument en désaccord avec le principe même de ce projet de loi, ne laissera rien passer, multipliera les propositions de modifications ; se livrera, en somme, à un « filibuster ». Les libéraux ont décidé de condamner toute « coercition ». Bien sûr qu’une coercition excessive est contre-productive en toute matière. Mais les progrès du français entre 1977 et 2003 sont dus, en partie, à un usage modéré de celle-ci. Dans le contexte nord-américain, une petite nation francophone non souveraine avait-elle vraiment le choix d’édicter des règles claires et parfois contraignantes, si elle voulait maintenir et faire progresser sa langue ?
Rejeter ainsi « par principe » le « principe » de la coercition, qui se redéploie dans le projet de loi 14, sans nuance, c’est, au fond, rejeter la loi 101. On sent que Marc Tanguay et son chef souhaiteraient en réalité en finir avec la notion fondatrice - due à Robert Bourassa - selon laquelle il n’y a qu’une langue officielle au Québec. Pour paraphraser François Legault, M. Couillard ne peut aspirer au poste de premier ministre du Québec, la seule terre sur ce continent « où il y a une majorité de francophones », en rompant ainsi avec une de ses lois fondatrices.
Chez le nouveau chef libéral, l’amour du bilinguisme, qui se reflète jusques et y compris dans les communiqués du parti (toujours « dans les deux langues »), conviendrait davantage à l’esprit de la loi fédérale sur les langues officielles qu’à la loi 101.
Soutenant et déplorant que le gouvernement Marois lutte contre le bilinguisme, M. Couillard a précisé mercredi que celui-ci était un « atout absolument indispensable » à notre époque. À ses yeux, il ne faut même pas ajouter « d’obstacles sur le chemin de nos jeunes pour devenir bilingues, par exemple, dans la fréquentation des cégeps » anglophones. Pourtant, en 2010, devant les débordements dans les cégeps anglophones, c’est une ministre libérale, Michelle Courchesne, qui avait déclaré : «Je pose une condition : les cégeps anglophones doivent d’abord accepter les anglophones.»
C’est à se demander si ce n’est pas Philippe Couillard qui, une fois au pouvoir, usera de coercition ; cette fois, pour contraindre chaque Québécois à devenir « parfait bilingue ». Dans un débat en janvier, il avait soutenu être « attristé » lorsqu’il rencontrait de jeunes Québécois qui ne parlaient pas anglais ! Cette position repose sur un je-ne-sais-quoi de vanité personnelle, de sentiment de supériorité, voire d’élitisme : « Regardez comme moi, par exemple, je suis formidable. Et vous savez quoi, je suis bilingue ! » Dans les mots de Marc Tanguay, ça donne : « Si je n’avais pas eu cette capacité-là, je n’aurais pas eu les beaux emplois que j’ai eu l’occasion, très humblement, d’occuper. »
Avant d’entamer les travaux parlementaires sur le projet de loi 14, les libéraux devraient méditer cette phrase tirée d’un essai du linguiste Paul Daoust, publié dans le dernier numéro de L’Action nationale : « Si le bilinguisme individuel est une immense richesse, le bilinguisme collectif pour une minorité politique est un poison mortel. Ce bilinguisme collectif n’existe que le temps de laisser la minorité rejoindre la majorité. »
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