Les juristes avaient pourtant bien averti le gouvernement Bouchard du danger de jouer les apprentis sorciers: [la Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec->archives/ds-souv/index-99.html] risquait fort d'être démolie par les tribunaux.
Qu'à cela ne tienne, [la seule évocation de Stéphane Dion mettait M. Bouchard hors de lui. Il était bien décidé à répliquer à la Loi sur la clarté par la bouche de ses canons->archives/ds-federation/index/tremblant.html]. Le droit sacré des Québécois de choisir librement leur avenir politique devait être proclamé urbi et orbi.
Dans un geste exceptionnel, le premier ministre avait même réquisitionné les ondes pour expliquer à la population le sens de son initiative. De toute manière, au point où il en était, prendre une baffe de plus...
Pendant un an, l'Assemblée nationale a été le théâtre d'un pitoyable marchandage entre libéraux et péquistes, sous l'oeil goguenard de Mario Dumont. L'affaire s'est finalement conclue le 7 décembre 2000 par l'adoption dans la division (69 voix contre 41) de ce qui était censé être un acte d'affirmation historique. [Un mois plus tard, M. Bouchard annonçait qu'il quittait la politique.->archives/ds-souv/index-bouchard.html]
La Cour d'appel du Québec vient de renverser un jugement rendu par la Cour supérieure en 2002 et a déclaré recevable la contestation de la loi 99 à l'initiative de l'ancien chef du Parti Égalité, Keith représenté par l'incontournable Brent Tyler, [qui mène également la bataille contre la loi 104 sur l'accès à l'école anglaise devant la Cour suprême->rub542].
La ténacité de Me Tyler n'a plus à être démontrée et on peut penser qu'un jour ou l'autre, la question du droit du Québec à l'autodétermination se retrouvera elle aussi devant la Cour suprême.
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L'histoire semble vouloir se répéter. [Dans son avis d'août 1998, la Cour suprême a déjà statué->archives/ds-federation/index-20.html] que «ni la population du Québec, même si elle était qualifiée de "peuple" ou ses institutions représentatives, l'Assemblée nationale, la législature ou le gouvernement du Québec ne possèdent, en vertu du droit international, le droit de faire sécession unilatéralement du Canada». Dix ans plus tard, pourquoi changerait-elle d'idée?
M. Henderson souhaiterait que le gouvernement Charest abroge purement et simplement la loi 99. Même si les députés libéraux avaient voté contre la loi 99, on imagine mal un gouvernement qui tente par tous les moyens de retrouver la faveur des francophones s'écraser de la sorte alors que des élections peuvent survenir à tout moment.
Sous réserve d'un spectaculaire renversement de l'opinion publique, au cours des prochains mois, il y a cependant de fortes chances qu'un autre parti soit au pouvoir quand la cause se retrouvera devant la Cour suprême. C'est à ce moment-là que les choses pourraient se corser.
Le leader parlementaire de l'ADQ, Sébastien Proulx, estime qu'il vaudrait mieux «éviter l'activisme judiciaire». Est-ce à dire qu'un gouvernement adéquiste préférerait renoncer à élaborer une constitution québécoise pour ne pas risquer une confrontation avec la Cour suprême? À moins qu'il ne se contente d'une constitution qui ne dirait rien du droit des Québécois à décider librement de leur avenir politique? Pour un parti qui propose de faire du Québec un «État autonome», cela serait plutôt gênant.
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Un gouvernement péquiste ne demanderait sans doute pas mieux que de voir éclater une nouvelle crise constitutionnelle susceptible de raviver la flamme souverainiste, mais cela pourrait avoir un effet boomerang.
Les souverainistes devraient savoir d'expérience qu'il est imprudent de miser sur l'indignation des Québécois. En annonçant son départ de la politique, Lucien Bouchard avait déploré qu'ils soient demeurés «étonnamment impassibles» devant les offensives fédérales. Pendant cinq ans, M. Bouchard avait pourtant déchiré ses chemises les unes après les autres.
Depuis le rejet de l'accord du lac Meech, qui a presque permis au oui de l'emporter en 1995, plusieurs semblent tenir pour acquis que le seul moyen d'amener les Québécois à faire le pas décisif est de provoquer une nouvelle rebuffade.
Dans sa récente biographie de Pierre Bourgault, Jean-François Nadeau cite un passage d'un de ses premiers discours, livré en 1961. Le futur président du RIN déconseillait déjà cette stratégie aux souverainistes.
«Ce n'est pas par la faute des Anglais que nous sommes séparatistes. Nous le sommes par notre propre volonté et par notre sentiment de dignité. Nous avons entendu plusieurs d'entre vous déclarer dernièrement que le séparatisme prendrait de la force ou disparaîtrait complètement selon l'attitude plus ou moins intelligente, plus ou moins raisonnable de nos compatriotes de langue anglaise. Non, mille fois non. Sachez donc une fois pour toutes que l'attitude du Canada anglais, hostile ou aimable, indifférente ou généreuse, ne changera absolument rien à notre volonté d'être maîtres chez nous.»
mdavid@ledevoir.com
Les apprentis sorciers
(...) on peut penser qu'un jour ou l'autre, la question du droit du Québec à l'autodétermination se retrouvera elle aussi devant la Cour suprême.
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