La mort lente de la pension de la vieillesse

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Ottawa lâche tranquillement les personnes âgées

Combien apportent Québec et Ottawa aux retraités? Le Canada se targue d'être un champion mondial de la lutte contre la pauvreté chez les aînés. Bravo! Mais si vous avez 25 ans, ne comptez pas trop sur l'État providence pour la retraite.
Les jeunes n'auront pas droit au même filet social que leurs parents et que leurs grands-parents. Le filet a été conçu comme ça. Ses mailles s'élargissent chaque année.
D'ici 40 ans, le régime fédéral verra son rôle progressivement diminuer en raison des méthodes d'indexation, a fait ressortir le comité présidé par Alban D'Amours, dans son rapport publié il y a deux semaines.
Un phénomène inquiétant, mais dont personne ne parle. Regardons ça de plus près...
Actuellement, les Canadiens ont droit à la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) qui rapporte jusqu'à 6500$ par année, à partir de 65 ans. À cela s'ajoute le Supplément de revenu garanti (SRG) qui verse jusqu'à 8800$ aux retraités les plus démunis.
Au Québec, près de la moitié des aînés reçoivent le SRG. C'est vous dire à quel point les retraités ne vivent pas gras. Sans l'État, plusieurs seraient dans l'indigence.
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On le voit, la PSV et le SRG sont le fondement de la sécurité financière des aînés.
Prenons un travailleur qui gagne un salaire de 40 000$. S'il quitte le boulot cette année, à l'âge de 65 ans, les prestations fédérales lui permettront de remplacer 26% de ses revenus d'emploi, s'il n'a pas d'autres revenus de retraite à part la Régie des rentes du Québec (RRQ) qui lui fournira une autre tranche de 25%.
Grosso modo, il recevra ainsi 20 000$ de Québec et Ottawa. Environ la moitié de son revenu d'emploi. De quoi se débrouiller, mais sans plus.
Mais ça, c'est pour 2012. Projetons-nous dans le temps... jusqu'en 2052. Bonne nouvelle: la RRQ remplacera toujours 25% des revenus d'emploi. Par contre, Ottawa ne remplacera plus que 13% du salaire des futurs retraités. Deux fois moins qu'aujourd'hui.
Tout ça, sans changer le programme! En fait, la mort lente de la PSV est programmée depuis le début.
Comment? Tout simplement parce que les pensions sont indexées en fonction de l'inflation qui augmente d'environ 1% de moins que les salaires. Au fil des ans, cela fait en sorte que la PSV rétrécit par rapport aux revenus d'emploi.
Comme quoi il y a de petits détails qui font une énorme différence!
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Le pire, c'est que ces projections ne tiennent même pas compte du fait qu'Ottawa a décidé de reporter l'âge d'admissibilité à la PSV qui passera graduellement de 65 à 67 ans entre 2023 et 2029.
Même si l'actuaire en chef du Canada n'était pas d'accord, les conservateurs jugeaient ce coup de barre nécessaire à cause de l'arrivée des baby-boomers à la retraite et de l'augmentation de l'espérance de vie.
Malheureusement, ce sont les personnes moins fortunées qui souffriront le plus de la réforme. La modification fera bondir de 6 à 17% le taux de faibles revenus des individus de 65 à 66 ans, calcule Jean-Yves Duclos, professeur d'économie à l'Université Laval.
Cela est d'autant plus triste que les personnes les plus pauvres ont une espérance de vie plus limitée, surtout ceux qui ont un travail physiquement éprouvant qui les empêche de reporter leur retraite à 67 ans.
Ne pourrait-on pas faire les choses autrement? Oui! Par exemple, on pourrait abaisser le seuil de revenus à partir duquel les aînés doivent rembourser la PSV. Actuellement, les prestataires doivent remettre une partie de la PSV lorsque leurs revenus excèdent 70 000$ et ils ne reçoivent plus un sou de PSV lorsque leurs revenus dépassent 113 000$.
Il faudrait abaisser le seuil de 35 000$ pour arriver aux mêmes économies que la réforme annoncée, calcule M. Duclos. Cela signifie que les retraités commenceraient à perdre leur PSV dès que leurs revenus dépasseraient 34 500$ et ils n'auraient plus droit à rien à partir de 78 000$.
Cela fait une énorme différence pour la classe moyenne. À ce compte, les jeunes travailleurs d'aujourd'hui ne pourraient pratiquement plus compter sur la PSV pour remplacer leurs revenus d'emploi à la retraite. La PSV ne serait plus qu'un outil de lutte contre la pauvreté chez les aînés.
Pour assurer un peu d'équité intergénérationnelle, on pourrait agir plus rapidement de manière à ce que les boomers, largement épargnés par la réforme annoncée, participent à l'effort collectif.
S'il faut vraiment reporter l'âge d'admissibilité à 67 ans, ce qui est loin d'être sûr, pourquoi attendre de 10 à 15 ans? D'accord, on veut donner le temps aux gens de se préparer. Mais le feront-ils vraiment? Vont-ils épargner davantage pour combler ce manque à gagner? J'en doute.
Reporter l'âge de la PSV plus rapidement, mais plus graduellement, serait plus équitable envers les jeunes... mais plus risqué sur le plan politique.
Quand Brian Mulroney a voulu désindexer les pensions au milieu des années 80, une retraitée qui manifestait sur la colline parlementaire lui a balancé, du haut de ses quatre pieds quatre pouces, le fameux «Goodbye Charlie Brown!» qui l'a forcé à reculer.


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