Le matamore en chef Jacques Dupuis, l'homme qui tire plus vite que son ombre (sauf quand il s'agit de répondre aux questions), a laissé échapper cette semaine un «hostie» résonnant et sincère.
L'opposition a fait allusion d'une façon pour le moins indélicate à la santé du ministre Claude Béchard.
Le néophyte Clément Gignac a démontré que, devenus membres de ce gouvernement, même les plus respectables et les plus compétents apprennent rapidement l'art d'éluder les questions et les règles de la petite et médiocre politique partisane.
Probablement par masochisme ou voyeurisme pervers, je me suis farci deux semaines de période de questions orales et je pourrais rapporter ici des dizaines d'incidents aussi édifiants, mais je ne veux pas encourager le cynisme grandissant de la population tellement le mien grandit. Je parlais il y a quelques semaines d'odeur «nauséabonde», je pourrais la qualifier de pestilentielle sans exagérer. Ce n'est pas Le Grand Cirque ordinaire, mais plutôt une piètre bouffonnerie qui remplace le devoir politique par l'obligation partisane, la recherche de la vérité par celle de l'esquive et du faire semblant.
Pendant ce temps, la commission Bastarache, ce hochet que Jean Charest donne aux enfants que nous sommes, perdait son procureur en chef qui démissionnait, atterré par ce qu'il a qualifié de «cirque médiatique». Oui, il est victime d'un cirque, celui qu'a créé ce gouvernement par son refus de rendre des comptes, sa volonté de protéger bec et ongles ses collecteurs de fonds et sa politique de dissimulation systématique.
Voilà un homme éminemment compétent et respecté dont le profil professionnel et l'expérience en font une personne idéale pour occuper ce poste important et délicat. Nous devrons nous passer de ses qualités parce qu'il a commis un crime de citoyen. Opposé à l'indépendance, il a fait quelques petits dons (petits pour un riche avocat) au parti fédéraliste qu'est le Parti libéral. Il n'a jamais eu d'activités partisanes, ne fut jamais membre du parti, n'a jamais assisté à un banquet de financement. On ne parle pas ici de ces «pros» qui achètent des tables à 3000 $ ou qui s'acoquinent aux Tomassi de la planète libérale, on parle de 250 $ ou de 500 $. Dans un autre contexte, dans un autre climat que celui qui règne aujourd'hui au Québec, ces contributions citoyennes et idéologiques n'auraient pas fait lever un sourcil ou un petit doigt. Et Pierre Cimon serait demeuré à la commission Bastarache. Oui, Pierre Cimon est une victime, une victime du gouvernement Charest.
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Depuis plus d'un an, ce gouvernement, par ses esquives, ses omissions, sa complaisance, son inaction, a plongé tout le Québec dans un climat de suspicion généralisée. Il n'est plus personne pour croire que les grands contrats sont accordés équitablement et selon les règles. On est vaguement convaincu que les bureaux d'ingénierie manipulent les villes grâce à leurs contributions financières au PLQ. On pense que toute l'industrie de la construction baigne à plein temps dans un climat d'intimidation, de corruption et, pourquoi pas, de collusion avec le crime organisé. On se demande en allant à la garderie si le propriétaire a dû payer sonnant son permis d'exploitation dans une caisse occulte, si en recevant une subvention pour un festival de chants on devra remettre un petit merci pécuniaire au député du coin.
Bien sûr, tout cela est exagéré et la corruption n'est pas si répandue qu'on le croit maintenant dur comme fer. Bien sûr, la majorité des femmes et des hommes qui vont en politique n'y vont pas pour s'enrichir ou favoriser des amis. Mais la paralysie, l'inaction morale et éthique de ce gouvernement a convaincu une majorité de la population que la pourriture était la règle plutôt que l'exception. Les premières victimes de ce phénomène, ce sont tous les politiques. Tous pourris! Voilà l'impression que le silence de ce gouvernement a fait naître.
Mais les victimes principales du gouvernement Charest, ce sont la démocratie et notre système politique. La vitalité de la démocratie repose sur une relation de confiance qui est plus intuitive qu'intellectuelle. Une relation de confiance avec ceux qui exercent l'activité politique à tous les niveaux. Nous sommes aujourd'hui dans l'amalgame collectif. Impossible de parler de manière crédible des vertus de la politique et de la démocratie. Tous pourris. Il faut aussi que la population soit convaincue que le système fonctionne correctement et qu'il peut s'autoréguler.
[Voilà ce que ce gouvernement a détruit: le contrat social sur lequel repose la vie démocratique->27196]. On a vu dans d'autres pays et aussi ici depuis quelque temps les conséquences de cette situation. La première est la désaffection politique, la deuxième, le retrait par l'absentéisme du processus électoral et, finalement, une sorte de sentiment qui laisse penser que, si les règles ne s'appliquent pas aux politiques, elles ne sauraient conduire la vie des simples citoyens. Quand la croyance en la démocratie fout le camp, c'est aussi le tissu social qui se désagrège. De toute évidence, ce n'est pas ce genre de considérations qui inquiète ce gouvernement, pour qui la démocratie se résume à la loi du plus fort et du plus riche.
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