Réplique à Alain Dubuc

Honte à ces comédiens qui jouent la partition des riches!

Tribune libre - 2007

M. Alain Dubuc,
Dans [un article paru le 30 septembre 2007->9352], dans votre journal, vous faites
mine de chercher où sont les riches alors que vous les fréquentez
assidûment depuis des années. Je ne vous le reproche pas, je constate.
Ainsi la vraie question, selon vous, est de se demander si on fait en
sorte que les riches soient moins riches, ou qu’il y ait moins de riches,
est-ce que cet argent dont ils sont privés pourrait profiter aux autres ?
Vous répondez que non. Parce que, selon vous, cette richesse ne serait tout
simplement pas créée et elle ne profiterait à personne.
Voilà un beau sophisme. Comme tous ces constructions de l’esprit, celle-ci
est fause et archi-fausse.
Cette richesse serait évidemment créée. Hydro-Québec est un créateur de
richesse ; le programme de santé publique est un créateur de richesse ;
vous ne me voyez pas venir ?
Dans cette question de distribution des revenus, car c’est toujours de
cela dont il est question, la vraie question est de savoir : si l’on favorise
l’accès à la richesse, aurait-on une société plus juste ?
Au Québec, on a répondu deux fois plutôt qu’une à cette question. Ma
génération a rêvé d’ accès universel et gratuit au savoir jusqu’à
l’obtention d’un diplôme universitaire ; d’accès universel et gratuit aux
soins de santé, d’accès universel à des conditions de vie qui procurent à
chacun la dignité. C’est le véritable sens de la richesse pour atténuer
l’absurdité apparente de la vie.
Cela prend évidemment de l’argent pour concrétiser de tels rêves. Il en
faut pour financer ces programmes publics. Pierre Fortin estime ainsi que
le programme de santé exige un investissement de 4.5 milliards de dollars à
soutirer du budget de 2006 dans une réserve, un fonds des générations
créé par le gouvernement du parti libéral, un rare bon coup de ce parti
d’ailleurs. Malheureusement, le gouvernement n’y a injecté que seulement
600 millions de dollars depuis sa création. Le retard atteint donc déjà
quelque 9 milliards pour assurer que la génération montante jouisse d’un
programme universel et gratuit tel qu’on le connaît.
Pierre Fortin utilise une méthode actuarielle pour produire ces estimés.
Il considère l’évolution des besoins de santé comme un régime d’assurances
vie. Son raisonnement consiste à évaluer le tarif public de la santé qui
partage équitablement la note entre les générations. Sa base de
raisonnement est l’années de 2006 mais il aurait pu faire ce même
raisonnement sur la base de l’année de 1993, l’année où le gouvernement
fédéral a sauvagement coupé le financement du régime de santé. Nul doute
que la note serait alors infiniment moins salée aujourd’hui si l’on avait
créé ce fonds des générations en 1993.
Mais le lait est répandu et il faut bien faire avec. L’erreur fut de ne
pas hausser les imôts en temps utile. Vous savez, vous, que les riches sont
des pleurnichards bien habiles à exposer leurs effroyables malheurs. La
misère des Mayas, c’est de la petite bière en comparaison d’un gouvernement
qui ouvre leur bourse avec un sans gêne !
Le « build- up » pour créer de la richesse est donc bien en place et vous
y contribuez pleinement, je dirais presque sciemment. On assoiffe le
chameau, on lui assure que ses conducteurs l’oppressent avec des exigences
démesurées, on cache la source d’eau potable, on dispose des réserves
d’eau sans débats publics, on met en évidence un chamelier digne de
confiance qui va annoncer la fin des difficultés et le troupeau est berné
mais heureux.
Dans le cas de la santé, le coup est bien parti. Après avoir coupé les
vivres en 1993, les gouvernements ont tous claironné que la fiscalité
canadienne et québécoise était oppressante, ils ont caché de toutes les
façons les surplus qu’ils avaient quand ils en avaient, ils ont engagé à
cette date plus du tiers de ces surplus encore à réaliser sans débats
publics et ils ont nommé Claude Castonguay, un « lobbyiste » des
assurances qui est volontaire pour créer de la richesse comme vous
l’entendez. Bien évidemment, cela appauvrira les chameaux qui auront moins
de services avec plus de dépenses, comme c’est le cas aux USA.
Tout cela se passe sur un fond de scène où l’éthique fout le camp. Qui
en effet se préoccupe de l’apparence de conflit d’intérêt que la
nomination de Castonguay pose. Évidemment il y a des questions plus
importantes : « Mais où sont donc passés les riches ? » Je pourais vous dire
que je m’en fous éperdument, comme vous vous foutez apparemment bien des
petites gens.
Pour l’heure, il est encore temps d’assurer la pérennité du système de
santé. Mais préalablement, il faut blâmer sévèrement le ministre Couillard
qui, devant la défaite de son parti aux dernières élections, n’a pas trouvé
mieux que de diagnostiquer une maladie mentale à tous les électeurs qui ont
renoncé à la généreuse baisse des impôts promise par son parti. Comme s’il
s’agissait aujourd’hui de baisser les impôts, alors que la pression des
besoins de la population pour des services essentiels se fait de plus en
plus sentir. Honte à ces comédiens qui jouent la partition des riches!
Les électeurs font généralement de bons choix. A titre d’indépendantiste,
cela me fait parfois mal de l’admettre alors que cela fait dans ce cas bien
votre affaire. Cette fois ci je ne vous permettrai pas de chanter une autre
chanson pour minimiser le jugement de la population.
Gilles Laterrière.

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