Les Affaires, samedi, 24 mai 2008, p. 10
Il est reconnu que l'anglais est la langue des affaires à l'international. En plus d'être la langue des États-Unis, le pays le plus puissant, l'anglais est la langue seconde de presque tous les autres pays pour faire des affaires. L'anglais est aussi la langue utilisée pour les communications internes au sein des multinationales.
Cette réalité est une menace pour le français, qui est la langue officielle unique d'un seul pays, la France. En effet, tous les autres pays ayant le français pour langue officielle ont aussi au moins une autre langue officielle. C'est le cas du Canada, de la Belgique, où les Flamands parlent le néerlandais, et de la Suisse, où l'allemand et l'italien sont aussi parlés.
Résultat : le nombre de locuteurs français est en déclin. On les estime à 200 millions, auxquels s'ajoutent 72 millions de locuteurs partiels.
Des pays où le français avait pris racine adoptent de plus en plus l'anglais comme deuxième langue. C'est le cas du Viêt-Nam, une ancienne colonie française, où les jeunes ont adopté l'anglais par pragmatisme, et du Rwanda, où les élites ont remplacé le français par l'anglais.
Sur Internet, 5 % des pages sont affichées en français, comparativement à 45 % en anglais et 7 % en allemand.
L'avenir du français est un enjeu majeur pour l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), qui réunit 68 pays, dont la majorité sont toutefois beaucoup plus francophiles que francophones. Jusqu'à maintenant, l'OIF s'est surtout intéressée à la promotion et à la diffusion de la culture des États membres et à la coopération culturelle et technique.
Certes, l'OIF a beaucoup de réalisations à son actif, notamment en matière d'éducation (Agence universitaire de la Francophonie), d'industries culturelles (TV5), de démocratie et de gouvernance politique, d'énergie et d'environnement (Institut de l'énergie et de l'environnement), de sport (Jeux de la Francophonie), d'égalité homme-femme, de lutte à la pauvreté et de développement (microcrédit, accès aux marchés publics, etc.).
Malgré ces initiatives, qui tiennent surtout de la coopération, l'économie au sens large et le développement des affaires sont demeurés des domaines négligés par l'OIF et les pays membres. Il y a 20 ans, l'OIF a favorisé la création du Forum francophone des affaires (FFA), un organisme composé de gens d'affaires qui vise à favoriser le développement du commerce au sein des pays membres. Or, il s'avère que le FFA n'a pas livré les résultats attendus.
C'est dans ce contexte que s'est tenue la Rencontre internationale de la Francophonie économique (RIFE), qui a réuni quelque 250 représentants de 30 pays du 16 au 18 mai à Québec. À l'ordre du jour : Que fait-on pour rendre la Francophonie économique plus dynamique et plus utile pour les personnes et les entreprises des pays francophones ? La RIFE, qui a été un succès, était organisée par la Chambre de commerce du Québec métropolitain, la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, le Conseil canadien pour l'Afrique et la Chambre de commerce française du Canada, section Québec.
Il en est ressorti des recommandations (voir texte en page 6) qui seront faites aux chefs d'État et de gouvernement membres de l'OIF, qui se réuniront en octobre prochain à Québec. Il faut espérer que celles-ci seront reçues positivement, car elles permettraient vraiment de dynamiser la Francophonie économique.
Il ne fait aucun doute que de millions de gens d'affaires francophones s'affirment au sein de l'économie mondiale, mais ils rencontrent depuis quelques années une concurrence de plus en plus féroce de la Chine, de l'Inde et même du Brésil sur le continent africain, un marché qui leur était plus favorable jadis.
Si la culture et la langue ne sont pas souvent des facteurs déterminants dans la sélection des occasions d'affaires, elles peuvent parfois faire une différence. Par exemple, on peut penser que des PME françaises dont les dirigeants ne seraient pas familiers avec l'anglais auraient intérêt à utiliser le Québec comme base pour accéder au marché nord-américain.
De plus, si on veut que la Francophonie économique se développe, il faut qu'elle se donne plus d'avantages concurrentiels, notamment un climat d'affaires plus favorable aux entreprises. C'est ainsi que se créera la richesse que de nombreux pays sont pressés de redistribuer. Il y aura alors davantage d'emplois et de ressources pour atténuer la pauvreté.
Plusieurs des propositions acceptées à la RIFE sont issues de la créativité et du travail de délégués québécois. Elles fourniront aux gouvernements canadien et québécois une occasion de renforcer leur leadership au sein de l'OIF.
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