L'opinion publique du Québec profond ne laisse plus rien passer.
Ni les propos condescendants de Gérard Bouchard. Ni les jugements de la Cour d'appel sur l'accession des enfants d'immigrants à l'école anglaise. C'est d'ailleurs ce qui explique, à mon avis, la remontée du Parti québécois dans les sondages, bien plus qu'un coup d'éclat de Pauline Marois ou d'une autre gaffe de Jean Charest.
Dans ces circonstances, le Commissaire aux langues officielles aurait dû y penser à deux fois avant de présenter une demande «déraisonnable» aux organisateurs des célébrations du 400e anniversaire de Québec. «Nous espérons que l'anniversaire du 400e anniversaire de Québec sera un événement inclusif, écrit Graham Fraser... Nous souhaitons que les festivités soulignent la contribution particulière de la communauté anglophone à la société québécoise.»
On se demande où le Commissaire a bien pu aller chercher pareille idée! Peut-on fêter l'Amérique française sans être obligé de lui adjoindre une béquille anglaise pour faire plus Canadien? Peut-on admettre, sans l'occulter, cette réalité que le Canada fut d'abord français avant d'être bilingue ? Suffit-il de verser 110 millions $ - le montant de la contribution fédérale aux fêtes du 400e - pour imposer le bilinguisme et, pendant qu'on y est, le multiculturalisme peut-être?
Langue fondatrice
Graham Fraser et tous les ministères fédéraux qui s'apprêtent à venir poser leurs exigences de bilinguisme aux organisateurs des fêtes de Québec devraient retourner aux discours du premier ministre, Stephen Harper. «Le Canada, est venu au monde en français», disait-il le 15 août dernier à Caraquet, au Nouveau-Brunswick. «La langue française est la langue fondatrice du Canada» disait aussi le premier ministre en invitant les pays de la Francophonie à venir célébrer Québec en 2008... «Car la fondation de Québec marque aussi la fondation de l'état canadien.»
On peut difficilement être plus clair.
Il y a toutes les raisons d'associer les communautés autochtones, la nation Huronne-Wendat en particulier, à ces célébrations. De même que les Acadiens et, pourquoi pas, toutes les communautés francophones de l'extérieur du Québec puisqu'elles furent d'abord créées par des aventuriers originaires du Québec.
Tolérer le français
Un peu d'histoire ne ferait pas de mal aux Canadiens anglais et aux Canadiens d'origine ethnique qui, au mieux, tolèrent le français chez les autres et sur leurs boîtes de céréales tant qu'on ne le leur impose pas. Et au pire qui veulent le faire disparaître en le privant de l'apport des communautés culturelles. Car le calcul des leaders d'Alliance Québec, en militant pour l'anglicisation des immigrants, est bien de marginaliser le Québec français jusqu'à ce qu'il devienne insignifiant.
La décision de la Cour d'appel de permettre à des enfants d'immigrants de contourner la Charte de la langue française en fréquentant, à leurs frais, une école anglaise pour ensuite recevoir, à nos frais, toute leur éducation en anglais, fut particulièrement choquante. Quand j'ai vu un gars aussi calme que Pierre Curzi serrer les mâchoires et dire à la télévision «je réagis mal», j'ai senti la rage. La peine contenue aussi. «C'est le coeur de nos valeurs, c'est le début de notre histoire, puis ça c'est notre consensus, disons le plus ferme», a ajouté le député du Parti québécois.
Curzi et d'autres, fédéralistes autant que souverainistes, semblaient dire: «Mais qu'est-ce qu'on leur a donc fait pour qu'ils nous méprisent à ce point?» Au fait, qu'y a-t-il de mal à parler français? Cette semaine, le juge André Rochon a accordé un sursis à la majorité française jusqu'à ce que la Cour suprême du Canada tranche définitivement la question. Mais ce n'est encore qu'un sursis. Un autre...
Tout cela s'est passé dans la deuxième moitié du mois d'août, période pendant laquelle CROP a effectué son sondage politique sur les intentions de vote. Les Québécois avaient leur sensibilité à fleur de peau et il ne faut pas chercher ailleurs les raisons du soudain rebondissement du Parti québécois. Quand ils se sentent menacés dans leur identité, les Québécois ont tendance à faire confiance au Parti québécois (33%), et à son chef (Pauline Marois, 37%).
Et de provocation en provocation, le reste du Canada va devoir réaliser que la braise couve encore sous les centres du mouvement souverainiste. Selon le même sondage de CROP, les intentions de vote sur la souveraineté affichaient 39% en faveur du Oui (au lieu de 32% en juin), et 61% en faveur du Non (au lieu de 68). Il faut vraiment peu de chose pour réduire la marge entre le Oui et le Non à la souveraineté.
Et passé un certain stade d'indignation, ni un Stéphane Dion et sa Loi sur la clarté référendaire, ni un arrêt de la Cour suprême du Canada ne pourront arrêter les Québécois. Les Brent Tyler de ce monde feraient bien d'y penser...
Société québécoise
L'identité... à fleur de peau
Car le calcul des leaders d'Alliance Québec, en militant pour l'anglicisation des immigrants, est bien de marginaliser le Québec français jusqu'à ce qu'il devienne insignifiant
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