J’ai commencé à écrire sur Vigile en février 2010. À l’époque, ce qui m’avait poussé à intervenir, c’est l’intuition qu’il se passait des choses bizarres dans le monde et chez nous, notamment sur les plans économique et politique. C’est la tentative d’Hydro-Québec de prendre le contrôle d’Énergie NB qui m’avait mis la puce à l’oreille. Et c’est en cherchant ce qui pouvait bien se cacher en arrière de cette annonce que je m’étais mis à faire des rapprochements aussi intéressants que révélateurs. Mes observations m’amenèrent à conclure qu’était en train de s’ouvrir un nouveau créneau pour l’indépendance du Québec, sous l’impulsion d’une conjoncture internationale inédite.
C’est ainsi qu’en l’espace d’un peu plus d’un mois, j’avais pondu une série de textes qui décrivaient le nouveau contexte et la dynamique qui se déployait. Jugez-en par vous-même :
http://www.vigile.net/Attention-M-Charest-la-Reine-est
_ http://www.vigile.net/Les-Grandes-manoeuvres,25614
_ http://www.vigile.net/L-autre-grosse-arnaque
_ http://www.vigile.net/Tel-est-pris-qui-croyait-prendre
_ http://www.vigile.net/Les-malheurs-de-l-Ontario
_ http://www.vigile.net/Zero-sur-toute-la-ligne
_ http://www.vigile.net/L-autre-facon-de-proceder-en-toute
_ http://www.vigile.net/Vers-une-reprise-de-la-lutte-des
_ http://www.vigile.net/A-gauche-toute
_ http://www.vigile.net/La-France-dans-le-meme-bateau
_ http://www.vigile.net/Les-lucides-demasques
_ http://www.vigile.net/Power-Corp-Hydro-Quebec-et-les
Le dernier de ces textes contient des extraits vidéo d'une conférence d'un universitaire français qui brosse un portrait saisissant de l'emprise des oligarchies et de leur modus operandi.
Dans les mois qui allaient suivre, l’évidence d’une replongée en crise allait apparaître, tout comme les efforts désespérés des autorités à la solde des oligarchies pour tenter d’endiguer sinon ses flots, du moins la notion même de leur existence et leur sens, en muselant complètement l’information ou en tentant de donner aux événements une couleur autre que celle de la vérité, comme j’ai tenté de le mettre en relief dans les articles suivants :
http://www.vigile.net/Entre-son-opinion-et-celle-d-un
_ http://www.vigile.net/L-ete-de-tous-les-dangers
_ http://www.vigile.net/La-lucidite-ravalee
_ http://www.vigile.net/Obama-La-desillusion
_ http://www.vigile.net/Le-capitalisme-en-capilotade
_ http://www.vigile.net/La-chute-libre
_ http://www.vigile.net/La-deroute-de-l-Oncle-Sam
_ http://www.vigile.net/Le-revenu-des-New-Yorkais
_ http://www.vigile.net/Le-Quebec-dans-l-oeil-du-cyclone
_ http://www.vigile.net/Aux-Etats-Unis-ca-y-est-c-est-l
_ http://www.vigile.net/La-Grece-en-pleine-revolte
_ http://www.vigile.net/Salete-de-federalisme
_ http://www.vigile.net/Sur-le-fil-du-rasoir
_ http://www.vigile.net/Le-Great-American-Dream-de-Walter
_ http://www.vigile.net/Quand-le-capitalisme-desespere-de
_ http://www.vigile.net/Attachez-vos-tuques-ca-va-brasser
_ http://www.vigile.net/Tenir-les-populations-dans-l
Au cours de l’été, la crise s’est intensifiée au point qu’il n’y avait plus le moyen de la cacher, et de jour en jour, on a pu la voir apparaître dans toute sa fureur, comme je l’ai documenté dans le cadre de la revue de presse que je faisais presque quotidiennement pour Vigile dans le cadre de la chronique de Vigile sur un monde en pleine décomposition.
Chaque jour qui passe nous rapproche d’une issue que plusieurs, y compris parmi les plus modérés, n’hésitent plus à décrire dans des termes apocalyptiques. Ainsi aujourd’hui, Paul Farrell, du site MarketWatch du Wall Street Journal, ne met pas les gants blancs pour nous asséner ses prévisions : la Grèce va tomber en cessation de paiement incessamment, la peur va se propager que d’autres pays fassent de même, certaines grandes banques européennes vont s’effondrer, d’autres pays européens vont subir une décote des agences de notation de crédit, l’Italie et l’Espagne seront les prochains pays à tomber en cessation de paiements, le marché obligataire mondial va s’effondrer, et s’enclenchera alors à l’échelle mondiale un cercle vicieux de faillites bancaires, de faillites d’entreprises, de faillites personnelles et de dépressions.
Avant de le taxer précipitamment de Cassandre, prenez note que l’agence Moody’s vient tout juste d’annoncer qu’elle abaissait la cote des obligations de l’Espagne de Aa2 à A1, soit deux crans de moins. Et hier, on évoquait même cette possibilité pour la France, de même qu’il y a quelques jours.
Quant au scénario de Farrell, il est confirmé aujourd’hui par le Laboratoire européen d’anticipation politique (LEAP) dans son bulletin prévisionnel trimestriel. Et au moment où j’écris ces lignes tombe la nouvelle que S&P décote 24 banques et autres institutions financières italiennes.
Aux États-Unis, la situation se dégrade très rapidement aussi. Ces jours derniers paraissait un article qui faisait le bilan de l’effondrement du rêve américain, en employant la méthode de la référence à un article précis dans un journal pour chaque constat : « You Know That Your City Has Become A Hellhole When…. »
Le portrait général qui se dégage de ce texte est absolument dévastateur et suffit à détruire le mythe de l’Amérique à l’économie toute puissante. Songez-y : un distributeur de services publics vient récemment de saisir les lampadaires d’une municipalité du Michigan pour défaut de paiement de son compte d’électricité ; une autre municipalité vient d’annoncer qu’elle cessait d’entreprendre des poursuites dans les cas de violence conjugale pour cause de manque d’argent ; ne disposant pas de l’argent nécessaire pour repaver ses chemins, une autre municipalité les retourne « à la gravelle ». Le Wall Street Journal trouve le moyen d’ironiser et parle d’un « retour à l’âge de pierre ».
Et ces jours derniers, on apprenait que le comté de Pinellas en Floride allait cesser, à l’instigation du Tea Party, de fluoriser l’eau potable de ses 700 000 résidents pour une épargne annuelle de 205 000 $.
La transformation en cours est si radicale que sont en train d’apparaître des disparités qui auraient encore été impensables il y a encore quelques années. Ainsi, un commentateur chevronné écrit en conclusion d’un article où il évoque le déclin économique de l’Amérique : « Faut-il se surprendre que le niveau de vie des Américains ait tant chuté ces dernières années ? Qu’un nombre de plus en plus grand d’américains n’aient plus accès à des nécessités de base comme l’alimentation et les soins de santé ? Que 19 % des Américains n’aient pas l’argent dont ils ont besoin pour se nourrir, alors que ce n’est le cas que pour 6 % des Chinois ? » (ma traduction).
Pour les gens de ma génération qui se souviennent encore des quêtes que faisait régulièrement dans les écoles l’Oeuvre de la Sainte-Enfance « pour nourrir les petits Chinois » qui mourraient de faim, ce développement a quelque chose de proprement surréaliste !
Alors. Évidemment, tout cela aura des conséquences sociales dont on commence à mesurer l’ampleur, et la rapidité avec laquelle elles se répandent aux États-Unis et dans le monde nous donne une bonne indication de ce qui nous attend.
***
Mais les conséquences ne seront pas que sociales, elles seront également politiques et vont viser au premier chef les fédérations, comme les États-Unis, l’Europe, et le Canada, même si elles ne présentent pas toutes le même degré d’intégration.
Les crises de l’ordre de celles que nous traversons ont ceci de particulier qu’elles mettent en relief et exacerbent les tensions qui existent toujours à l’état latent dans une fédération, notamment en ce qui a trait à la redistribution des richesses. Tant et aussi longtemps que perdure la prospérité, la question de l’équité du partage ne se pose pas ou peu.
C’est ainsi qu’au Canada, l’Ontario a fait les frais de la péréquation pendant près de 35 ans, mais comme elle était largement avantagée par la présence du gouvernement fédéral sur son territoire, elle se gardait bien de se plaindre.
Depuis quinze ans, le gouvernement fédéral a entrepris une cure d’austérité qui lui a permis de rétablir sa situation financière, largement sur le dos des provinces. L’Ontario a été touchée de plein fouet par la réévaluation du dollar qui en est résulté et qui a fortement compromis la compétitivité des exportations canadiennes dont il était le principal producteur. La crise financière de 2008 a achevé le malade, et aujourd’hui l’Ontario est en voie de devenir la province la plus bénéficiaire de la péréquation au pays.
Ce n’est pas sans poser de sérieux problèmes que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer ces derniers mois, notamment dans un article intitulé "Gare au gorille". Encore ces jours derniers, le National Post se trouvait à relayer la mise en garde lancée par Kevin Page, le Directeur parlementaire du budget, au gouvernement fédéral et aux provinces relativement aux faiblesses de notre régime fiscal. En effet, non seulement le Canada est-il désormais vulnérable à l’évolution négative de la conjoncture économique, mais en plus se trouve-t-il insuffisamment préparé au vieillissement de la population et à ses conséquences sur les coûts que doivent supporter nos gouvernements.
Le message ne saurait être plus clair. Le gouvernement fédéral et les provinces vont devoir réduire leurs coûts de fonctionnement. Dans la mire du fédéral, la péréquation et les transferts sociaux, ce qui va occasionner d’énormes tensions. C’est tout notre niveau et notre mode de vie qui vont se trouver remis en question. Et si vous ajoutez à cela les problèmes d’environnement auxquels il va bien falloir, nécessité oblige, s’attaquer, vous allez vite comprendre que le monde dans lequel vont vivre nos enfants n’aura rien à voir avec celui que nous avons connu.
Ce sont ces mêmes tensions que l’on retrouve aux États-Unis et en Europe. Et ces tensions ont partout les mêmes effets, soit de remettre en question l’intégrité politique de la fédération concernée.
Même les États-Unis sont confrontés à la perspective de l’implosion. L’idée a été abordée de façon franche et directe dans la foulée de la crise de 2008. En effet, dans les mois qui ont suivi son ouverture, un spécialiste russe des questions géopolitiques et géostratégiques, Igor Panarine, avait carrément évoqué cette hypothèse en annonçant qu’elle se réaliserait en 2010 « As if Things Weren't Bad Enough, Russian Professor Predicts End of U.S. ».
Nous sommes en 2011, elle ne s’est pas encore réalisée, mais l’idée des États-Désunis est en train de faire son chemin. Combien d’entre vous savent qu’il existe un fort mouvement sécessionniste aux États-Unis, et que certains états comme la Californie, le Michigan, l’Arizona et le New Hampshire, pour ne nommer que ceux-là, ont déclaré leur souveraineté . Évidemment, vous ne lirez pas ça dans la grosse Presse (d’ailleurs de plus en plus mince) de l’Oncle Paul. Des fois que ça vous donnerait des idées…
Quant à l’Europe, les tiraillements dont nous sommes les témoins depuis l’éclatement de la crise grecque, et les difficultés qu’ont les Européens à s’entendre sur la façon de la régler, sont largement suffisants pour nous permettre de comprendre que la survie de l’euro et de l’Union européenne est loin d’être assurée, et j’invite ceux d’entre vous qui en douteraient encore à consulter l’abondante revue de presse dont je vous ai fait état plus haut de même que les articles que Vigile a sélectionnés sur ce thème au cours des derniers mois.
Alors oui, les mêmes causes produisant toujours les mêmes effets, le Canada est lui aussi menacé d’implosion dans un horizon de quelques années, et il se peut même que les Québécois se retrouvent devant le fait accompli sans même lever le petit doigt, ce qui ne serait pas la plus glorieuse façon de parvenir à l’indépendance, et ce que, pour ma part, je ne nous souhaite pas du tout. Cela augurerait très mal de l’avenir. Vous voyez ça, vous, un Québec indépendant sous la férule de la Presse, de l’Institut économique de Montréal et de l’Oncle Paul ? Brrr, j’en ai des frissons rien qu’à y penser…
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5 commentaires
Archives de Vigile Répondre
6 décembre 2011je suis retraité de la fonction publique, et je m'attends toujours d'une mois à l'autre à ce que des bruits de réduction de la pension de retraite commencent à bruisser dans les coulisses.
J'y pense particulièrement depuis que l'ostie de gros Rousseau(pardonnez-moi mon langage grossier)a perdu 40 milliards. C'est pas rien 40 milliards. Et si la sitation globalem ondiale se dégrade au point ou leprévoit Leap, personne ne me fera croire que ça ne finira pas par nous atteindre.
Cela dit que le Canada éclate, ça ne me fait pas sortir ma boite de papiers mouchoirs. Mais comme les USA sont en train de se liquéfier il est certain que cela aura des effets d'entraînement sur le Canada.
Je ne pense pas que par amour des pêcheurs de Terre-Neuve, las Chinois de la Colombie Britannique refusent de se joindre à la Californie.
La seule chose que je crains c'est que nous soyons pris en sandwich entre les maritimes et la grosse Ontario. À moins qu'elle ne trouve son compte dans une fusion avec le mid-ouest. C'est à peu près tout ce qui pourrait nous épargner le pire.
Parce que si le Canada éclate et que nous sommes «forcés» de recréer une nouvelle unité politique, je ne suis pas certain que nous pourrions éviter la casserole. Les anglais c'est comme le chiendent.
Archives de Vigile Répondre
19 octobre 2011Vous avez eu du flair monsieur Le Hir et également de l'honnêteté intellectuelle, ce qui est plus rare. Sûrement que parmi nos élites politiques, nos élites d'affaires et nos élites médiatiques, il y en a qui sentent qu'il se passe quelque chose d'inédit dans l'économie mondiale et que cette crise est insoluble.
Mais peu d'entre eux ont l'honnêteté de l'admettre préoccupés qu'ils sont tous à protéger leurs acquis, leur statut social et le contrôle qu'ils ont sur les autres...
Archives de Vigile Répondre
19 octobre 2011En complément à la suggestion d'André Vincent :
Livre également disponible gratuitement sur Internet ( disons en format pdf pour le rendre accessible aux liseuses de livres électroniques ) de façon à ce que, d'un clic, on puisse en consulter les références dont le copyright serait trop complexe à obtenir ( disons en gros les références autres que vigiliennes ? ).
La distribution "sur papier" d'un tel livre aurait pour avantage d'augmenter considérablement le lectorat d'une telle publication.
Archives de Vigile Répondre
19 octobre 2011Le succès de notre progression au Québec repose sur le soucis qu'avait nos élites du bien commun ainsi que les efforts soutenus des «habitants» à développer avec les moyens que nous avons, notre Québec.
Ces bases existent toujours mais ne sont plus valorisées. Les tensions que vous décrivez démontrent que ces «choses qu'on oublie quand tout va bien» reviennent en force pour inciter les gens à travailler ensemble.
Malgré l'absence du changement appréhendé de notre statut pour aujourd'hui, puis le propos que vous évoquez avec raison que le Québec sous la férule des oligarques locaux, à sa tête la famille Desmarais, pourrait nous nuire encore plus que la situation présente, nous sommes en bonne position pour apprendre de nos erreurs passées, en prendre acte, et agir avec intelligence dans un sens qui fera honneur à nos ancêtres.
Pourquoi?
Dans des moments comme ça, les gens apprennent plus vite et excluent sans remords de conscience les inutilités. Regardez le 2 mai passé, les Québécois ne voulaient plus de débats stériles entre deux camps qui utilisaient des moyens décrochés de la réalité pour faire avancer le Québec: ils ont tous débranchés.
Ainsi, malgré les divergences de positions quant aux moyens à employer pour arriver à nous rendre la vie plus facile et plus heureuse, le Québec est plus que jamais dans une bonne position pour influencer son avenir comme jamais auparavant!
Le travail qui reste à faire est de prendre conscience des efforts à faire non pas pour changer le monde comme nous l'entendons et l'imaginons par toutes sortes de discours inutiles auxquels le Québec ne prête plus attention, mais agir au-travers nos aspirations les plus profondes pour changer le monde comme nous le voulons, en incluant tous les Québécois au nom du bien commun de l'État-Nation du Québec.
Agir ainsi est par définition la souveraineté, mais pas de manière absolue parce que rien d'absolu existe et encore moins selon les connotations véhiculées sur le sujet depuis des lustres. Le statut d'indépendance tant voulu par les idéalistes apparaît dès lors de facto, et ce seulement en agissant en souverainiste, ou si vous aimez mieux, en hommes et femmes matures.
Bel avenir n'est-ce pas. Moi personnellement, jeune père, c'est cette existence que je veux et aucune autre.
Archives de Vigile Répondre
19 octobre 2011Ce serait bien si toutes ces observations étaient réunis dans un livre, en y rajoutant les liens nécessaires. On pourrait alors voir clairement le comment et le pourquoi de cette crise ainsi que les bouleversements politiques qu'elle risque d'engendrer. Les livres rapaillent les idées, les ordonnent et les encadrent.
Désolé de ne pas me mêler de mes affaires...
André Vincent