Il y avait quelque chose d'un peu gênant dans la façon paternaliste dont Michael Fortier avait rassuré le premier ministre Charest sur le contenu du budget Flaherty, dimanche, lors du défilé de la Saint-Patrick. Ne t'en fais pas, mon petit gars, mon'oncle Stephen s'occupe de tout!
Dans la situation précaire où se trouve le PLQ, à une semaine du 26 mars, M. Charest n'avait pas d'autre choix que d'accepter avec reconnaissance tout ce que le budget fédéral daignerait lui apporter, même si la contribution fédérale au financement de l'éducation postsecondaire l'a manifestement déçu.
Heureusement, il y en a suffisamment au total pour lui éviter d'avoir à pavoiser pour des peanuts. Le débat n'est certainement pas clos, mais les 905 millions d'«argent neuf» annoncés par M. Flaherty pour l'année 2007-2008 amélioreront la situation financière du Québec de façon significative.
Sur le fond, le problème du déséquilibre fiscal demeure pourtant entier. M. Charest avait déjà renoncé depuis un bon moment aux points d'impôt qu'il réclamait si ardemment jusqu'à ce que Stephen Harper devienne premier ministre. De toute manière, une simple augmentation des transferts fédéraux, que ce soit par la péréquation ou autrement, correspond sans doute mieux à son désir de renforcer l'intégration politique du Québec à l'ensemble canadien.
Il soutient que le Conseil de la fédération a «dynamisé le fédéralisme canadien», mais son rapport de l'été dernier a plutôt sonné le glas du transfert de points d'impôt dont le Québec pourrait utiliser les revenus à sa guise. Toute la question de la limitation du «pouvoir de dépenser» du gouvernement fédéral demeure également ouverte.
Mario Dumont, lui, avait commencé à applaudir M. Harper dès la semaine dernière, sans se soucier davantage que le premier ministre de savoir combien le Québec recevrait. Mais en quoi l'autonomie réclamée par l'ADQ trouve-t-elle son compte dans le budget Flaherty?
La commission Séguin avait parfaitement démontré que l'autonomie financière des provinces passait non seulement par une amélioration de la péréquation, mais surtout par un nouveau partage irréversible de l'assiette fiscale. Elle proposait de leur céder la totalité du champ fiscal de la TPS. La contribution au débat de l'ADQ a été pour le moins limitée. Une déclaration de revenus unique simplifierait sans doute la vie des contribuables, mais elle ne donnerait pas un sou au Québec.
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Personne ne s'attendait à ce que le Québec reçoive les 3,9 milliards réclamés par le PQ et le Bloc québécois. En revanche, André Boisclair avait tout à fait raison de dire que le mérite d'avoir lancé le débat sur le déséquilibre fiscal revient à un gouvernement péquiste.
Quand Bernard Landry avait annoncé la création d'une commission présidée par un ancien ministre libéral, Yves Séguin, M. Charest avait déclaré de façon particulièrement mesquine que cela ferait au moins un chômeur de moins.
Dans un paysage politique canadien qui semblait figé à jamais, l'idée de cette commission était loin d'être mauvaise. À défaut de pouvoir susciter un nouvel échec constitutionnel comparable à celui de l'accord du lac Meech, une fin de non-recevoir opposée à des revendications d'ordre financier qui faisaient consensus au Québec pourrait apporter de l'eau au moulin souverainiste.
À l'époque, personne ne semblait imaginer la chute de l'empire fédéral à Ottawa. M. Landry répétait presque quotidiennement que le déséquilibre coûtait 50 millions par semaine au Québec. Seule la souveraineté lui assurerait les ressources pour répondre à ses besoins.
Maintenant que M. Harper est disposé à régler le problème, André Boisclair en est réduit à renverser la proposition. À l'entendre, c'est plutôt la correction du déséquilibre qui favoriserait la souveraineté.
Cette pirouette n'est malheureusement pas très crédible. Le dramaturge Michel Tremblay déplorait l'an dernier que tout le discours souverainiste ait été ramené à une question d'argent. L'expression de Mario Dumont était juste: «Le PQ a la culotte aux genoux.»
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Le mieux qu'André Boisclair puisse espérer est que l'effet du budget Flaherty soit neutre. L'attention des électeurs a déjà été sollicitée de façon très intensive depuis le début de la campagne, de sorte que cette nouvelle valse des milliards risque d'en laisser plusieurs sceptiques.
Il suffisait d'entendre les calculs compliqués des uns et des autres, hier pour comprendre que les derniers jours de la campagne se dérouleront dans le brouhaha d'une bataille de chiffres. Même Stéphane Dion, qui continue à nier l'existence du déséquilibre fiscal, prétendait qu'il aurait fait mieux pour les provinces!
Jean Charest aura beau chanter les louanges du «fédéralisme d'ouverture» et actualiser sa plateforme à la lumière du budget Flaherty, les dernières semaines ont montré que sa crédibilité était sérieusement entamée par les engagements non tenus de 2003. Tout le monde sait très bien que ce n'est pas lui, mais mon'oncle Stephen qu'il faudra remercier.
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mdavid@ledevoir.com
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