Le texte d'Henri Laberge, président du Mouvement laïque québécois, que vous
pourrez lire plus bas, est une réplique à l'éditorial d'André Pratte publié
dans La Presse du 16 septembre, "[La ville sans clochers->8972]". La Presse a refusé
de publier cette réplique.
____
Dans son éditorial du 16 septembre, André Pratte dénonce ce qu’il appelle
une « laïcité absolue » mais qui n’est plus laïque du tout puisqu’elle
correspond à l’athéisme d’État.
Le titre de son éditorial, « La ville sans clocher », va bien dans le sens
de ses insinuations selon lesquelles « plusieurs Québécois » (combien
sont-ils et qui sont-ils ?) rêvent d’une société où les croyances
religieuses seraient confinées au secret le plus total. Nous ne connaissons
personne qui préconise la fausse laïcité décrite par André Pratte et
noircie à dessein pour mieux la condamner et mal faire paraître le projet
laïque lui-même.
Non seulement la laïcité ne s’oppose pas à la liberté religieuse, elle la
défend et elle la promeut. La liberté de croire ou de ne pas croire, la
liberté de révéler ou de ne pas révéler ses convictions intimes ainsi que
le droit à l’égalité devant la loi sans égard à ce que chacun croit ou
refuse de croire sont les fondements mêmes du projet de société laïque.
La « laïcité absolue », si une telle chose pouvait exister dans un monde
où tout est relatif, irait dans le sens de la liberté absolue et non dans
le sens de l’athéisme officiel. Comme la liberté de chacun est limitée par
les droits et libertés des autres, la laïcité rigoureuse (et non absolue)
va dans le sens de la plus grande liberté possible en conformité avec les
exigences de l’ordre public, de la démocratie et de la primauté du droit.
Droits et libertés
Dans son éditorial, André Pratte emploie l’expression « droit à la liberté
de religion », tirée la Déclaration universelle des droits de l’homme, pour
dire que la religion est bel et bien un droit fondamental. Manifestement,
il visait la distinction que nous avons déjà soulignée entre droit et
liberté et sur laquelle nous devons revenir.
La distinction entre les deux termes est connue dans les milieux
juridiques et ces notions font l’objet d’articles distincts dans les
chartes canadienne et québécoise. Elle ne signifie pas que les libertés
sont moins protégées ou moins fondamentales que les droits.
Dans le Code civil, un droit est un avantage que quelqu’un d’autre a
l’obligation de fournir au titulaire de ce droit. Ainsi, lorsqu’un employé
a droit à un salaire, c’est que son employeur a l’obligation de le lui
verser.
Une liberté, par ailleurs, est une absence d’interdiction ou de contrainte
déraisonnable. Une liberté protégée par une charte suppose qu’il est
interdit de l’abolir, mais les contraintes inhérentes à l’exercice de cette
liberté sont à la charge de son titulaire. L’objet de la liberté n’a pas
non plus à être fourni par un autre. La liberté d’opinion signifie que
chacun peut avoir l’opinion qui lui convient, s’associer à des personnes de
même opinion et tenter de convaincre. Elle n’implique pas qu’une personne
sans opinion puisse revendiquer qu’on lui fournisse l’opinion qu’elle n’a
pas.
Ainsi en est-il de la liberté religieuse qui n’implique nullement
l’obligation pour l’État et les institutions publiques de procurer à tout
adepte d’une religion les instruments de sa pratique religieuse. En cas de
conflit entre les normes publiques démocratiquement établies et les
prescriptions religieuses, il n’y a pas lieu, au nom d’une liberté
religieuse mal comprise, de faire prévaloir les obligations religieuses sur
les normes civiles.
Que dit la Déclaration universelle ? Elle garantit le « le droit à la
liberté de religion », ce qui veut dire que les citoyens ont droit à ce que
la loi de leur pays protège la liberté religieuse ; elle n’accorde pas un «
droit à la religion », ce qui impliquerait que les États devraient fournir
les moyens d’exercice de chaque religion. Dire cela, ce n’est pas
dévaloriser la liberté de religion qui reste une liberté fondamentale.
Une autre distinction qu’André Pratte ne fait pas est celle entre « lieux
publics » et « espace public ». L’espace public désigne habituellement les
institutions publiques telles les écoles et les tribunaux. Ce que protège
la Déclaration universelle, c’est la liberté de manifester sa religion « en
public ». Les lieux de culte ouverts au public, notamment, répondent à
cette exigence et le Mouvement laïque québécois ne s’est jamais opposé de
quelque façon que ce soit à la liberté d’exprimer ses convictions
religieuses en public ou même sur la place publique. Par contre, rien dans
la Déclaration n’oblige les institutions publiques à accorder des
dérogations à des normes démocratiques sur la base de la religion de
chacun.
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
Réplique à André Pratte
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé