Ce que l'on sait sans l'ombre d'un doute de ce gouvernement, c'est que les ministres sont obéissants et respectent le code vestimentaire que les faiseurs d'image leur imposent. Ce que l'on en déduit, c'est qu'il est plus aisé de sabrer les dépenses quand on porte des jeans le dimanche.
Ce que l'on sait aussi avec certitude, c'est que, pour ce gouvernement, tous les citoyens sont égaux devant la crise des finances publiques et qu'ils doivent écoper sans égard à leur capacité de payer. Ce que l'on sait aussi, c'est que les entreprises, les minières, les pharmaceutiques, les institutions financières, les pétrolières peuvent continuer pour notre bien collectif à engranger des profits sans vergogne pendant que leurs employés sont appelés à se serrer la ceinture. Comme si les camions de ces industries ne détruisaient pas petit à petit tous nos échangeurs Turcot, comme si les employés licenciés ne venaient pas peser sur les finances publiques, comme si, somme toute, les entreprises ne vivaient pas sur la même planète que les citoyens québécois. Une planète qui serait une sorte de zone franche.
Ce que nous ne savons pas à propos de ce gouvernement et du Parti libéral, c'est tout le reste de ce qui concerne l'administration publique. Depuis plus d'un an, au fil des révélations des médias, des questions posées par l'opposition ou encore des confidences de repentis tardifs, le doute, puis la suspicion et finalement une sorte de certitude dépourvue de preuves tangibles se sont installés dans l'esprit de la population, comme une odeur nauséabonde qui nous dit qu'il y a «quelque chose de pourri» dans ce royaume libéral. Nous en sommes certains parce que les allégations se multiplient depuis un an mais que ceux qui devraient répondre aux accusations ont adopté une mentalité de bunker et que, sous la houlette du Rambo de l'Assemblée nationale, Jacques Dupuis, ils pratiquent la plus médiocre des tactiques: «Nous sommes peut-être pourris, mais prouvez-le; de toute façon, vous étiez tout aussi pourris que nous quand vous étiez au pouvoir.»
Avec le temps, la répétition des accusations et le silence du gouvernement, nous sommes devenus convaincus que tout le processus d'octroi des grands contrats de construction ou d'ingénierie est contrôlé, quasiment kidnappé, par une sorte de mafia qui a plus que ses entrées, non seulement au Parti libéral, mais aussi à la FTQ-Construction. Nous sommes convaincus, mais nous ne savons rien. Nous ne connaissons ni le quand ni le comment. Toutefois, l'odeur est tellement persistante que nous ne sommes pas très loin de dire «Tous pourris», cela retombant aussi sur certains ministres profondément honnêtes (il y en a plusieurs) qui deviennent coupables dans nos esprits par association de parti. Oui, bien sûr, on a créé l'opération Marteau, ce qui nous a permis de nous souvenir que l'ancien maire d'Outremont aimait le scotch à la folie et qu'on aurait tenté de corrompre un petit fonctionnaire de Québec. Rien dans tout cela pour nous convaincre que le système de détournement du processus d'appel d'offres est dans la ligne de mire et qu'un jour il sera démantelé. Nous ne savons rien, mais nous sommes certains que la corruption est la règle plus que l'exception.
Nous sommes dorénavant convaincus que le système des garderies privées est une pompe à fric pour le Parti libéral qui a contribué à transformer le réseau en Bourse spéculative, en marché pour entrepreneurs bien placés. Nous ne possédons aucune preuve tangible, mais que voulez-vous, nous en demeurons certains, d'autant que le ministre vient d'annoncer qu'il faut revenir à l'ancien système d'attribution des places et des permis. S'il faut réformer le système Tomassi, nous disons-nous, c'est que celui-ci était pour le moins miné par de graves failles.
Et comment, toujours sans avoir de preuves, ne pas être certains que le ministre de la Famille doit ce poste important pour lequel il n'a, de toute évidence, aucune compétence au fait qu'il est un des meilleurs amasseurs de fonds pour le Parti libéral? Comment aussi, dans la même foulée, ne pas se convaincre que plusieurs ministres ont hérité de leurs responsabilités pour leurs seules qualités d'argentier partisan?
Et cette semaine, Antoine Robitaille, dans Le Devoir, rouvrait une boîte de Pandore, celle de la nomination des juges aux tribunaux administratifs. Ces organismes dont on parle peu jouent un rôle déterminant dans notre vie collective. Commission de déontologie policière, Commission municipale, Régie de l'énergie, ces tribunaux encadrent les activités de plusieurs secteurs cruciaux. Dans plus d'un cas, on sait que ceux qui y siègent possèdent plus de mérite partisan que de compétences dans les domaines qu'ils doivent réguler. De là à penser que toutes ces instances sont contrôlées par le Parti libéral et qu'elles regorgent d'incompétents, il n'y a qu'un pas à franchir. Et dans ce climat délétère et puant que le silence libéral entretient, la population le franchira allègrement, ce qui minera encore plus la confiance déjà bien mince qu'elle entretient à l'égard de la politique. Tous pourris; je ne vote pas.
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À ajouter dans le dictionnaire ridicule des mots interdits à l'Assemblée nationale: «démagogie» et «propagande». Une autre manière d'interdire de décrire la politique qui se fait ces jours-ci au «Salon» bleu. Interdit de dire la vérité.
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