Je me souviens clairement du huis clos du dernier budget de Nicolas Marceau, l'an passé. Sitôt annoncée par le gouvernement péquiste, l'augmentation du tarif des garderies de 7 à 9$ avait été décriée par les libéraux.
«C'est un choc tarifaire important, de dire Philippe Couillard, devant le parterre de médias. Je vous annonce que pour nous, la politique sera celle de l'indexation.»
La majoration de 2$ par jour n'avait pas soulevé la moindre grogne chez les parents. Même que la plupart comprenaient fort bien qu'après des années de gel, un rattrapage était nécessaire. Surtout avec l'escalade du coût des garderies et les finances publiques du Québec en piteux état. Bref, l'affaire était réglée.
Mais une promesse est une promesse, n'est-ce pas? Fraîchement élu, le Parti libéral a donc annulé la hausse et annoncé l'indexation. Tant pis pour le rattrapage. Voilà maintenant que les libéraux veulent revenir sur leur parole en proposant une modulation du tarif en fonction des revenus des parents.
Selon un scénario envisagé, le tarif demeurerait à 7$ pour les familles à revenus plus modestes, puis il grimperait progressivement à 8$, 9$, 10$ ou davantage pour les parents mieux nantis.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué?
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Évidemment, ça passe bien dans l'opinion publique. L'idée de faire payer les riches davantage revient souvent dans les suggestions de citoyens affichées sur le site web de la Commission de la révision permanente des programmes du Québec. Jugez vous-même.
«Je pense que les frais de 7$ par jour devraient être réservés pour les familles qui sont vraiment dans le besoin. Que les riches paient! Je suis maman monoparentale et quand je vois des gens arriver aux garderies dans leurs BMW et Mercedes, en sachant qu'ils paient aussi 7$ par jour, je suis outrée!»
Je comprends. Mais quitte à me faire lancer des tomates, je rappellerais que la contribution parentale n'est que la pointe de l'iceberg. De son côté, Québec verse 40$ pour chaque place en garderie. Et devinez qui paie pour cela? Peut-être le papa ou la maman qui roule en BMW.
Il ne faut pas oublier que la redistribution de la richesse passe par les impôts, qui sont particulièrement progressifs au Québec.
Chez nous, 40% des contribuables ne versent pas un cent au fisc. À l'inverse, moins du quart des contribuables gagnent un salaire supérieur à 50 000$. Pourtant, ceux-ci versent les trois quarts des impôts des particuliers.
Et comme les riches ne courent pas les rues au Québec - seulement 4% des contribuables gagnent plus de 100 000$ -, il faut être conscient qu'en modulant les tarifs en fonction des revenus, c'est la classe moyenne qui va écoper. Sinon, la mesure ne rapportera que des poussières.
Il faut aussi être conscient que la modulation du tarif risque d'ajouter une couche de complexité dans un système fiscal qui l'est déjà trop.
En faisant leur déclaration de revenus, les parents calculeraient le supplément qu'ils ont à verser. Les plus prévoyants pourraient demander à leur employeur d'augmenter leurs retenues à la source pour verser cet extra au gouvernement à la petite semaine. Mais les autres risquent de se retrouver avec une facture de plusieurs centaines, voire milliers de dollars à la fin de l'année.
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Mais je sais, la misère des riches ne fait pleurer personne.
«Je trouve absolument injuste qu'une famille des plus aisées ait à payer le même prix qu'une famille pauvre, ou pire qu'elle ait accès à des garderies subventionnées alors qu'une famille pauvre n'y ait pas accès», expose le père de deux enfants tout à fait disposé à payer des frais de garde en fonction de son salaire familial.
Cet élan de générosité l'honore. Et moi aussi, je suis prête à mettre l'épaule à la roue pour m'assurer que les enfants moins nantis aient la chance de s'épanouir.
Sauf que la situation est plus complexe qu'il n'y paraît.
Il faut savoir que les garderies à 7$ ne sont pas nécessairement un cadeau pour les personnes à faibles revenus. En raison de tous les crédits et déductions fiscales, il est carrément moins coûteux pour bien des familles moins nanties d'inscrire fiston dans une garderie privée à 30$ par jour.
Plus étrange encore, une mère chef de famille gagnant un salaire de 40 000$ qui enverrait son enfant dans une garderie à 30$ se retrouverait avec un tarif négatif de 2$ par jour. C'est comme si on la payait pour envoyer son enfant à la garderie!
En fait, pour bien des familles, il n'y a pas tellement d'écart entre le prix réel d'une garderie à 7$ et le prix d'une garderie privée, quand on considère la fiscalité. Alors, si on relève le tarif des garderies subventionnées de façon substantielle, il ne faudra pas s'étonner d'assister à un exode des parents vers les garderies privées.
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