Des questions légitimes

Le Canada en Afghanistan


Dans son éditorial d'hier, André Pratte reproche au Bloc québécois de vouloir tenir un débat d'urgence sur l'Afghanistan. Une telle requête, selon M. Pratte, serait « décevante » et « irresponsable ». S'il est vrai que nous avons demandé un débat d'urgence, c'était dans le cadre plus général de la politique étrangère du Canada.
En effet, nous croyons que Stephen Harper détaillera, lors de son discours du 21 septembre prochain devant l'ONU, la position que prendra le Canada sur la scène internationale. Dans une lettre envoyée le 30 août au président de la Chambre des communes, nous estimions essentiel qu'il y ait un débat afin que les parlementaires canadiens, avant la communauté internationale, soient informés si des changements sont apportés à la politique étrangère du Canada. Rappelons-nous que Stephen Harper reprochait lui-même au premier ministre de l'époque de faire des annonces importantes en dehors de la Chambre des communes. Aujourd'hui, il adopte la même attitude en annonçant cet été plus de 17 milliards $ en achats militaires après la fermeture de la Chambre et en s'apprêtant à faire un énoncé de politique aux Nations unies.
Dans leur plate-forme électorale, les conservateurs s'engageaient à « donner au Parlement la responsabilité de superviser l'application de la politique étrangère du Canada et la participation des Forces armées canadiennes aux opérations à l'étranger ». Accorder à des élus un droit de regard sur d'aussi importantes questions est essentiel. Ce droit implique évidemment celui de poser des questions sur l'ensemble de la politique étrangère, incluant la situation en Afghanistan bien sûr. Et celles-ci ne sont pas ridicules, elles reprennent d'ailleurs les questions posées le 15 novembre dernier par l'actuel ministre de la Défense, Gordon O'Connor, alors qu'il était député de l'Opposition officielle et qu'il participait au Parlement à un débat exploratoire sur la nature de la tâche assignée aux Forces canadiennes en Afghanistan. Il demandait quand et comment leur mission serait accomplie et la façon de fournir le meilleur équipement et le meilleur soutien logistique possible. Gordon O'Connor exigeait du gouvernement qu'il tienne compte d'un certain nombre de facteurs avant d'engager des troupes et il mettait en doute la capacité du Canada à remplir une douzaine de conditions qu'il jugeait primordiales à la réussite de la mission.
Moyen terme
D'autre part, il est faux d'affirmer qu'il n'y a pas de moyen terme entre la mission des derniers mois en un retrait pur et simple. Il y a, au contraire, de nombreuses façons d'aborder de telles situations. Si une approche ne fonctionne pas, il est nécessaire d'en envisager une autre plus prometteuse sans forcément prôner un retrait. La situation s'est détériorée dans le sud de l'Afghanistan. Les événements de cet été nous inquiètent, la violence, loin de reculer, semble au contraire gagner en importance. De plus, de nombreux acteurs sur le terrain critiquent certaines méthodes employées dans le sud de l'Afghanistan. C'est pourquoi nous croyons qu'il est légitime et responsable de poser des questions. Au contraire, il serait irresponsable de soutenir aveuglément une opération d'une telle envergure. Encore le 1er septembre dernier, le ministre de la Défense, Gordon O'Connor, a laissé entendre que des militaires canadiens pourraient prochainement traverser du côté pakistanais de la frontière afghane afin de poursuivre leurs opérations. Il y a de quoi s'interroger. Un gouvernement peut-il se permettre d'improviser aussi aisément?
Les Québécois et les Canadiens ne peuvent appuyer la démarche du gouvernement Harper si on les laisse dans l'ignorance, s'ils ne comprennent pas les tenants et les aboutissants de cette opération et des autres interventions militaires ailleurs dans le monde. Ils veulent de la transparence. Autant la proposition du NPD d'un retrait unilatéral est irresponsable, autant un chèque en blanc au gouvernement conservateur l'est aussi. Un gouvernement doit rendre des comptes aux citoyens et quand il manque à ce devoir, c'est à l'opposition de le forcer à le faire.
Gilles Duceppe
_ L'auteur est chef du Bloc québécois.


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