La députée de La Pinière, Fatima Houda-Pepin, qui a quitté lundi le caucus du Parti libéral, juge indéfendable la nouvelle position du PLQ sur le port de signes religieux. Les libéraux proposent d'interdire uniquement le voile intégral et le tchador chez les employés de l'État, s'en remettant au principe des accommodements pour gérer les cas d'employés en position d'autorité qui voudraient porter d'autres signes religieux comme le hidjab ou le turban.
« Depuis que le débat a commencé, je lui ai dit, à M. Couillard, qu'on ne va nulle part avec cette position. Dans le sens où l'on ne tient pas compte de toutes les sensibilités. On ne peut pas régler ce problème uniquement avec la règle de droit », a soutenu Mme Houda-Pepin, en entrevue à l'émission 24/60.
Elle défend pour sa part l'interdiction des signes pour les autorités contraignantes : les juges, les procureurs, les policiers et les agents correctionnels. Elle estime que cette mesure fait « consensus dans la société québécoise ».
« Faisons ça. Posons ce premier jalon » pour mieux avancer, dit Mme Houda-Pepin. « La notion de la neutralité religieuse de l'État doit être bien définie, avec de bons verrous, pour qu'on ne revienne plus là-dessus et qu'on puisse aller vers l'avant. »
Un départ obligé
Fatima Houda-Pepin affirme que le Parti libéral ne lui a « pas donné d'autre choix » que de quitter la formation si elle tenait à défendre cette interdiction partielle du port de signes religieux dans la fonction publique.
Elle dénonce l'impossibilité de tenir une discussion au sein du caucus sur un enjeu aussi important, et croit que le leadership du chef libéral, Philippe Couillard, s'en trouvera affaibli.
« Je n'ai pas eu] d'autre choix [après que] M. Couillard m'a donné l'ultimatum. Tu te rallies. Tu adoptes la position qu'il va annoncer aujourd'hui, qui est une position alambiquée à souhait. M. Couillard pense qu'il va régler les problèmes avec cette position, ses problèmes commencent. [Lundi], je lui ai dit, et j'ai dit à mes collègues : ''Cette position qui va être annoncée aujourd'hui, c'est la meilleure recette pour la perte de la prochaine élection'' », a-t-elle affirmé [en entrevue à l'émission C'est pas trop tôt! d'ICI Radio-Canada Première.
Elle juge que le parti privilégie désormais la « stratégie » au détriment du « contenu ».
« J'ai beaucoup de respect pour [M. Couillard], c'est un homme intelligent, d'une grande envergure. Mais c'est devenu un pattern, le fait d'éviter de débattre des idées [au sein du parti]. Ça nous laisse entre les mains des gens des relations publiques. »
« Philippe Couillard a annoncé à l'automne sa position "over my dead body". Moi je ne l'ai pas vue venir, je l'ai lue sur mon iPad. Le port du tchador, on n'en avait jamais discuté au caucus. Mon parti est rendu là, quelle incohérence! »
— Fatima Houda-Pepin
« Je reçois des appels et des courriels de libéraux qui disent : ''On ne peut pas croire que M. Couillard ne vous ait pas laissé le choix de rester au PLQ, après tout ce que vous avez fait'' », ajoute celle qui dit avoir toujours été loyale au parti.
La seule députée de confession musulmane à l'Assemblée nationale affirme qu'elle siégera désormais comme « députée libérale indépendante » et qu'elle continuera de consulter les gens autour d'elle, pour éventuellement « annoncer [ses] couleurs ».
Écoutez l'entrevue de Philippe Couillard à C'est pas trop tôt!
Elle a choisi de partir, dit Couillard
Le chef libéral, Philippe Couillard, se désole que Mme Houda-Pepin ait choisi de quitter le caucus plutôt que de se rallier.
« Tous ceux et celles qui font de la politique savent très bien qu'ils se présentent des moments où l'on n'est pas très confortable avec la décision du groupe. Cependant, on a travaillé à la décision et on doit s'y rallier. C'est un principe fondamental. Sinon, il n'y a plus de formation politique. »
M. Couillard reste convaincu que l'approche de son parti est la bonne.
Les libéraux « déconnectés » des valeurs québécoises, juge Drainville
Réagissant au départ du caucus libéral de la députée de La Pinière, le ministre responsable du projet de charte des valeurs, Bernard Drainville, a dit qu'il trouvait « dommage » cette décision. « Elle a essayé de faire évoluer le Parti libéral et le parti lui a dit non, on n'évoluera pas », a-t-il affirmé en point de presse à Québec.
Selon lui, le fait que le PLQ ne soit pas ouvert à une interdiction du port de signes religieux pour les postes d'autorité contraignante, comme l'aurait voulu la députée, montre que le parti est « déconnecté » de la réalité. « M. Couillard et le PLQ font la preuve qu'ils ne sont pas capables de défendre et affirmer les valeurs québécoises », a soutenu M. Drainville.
Le porte-parole de l'opposition officielle en matière de laïcité, Marc Tanguay, accuse le ministre Drainville de s'arroger « le monopole des valeurs québécoises » dans cette affaire. Selon lui, la position péquiste est difficilement défendable : « En bout de piste, les Québécois ne veulent pas que gens perdent leur emploi pour le port de signes religieux ».
La charte des valeurs, entre division et inclusion
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