Le premier ministre Stephen Harper passera l'essentiel des prochains jours à défendre l'engagement de troupes canadiennes en Afghanistan. À son ordre du jour, la période des questions aux Communes, une visite aux Nations Unies, où il fera un important discours, et une rencontre avec le président afghan Hamid Karzaï. Hautement impopulaire, cette mission qui le tient sur la défensive constitue la principale épine à son pied.
Le défi du premier ministre est facile à cerner: à peine un peu plus d'un Canadien sur trois appuie la présence canadienne en Afghanistan, alors que près de deux sur trois soit y sont opposés (49 %), soit ne savent pas quoi en penser (12 %), selon un sondage Ekos dont faisaient état hier The Toronto Star et La Presse. Renverser cette tendance sera d'autant plus difficile que les arguments qu'avance Stephen Harper sont souvent piégés.
Pour défendre cette cause, le premier ministre est, il faut le souligner tant cela est remarquable, presque seul. Certes, il en fait une affaire personnelle, mais il aurait besoin d'être appuyé. Or ce soutien, il ne le trouve ni au sein du gouvernement, en raison de la faiblesse de l'équipe ministérielle, ni à l'extérieur, où on craint pour des raisons partisanes ou idéologiques de lui être associé. L'une des rares voix à s'être fait entendre jusqu'ici est celle de la gouverneur générale, Michaëlle Jean, qui ces derniers jours a fait part de ses sentiments, mais dont ce n'est tout de même pas le rôle de faire campagne aux côtés du premier ministre.
La défense que fait le premier ministre de cette cause est rendue encore plus difficile par le fait que les raisons de la présence canadienne dans ce pays ne sont toujours pas claires aux yeux de la population canadienne. Pourquoi, à la place de l'Afghanistan, n'enverrait-on pas des soldats en mission de paix au Darfour ou encore au Sud-Liban, où leur présence serait plus naturelle pour le Canada et surtout plus urgente en raison des problèmes auxquels ces pays font face? Dans l'esprit de la majorité des Canadiens, la réponse s'impose d'elle-même. Au surplus, ils estiment que, en prolongeant jusqu'en 2009 la mission en Afghanistan, Stephen Harper s'est tout simplement accroché aux basques du président George W. Bush. Il a procédé à un détournement en douce de la politique étrangère canadienne pour s'aligner sur les États-Unis.
Le message conservateur est d'autant plus difficile à faire passer que cette mission est beaucoup plus risquée que prévu. La résistance des talibans est comme une hydre qui resurgit chaque fois qu'on croit l'avoir éliminée. Hier, un nouvel attentat suicide a coûté la vie à quatre autres soldats canadiens. Mais lorsque le premier ministre demande à ses alliés d'envoyer des renforts, il semble ne pouvoir compter sur eux. Le sentiment des Canadiens d'être aspirés contre leur volonté dans une guerre dont on ne connaît pas l'issue ne peut que se renforcer, surtout lorsqu'un rapport du Congrès américain vient leur dire qu'il faudra au moins cinq ans avant de pacifier l'Afghanistan.
Les motifs justifiant la présence canadienne en Afghanistan ne sont pas tous mauvais. Il y a un enjeu réel de lutte au terrorisme. Les talibans ne menaçant pas directement le Canada, cela rend par contre la chose difficile à expliquer. Plus le nombre de soldats tués augmentera, plus il sera difficile de convaincre les Canadiens que l'effort de leur pays est juste. Cela le sera encore plus si Stephen Harper n'arrive pas à persuader ses alliés de l'OTAN de s'engager aussi activement que le Canada. Autrement, on ne saurait trop comprendre que l'Afghanistan constitue ici une cause qui mérite d'être défendue et qu'elle ne l'est pas ailleurs.
bdescoteaux@ledevoir.ca
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