De toute évidence, le projet de loi 14, qui vise à moderniser la Charte de la langue française, passera une première épreuve, soit l’étape parlementaire de l’étude article par article. Mais après ? Il se pourrait bien qu’il ne reste qu’un gruyère bien troué sur lequel voter. Ce serait mieux que rien.
Après cinq semaines de consultations et le dépôt de quelque 80 mémoires, le gouvernement veut soumettre le projet de loi 14 (PL14) à l’étape de l’étude article par article. Pour ce faire cependant, il faut un vote majoritaire en Chambre. Or l’opposition libérale a tendu un piège à la Coalition avenir Québec en annonçant dès jeudi qu’elle allait s’y opposer. La pression est donc forte sur la formation de François Legault, qui a en mains l’avenir de cette « nouvelle loi 101 » que le Parti québécois avait promise en campagne électorale. Le sujet fera l’objet de discussions, la semaine prochaine, lors du prochain caucus de la CAQ, dont certains membres s’opposent farouchement à plusieurs éléments du projet de loi.
Le député de La Peltrie, Éric Caire, par exemple, a fait du maintien d’un privilège - celui réservé aux militaires d’envoyer leurs enfants à l’école anglaise financée par les fonds publics - une condition sine qua non pour accorder son soutien. La CAQ a énuméré deux autres conditions pour appuyer le projet de loi : abandonner la possibilité de révoquer le statut bilingue des municipalités comptant moins de 50 % d’anglophones et user d’incitation plutôt que de coercition auprès des entreprises de 26 à 49 employés.
L’appui de la CAQ au PL14 tel qu’il existe actuellement semble donc hautement improbable. Mais des sources indiquent que la formation se distinguera des libéraux et acceptera que le PL14 se rende à l’étude détaillée. C’est là une bonne nouvelle. La loi 101 est une « grande loi canadienne » (expression de l’ancien chef du PLC Stéphane Dion) qui mérite d’être revue. À l’inverse, la fermeture totale des libéraux de Philippe Couillard et les critiques excessives du porte-parole Marc Tanguay n’ont rien de glorieux. Elles rappellent les discours d’épouvante des libéraux de 1977, lesquels s’étaient opposés en bloc à la loi 101. Mais sans celle-ci, que serait le Québec français aujourd’hui ? Quels seraient les taux de bilinguisme chez les jeunes anglophones, taux dont on se vante avec raison ? Les libéraux d’aujourd’hui, refusant - comme ceux d’hier - tout compromis, ont déjà annoncé à mots couverts qu’en étude détaillée, ils opteraient pour l’obstruction systématique. Triste.
Membre d’un gouvernement minoritaire, la ministre Diane De Courcy a entrouvert la porte en termes biscornus, évoquant « une zone de confort collectif assez grande autour de la loi ». Où serait-elle prête à plier ? Pour l’instant, ses déclarations au sujet des conditions de la CAQ ne permettent pas de l’entrevoir. Afin d’inciter la CAQ à mettre de l’eau dans son vin, elle pourrait considérer l’abandon des mesures sur le retrait du statut bilingue de certaines municipalités comportant moins de 50 % d’anglophones. Certes, même les villes québécoises non bilingues offrent de nombreux services dans les deux langues (bien plus que ce qui est offert aux francophones hors Québec…) ; certes, un statut bilingue mine souvent l’intégration des immigrants en français. Mais peut-être vaudrait-il le coup pour le PQ de céder sur ce point, puisque c’est de l’ordre du droit acquis, et de s’entendre avec la CAQ sur un resserrement des règles concernant la langue de travail, là où les statistiques indiquent une perte de terrain inquiétante depuis une décennie.
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