Lors de l’étude en commission parlementaire du projet de loi 14 (« loi modifiant la Charte de la langue française ») en juin 2013, la ministre responsable de la Charte de la langue française, Mme Diane De Courcy, avait affirmé que, bien que son gouvernement n’ait pas mis de frein tel que promis au programme d’anglais intensif en sixième année du primaire (cinq mois d’anglais exclusif et cinq mois pour les autres matières), elle s’attendait à ce que le niveau d’implantation du programme dans les écoles françaises ne varie pas et reste stable au niveau de 2012 « à 12 % des écoles primaires du Québec », avait-elle affirmé.
Bref, le gouvernement péquiste revenait sur sa promesse électorale d’abolir la « mesure » d’anglais intensif si chère à Jean Charest, mais il fallait comprendre que cela n’aurait aucune conséquence pratique dans la vie concrète.
Février 2014 : dans la région de Québec, l’implantation du programme continue à toute vapeur comme si le Parti libéral était encore au pouvoir. Environ le tiers des écoles primaires l’ont déjà implanté. Une seule école, soit l’école Anne-Hébert du quartier Montcalm, offre encore le programme standard « d’anglais enrichi » dans lequel l’inscription est à la discrétion des parents. Dans les écoles offrant l’anglais intensif, tous les élèves doivent suivre le programme et les parents n’ont pas le choix d’y inscrire leur enfant ou non. Tous les élèves suivent le programme, oui, même ceux qui ont l’anglais pour langue maternelle ! Les commissions scolaires emploient des permanents chargés d’implanter le programme (souvent des professeurs d’anglais) et certaines affirment ouvertement que leur « plan de match » est d’implanter le programme dans toutes les écoles primaires relevant de leur autorité.
Cobayes
On pourrait penser que des résultats exceptionnels peuvent possiblement justifier l’absence de choix des parents et une implantation menée au rythme d’une Blitzkrieg. Que nenni ! Il n’existe aucune étude scientifique digne de ce nom prouvant la pertinence et l’intérêt d’un programme d’anglais intensif non sélectif (obligatoire !) et aucune démonstration convaincante de l’effet prétendument « bénéfique » du programme sur des matières telles que les mathématiques et le français. L’anglais intensif est une expérience à grande échelle où nos enfants jouent le rôle de cobayes.
Et quid des conseils d’établissement (CE) ? Selon la Loi sur l’instruction publique, ceux-ci sont responsables d’autoriser la création de programmes dans les écoles. Il faut cependant comprendre que les CE, structures décisionnelles dans lesquelles siègent des parents bénévoles pas nécessairement experts en éducation, ne sont pas équipés pour résister aux pressions des commissions scolaires et pour remettre en cause les études douteuses sur lesquelles celles-ci se fondent pour chanter les louanges de l’anglais intensif. L’anglais intensif est généralement présenté aux parents par les responsables d’implantation et les conseillers pédagogiques — souvent des professeurs d’anglais, l’avais-je mentionné ? — comme étant l’invention la plus géniale depuis l’eau chaude. Dire qu’il y avait une demi-année en trop dans la sixième année du primaire depuis toujours et que personne ne s’en était jamais rendu compte ! Bravo aux perspicaces professeurs d’anglais !
J’ai voulu vérifier avec le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) ce qu’il en était du niveau d’implantation du programme d’anglais intensif au Québec. Cela a nécessité plusieurs semaines d’attente et une demande d’accès à l’information pour apprendre finalement que le MELS ne tenait plus de statistiques sur le sujet depuis… 2012. Un simple hasard sans doute ?
Mesdames Diane De Courcy et Marie Malavoy (ministre de l’Éducation), serait-il possible d’avoir l’heure juste concernant l’anglais intensif au primaire ? Et pendant que vous y êtes, pourrait-on aussi savoir pourquoi l’anglais intensif est obligatoire et pourquoi les parents ne peuvent pas choisir d’y inscrire leurs enfants ou non ?
Libre opinion - L’anglais intensif à toute vapeur
L’anglais intensif au primaire : un programme pour cobayes
Frédéric Lacroix85 articles
PhD, Chercheur, Institut de recherche sur le français en Amérique (IRFA)
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