(Photo David Boily, La Presse)
La folie collective qui a gagné la foule montréalaise pour les séries fait réfléchir. Car ne nous y trompons point, il s’agit bien de folie ! Et cette folie n'est pas que le fait que de vandales ou de troubles fêtes mais aussi, avouons-le, de partisans devenus complètement fanatiques. Si l'on compare Montréal avec les autres villes canadiennes ou américaines, ces fanatiques montréalais seraient de 4 à 8 fois plus enthousiastes qu'ailleurs. Comment expliquer une différence aussi grande ?
Dans La psychologie des foules, Gustave Lebon avait abordé la question des foules violentes. Dans certaines circonstances, disait-il, le comportement d'une foule peut être fort surprenant et il l’a souvent été dans le passé. Que l’on pense, par exemple, à l’emportement violent de foules sous la férule de dictateurs. Dans le cas d’évènements sportifs d’envergure comme les séries éliminatoires la foule répond à des attentes inconscientes et se déchaîne de la même manière.
Il faut d'abord dire que le marketing démentiel qui sous-tend le hockey chez nous y est pour quelque chose. Et ici, il y a un mea culpa à faire de la part des promoteurs de spectacles de hockey. Devant un marché sportif féroce où l'amateur se voit sollicité de toutes parts, l'industrie du hockey d'ici a décidé de prendre tous les moyens, c'est-à-dire tous ceux que mettent à sa disposition les médias puissants, et n'a pas hésité à transformer le petit partisan d'hier en un fanatique exalté, pour s'assurer d'une part solide de ce marché fébrile.
C'est à croire que les Québécois existent comme peuple non pas tellement grâce à leur culture distincte mais bien plutôt par leur attachement exceptionnel à leur équipe de hockey. Et toute la presse sportive d'ici de s'en réjouir… Nous choisissons, pensons-nous, une équipe qui est notre équipe : c'est celle qui nous sortira du marasme journalier et qui nous fera vivre des moments exceptionnels. Nous formons corps avec elle. Par ces performances exceptionnelles, elle saura nous rendre enfin au-dessus de la mêlée, différents et supérieurs. Voilà un beau programme pour des Québécois qui ont en général peu d'estime de soi… Pourtant, diront certains avec raison, le club Le Canadien n'a de québécois que le nom, tout le reste appartenant au monde anglo-américain de la NHL. Cette équipe n'a aucun rapport avec ce que nous sommes avec notre langue et notre culture bien distinctes du reste de l'Amérique du Nord. Mais peu importe, semble-t-il : que nous nous identifiions à des joueurs québécois, canadiens, américains, russes ou finlandais, on s'en fout ! L'important pour un peuple comme nous à la recherche d'identité et de reconnaissance n'est-il pas d'avoir la meilleure équipe, de gagner la coupe et de se considérer supérieurs et être reconnu comme tels ?
C'est ici que l'élitisme sportif rejoint malheureusement les préceptes salvateurs de l'élitisme religieux. L'importance démesurée que la foule partisane donne à la victoire provient de l'idée religieuse de faire partie du peuple élu. Et de la même manière que l'élitisme religieux mène au fanatisme religieux, l'élitisme sportif mènera les partisans devenus fanatiques à une folle violence.
Une importance démesurée sera alors apportée au soutien de l'équipe pour l’épauler jusqu'à sa victoire ultime, moment privilégié où le délire total s'emparera d'une foule en état d'ivresse et cela, pour le meilleur et pour le pire…
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Pierre Desjardins
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