En matière de laïcité, la CAQ doit agir avec rigueur, fermeté et cohérence sans se laisser distraire par le front anti-laïque qui s’agite, ici est là, dans un esprit putschiste de façon à faire avorter l’action de son gouvernement. Quelle indécence!
Dans ce cas-là, pourquoi tenir des élections? Si la démocratie signifie encore quelque chose, une majorité de Québécois attachés à l’égalité des droits, attendent impatiemment l’adoption d’un cadre législatif cohérent s’agissant de la laïcité.
Force est de constater que le cas par cas n’a rien réglé. Le laisser-aller vis-à-vis des accommodements religieux dans les institutions publiques a rendu la tâche de nos professionnels de plus en plus difficiles voire, dans certains cas, impossibles. Rappelons-nous des témoignages des professionnels de la santé et du milieu éducatif lors des commissions parlementaires consacrées aux projets de loi 60, 62 et 94.
Il est même urgent de conclure ce long débat, passionné et déchirant, entamé il y a plus d’une dizaine d’années avec une véritable pièce législative qui consacre le principe de la laïcité de notre État. Quant au port des signes religieux pour les représentants de l’État, les interdire revient à établir une équité entre les convictions politiques et les croyances religieuses, spirituelles et philosophiques.
Interdire le port de signes religieux ostentatoires revient donc à élargir l’exigence de neutralité politique à l’exigence de neutralité religieuse. Autrement dit, en matière politique tout comme au sujet des croyances et incroyances, l’autorité publique est tenu à la neutralité.
Fort de sa majorité, le gouvernement de la CAQ a toute la légitimité pour aller de l’avant. Le nouveau gouvernement doit réussir là où le Parti québécois a échoué. Il doit agir là où le Parti libéral du Québec n’a jamais eu ni le courage ni la volonté de le faire. D’ailleurs, il serait, incompréhensible que François Legault recule, lui qui a rappelé à Philippe Couillard son arrogance et son mépris vis-à-vis de la majorité historique à chaque fois qu’il a été question de nous donner des règles de vie communes.
Il serait, surtout, inconcevable voire dangereux que les Québécois continuent d’être pris en otage par ces quelques minorités de blocage alors que s’installe, à Québec, une nouvelle ère politique. Quel message enverrait-on? Quelle crédibilité pour nos institutions et notre processus démocratique dans l’avenir?
Sur ce terrain-là, la mission du nouveau gouvernement est loin d’être facile. Il faudra faire preuve de pédagogie. Expliquer encore et encore que la laïcité n’est pas une guerre contre les religions ni une chasse contre les croyants ni une menace contre les minorités. Bien au contraire.
Elle place les croyants et les non-croyants sur un même pied d’égalité et les traite avec la même bienveillance tout comme elle soumet la majorité et les minorités aux mêmes exigences. Ces excités testent notre nouveau premier ministre. Ils essayent de créer un rapport de force en leur faveur en court-circuitant, tout simplement, le résultat des urnes. Paradoxalement, ces agités dont certains membres ne sont que de pures fabrications médiatiques ne sont jamais qualifiés d’excessifs, de radicaux ou d’intolérants.
Eux qui au lendemain d’une élection appellent déjà à renverser la table. Eux qui menacent de jouer la rue contre la démocratie pour imposer leurs vues. Eux qui depuis des années profitent d’une large complaisance médiatique pour mener la charge contre la laïcité, devenue à leurs yeux, le nouveau goulag du 21e siècle. Cette époque est révolue. Il est temps de passer à autre chose.
Les Québécois le méritent amplement.
Djemila Benhabib, écrivaine
Prix international de la laïcité 2012
Trois-Rivières