Le plan Legault pour gouverner mis en branle

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Le premier appel de Legault a été pour solliciter... Lucien Bouchard !

Conforté par les sondages qui, unanimement, prédisent que la Coalition avenir Québec (CAQ) prendra le pouvoir, François Legault a donné le feu vert à ses principaux collaborateurs afin qu'on entreprenne la préparation d'un premier gouvernement caquiste. On travaille à un scénario minoritaire avec 20 ministres. Si le mandat est majoritaire, la partie n'en sera que plus facile.


La démarche a débuté sur un refus : Lucien Bouchard n'a pas voulu jouer de rôle dans la conception d'un gouvernement Legault, a appris La Presse. Le chef caquiste lui a passé un coup de fil, il y a quelques semaines, pour savoir s'il serait prêt à diriger un éventuel comité de transition. L'ancien premier ministre a refusé sur-le-champ.


Mais les choses se sont déroulées différemment avec d'autres éminences grises des années péquistes. L'ancien secrétaire général des gouvernements Landry et Marois, Jean St-Gelais, ainsi que l'ex-chef de cabinet de M. Bouchard, Me Hubert Thibault, ont accepté un échange informel avec les émissaires de François Legault, Martin Koskinen et Pascal Mailhot.


« J'ai été au gouvernement pendant 32 ans. Si je peux être utile, que ce soient les péquistes, les libéraux ou les caquistes, si on me téléphone pour connaître mon opinion, je vais prendre l'appel. »


- Jean St-Gelais, désormais patron de la compagnie d'assurances La Capitale, à La Presse


Les échanges, assure-t-il, sont restés très généraux, n'avaient rien à voir avec des stratégies politiques.


Dans les officines caquistes, on indique qu'on ne planche pas sur un « comité de transition », le comité restreint habituel où on cherche à mettre de grands noms, pour préparer l'atterrissage des nouveaux gouvernements. Ceux qui conseillent François Legault, au premier chef Martin Koskinen, chef de cabinet, et Stéphane Le Bouyonnec, président du parti, sont les pivots d'un groupe bien moins formel, consulté sur la suite des choses au lendemain du 1er octobre.


NOUVELLE GÉNÉRATION DE MANDARINS


Autre différence par rapport au passé : le Parti libéral du Québec (PLQ) ou le Parti québécois (PQ) pouvaient compter sur un bassin historique de mandarins potentiels. Rien de tel pour François Legault. Les fonctionnaires qu'il a côtoyés durant les cinq années où il a été ministre, à l'Industrie, à l'Éducation et à la Santé, sont pour la plupart à la retraite ou, comme MM. St-Gelais et Thibault, passés au secteur privé. L'ancien ministre péquiste Michel Clair, proche de M. Le Bouyonnec - les deux étaient dans l'entourage de Pierre Marc Johnson quand il dirigeait le PQ -, est aussi consulté.


Quelques conclusions déjà au sein du groupe de ces conseillers : deux postes seront névralgiques pour le prochain gouvernement, le secrétaire général et le responsable des nominations. D'ores et déjà, la CAQ souhaite « passer à une autre génération » de mandarins. La première cible vient d'avoir 50 ans, une « jeunesse » dans cet univers de sexagénaires. Pour le poste de secrétaire général, le premier fonctionnaire, les yeux se tournent vers Yves Ouellet, président de la Société québécoise des infrastructures. Comme M. St-Gelais, son mentor, M. Ouellet a passé toutes les années 90 au ministère des Finances. Ils se sont recroisés au Conseil exécutif. De 2012 à 2017, M. Ouellet était au poste stratégique de secrétaire du Conseil du trésor.


Autre poste clé, le responsable des nominations gouvernementales n'est pas encore choisi ; dans ce cas, on songe à chercher à l'extérieur un spécialiste en ressources humaines, afin de rendre plus systématique l'évaluation des candidats. Le gouvernement Couillard, en quatre ans, s'est distingué par ses erreurs dans le choix des dirigeants.


PASSAGE DÉLICAT


La mainmise d'un gouvernement Legault sur l'appareil gouvernemental serait un passage délicat ; en campagne électorale en 2012, dans une entrevue avec La Presse, M. Legault avait promis de rebattre les cartes dans la haute fonction publique. Les dirigeants de sociétés d'État comme la Caisse de dépôt, Hydro-Québec et Investissement Québec auraient à vivre « des heures difficiles », avait-il soutenu.


Six ans plus tard, le plan d'action a passablement changé. Sans ancrage dans la fonction publique, la CAQ devrait composer dans bien des cas avec les administrations en place. Mais la fonction publique se prépare à changer de patron. Il y a deux semaines, un document du cabinet Leitão avait fuité, où on évaluait le coût des promesses de la CAQ. En commission parlementaire, le caquiste François Bonnardel a demandé formellement si le sous-ministre aux Finances, Luc Monty, avait contribué au document. Carlos Leitão a éludé la question dans un premier temps, mais quelques minutes plus tard, M. Monty a tenu à répondre lui-même à M. Bonnardel, soulignant qu'il n'avait pas touché à ce rapport.


PRIORITÉS ET PARITÉ


Les stratèges de la CAQ se préparent en fonction d'un mandat minoritaire. Si la formation obtient la majorité des sièges, les choses n'en seront que plus faciles. Le gouvernement se concentrerait sur quatre ou cinq priorités, et ne voudrait pas se disperser. On vise à restreindre le nombre de postes au gouvernement à 20 ministères - depuis des années, on se situe entre 26 et 28. La parité hommes-femmes serait ainsi plus facile à atteindre, fait-on valoir. Il reste quelques candidats connus à annoncer : le Dr Lionel Carmant ira dans Taillon, Me Jean Boulet, frère de la libérale Julie Boulet, ira dans Trois-Rivières, Stéphane Le Bouyonnec reviendra dans La Prairie, où il avait été député de 2012 à 2014, et l'homme d'affaires Pierre Fitzgibbon sera le candidat caquiste dans Brome-Missisquoi.


D'ici le début de la campagne électorale, la CAQ continuera à faire campagne sur le même thème adopté lors de l'élection partielle de Louis-Hébert : « l'équipe du changement ». Les sondages de la CAQ sont unanimes, le « changement » sera le vecteur fort dans le choix des électeurs.


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