<i>Money talks</i>

Budget Flaherty



Stephen Harper a donné une autre preuve que le régime fédéral peut fonctionner lorsque le gouvernement à Ottawa est autre que... libéral. Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, est même forcé d'appuyer le budget conservateur, à sept jours des élections au Québec, au risque qu'il entraîne un recul de l'option souverainiste.
M. Duceppe a ainsi été celui qui a sauvé temporairement le gouvernement Harper, mais il était coincé. Il a agi de façon très responsable et pragmatique. Le Bloc ne devait pas précipiter le Canada inutilement dans une troisième campagne électorale en trois ans, alors que le budget Flaherty contient une révision historique des transferts fédéraux vers les provinces, dans le sens des représentations de celles-ci. Le Québec obtiendra 2,3 milliards de dollars de plus d'Ottawa en 2007-2008, dont 1,6 milliard en péréquation seulement. Tous les autres transferts sont aussi augmentés substantiellement, et chaque province, y compris l'Ontario et l'Alberta, y trouveront leur compte.
Un tel budget était de toute façon une police d'assurance pour Stephen Harper de former un gouvernement majoritaire, si les partis d'opposition avaient osé le renverser. Stéphane Dion a pour sa part annoncé avant même la fin du discours du ministre qu'il voterait contre le budget, mais le chef libéral, qui n'a même jamais reconnu l'existence d'un déséquilibre fiscal et qui a toujours voulu préserver le pouvoir fédéral de dépenser tous azimuts, sera isolé aujourd'hui au Québec dans son négativisme.
Les chefs des trois principaux partis politiques sur la scène québécoise, MM. Charest, Boisclair et Dumont, réclament pour leur formation une part du crédit pour cette avancée. Tous ont raison, à des degrés variables. Les trois partis ont poussé dans le même sens au cours des dernières années. Jean Charest a vite fait hier de s'en approprier tout le mérite. C'est une manoeuvre quelque peu parasitaire, à quelques jours des élections. Celui qui mérite plus que tous d'être applaudi aujourd'hui c'est Stephen Harper, qui a tenu un autre de ses engagements et non Jean Charest.
Le chef du Parti québécois, André Boisclair, est évidemment le grand perdant à court terme. Les hausses de transferts ne peuvent que désamorcer l'intérêt pour la souveraineté. M. Boisclair a toutefois raison de déplorer que le budget Flaherty ne contienne pas une solution permanente au partage de l'assiette fiscale entre les ordres de gouvernement. Le Parti québécois réclamait qu'Ottawa se déleste de points d'impôt que les provinces pourraient récupérer ou qu'Ottawa leur laisse un pan de sa taxation (la TPS, par exemple). M. Harper a plutôt opté pour des transferts en argent sonnant. Les premiers ministres des provinces se retrouveront tôt ou tard dans une position de quémandeurs, et Ottawa conserve entier son pouvoir sur les administrations inférieures. Ce sont toutefois des divergences de vues et de philosophies politiques qui laissent le citoyen moyen plutôt indifférent. Ce dernier veut simplement de bons services pour des impôts moins élevés, peu importe où il adresse le chèque.
Les souverainistes ne peuvent prétendre non plus qu'Ottawa ne fait que nous rendre enfin notre dû. Le Québec recevait déjà 5,3 milliards en péréquation (2007-2008). Il touchera 1,6 milliard de plus. La péréquation est une formule de partage de la richesse entre les provinces les mieux nanties et les provinces pauvres. Le total des transferts fédéraux passe de 10,9 milliards à plus de 13 milliards pour le présent exercice financier.
D'autres transferts importants sont aussi prévus pour les infrastructures (205 millions) et pour l'environnement (177 millions). Le budget d'hier aura ainsi des retombées intéressantes pour les municipalités, et ce, sur deux plans. Un soutien direct accru pourra leur être apporté pour les importants travaux à effectuer sur les réseaux d'infrastructures sous leur responsabilité. Le gouvernement du Québec ne pourra plus, par ailleurs, reporter décemment un règlement de son propre déséquilibre fiscal avec les municipalités.
Plus que jamais, hier, l'argent d'Ottawa a parlé.


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