Commençons par oser une prédiction: tôt ou tard, le projet controversé de pipeline Énergie Est de TransCanada sera chose faite. D’ici là, le reste n’est que palabres, marketing politique et jeux de coulisses.
Le projet se fera parce que l’Alberta étouffe économiquement. Les raffineries de l’Est canadien en ont aussi grand besoin. D’autres projets d’oléoducs étant mort-nés, dont Keystone XL et Northern Gateway, Énergie Est prend des airs de bouée de sauvetage.
Énergie Est, il faut le dire, frôle les 16 milliards de dollars et transporterait plus d’un million de barils de pétrole albertain par jour jusqu’au Nouveau-Brunswick. Le projet est pharaonique.
Par conséquent, Justin Trudeau dira oui. En fait, il le disait dès 2014 dans l’opposition. Face aux dissensions féroces au sein du pays, il s’achète aujourd’hui du temps.
Sa stratégie est avant tout de préparer l’opinion publique. Il dit vouloir créer un «terrain d’entente» entre les «diverses perspectives qui s’expriment». Hier, à Vancouver, il insistait à nouveau sur l’importance d’«acheminer nos ressources aux marchés».
Philippe Couillard dira oui
Pour cette raison, Philippe Couillard dira oui. Après deux ans d’inaction béate, la demande d’injonction présentée hier par son ministre de l’Environnement pour «obliger» TransCanada à se conformer aux lois environnementales québécoises, c’est aussi du marketing.
Poussé surtout par un recours judiciaire lancé le 18 février par des groupes écologistes contre la compagnie, le ministre cherche lui aussi à calmer l’opinion publique.
Même la très critique Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) finira par dire oui. Parlant de TransCanada, Robert Coutu, maire de Montréal-Est, en disait ceci au Devoir: «On avait une stratégie, soit de dire “oui mais” ou “non”, mais refaites vos devoirs.»
Bref, le message répété par la CMM, Philippe Couillard et Justin Trudeau est rigoureusement le même.
Message décodé
Décodé, ça donne ceci: cher TransCanada, aidez-nous à «vendre» votre projet à nos électeurs inquiets en le vendant mieux vous-mêmes. Aidez-nous à livrer la sacro-sainte «acceptabilité sociale». Donnez-nous des retombées économiques bonifiées et le respect apparent de nos lois – nous ferons le reste.
Au Québec, TransCanada jure encore que son projet est de juridiction fédérale, mais change en même temps son plan de match. En entrevue au Journal, le «nouvel homme fort» de la firme albertaine, Louis Bergeron, annonce la création d’une «équipe de gestion québécoise».
«À cinq ans du démarrage» du projet, lance-t-il, il faut y donner un visage québécois. [...] Nous voulons travailler dans le sens de l’acceptabilité sociale.»
Traduction: TransCanada s’apprête à modifier sa stratégie de communication de manière à répondre, du moins en partie, à la commande publique des dirigeants politiques.
Ces mêmes dirigeants qui, contrairement aux patrons de TransCanada, auront besoin des citoyens pour leur réélection. D’où cette étrange et complexe valse politique à laquelle nous assistons.
Et d’où tous ces palabres qui déboucheront bien un jour sur l’inauguration d’Énergie Est.
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