Beaucoup de fébrilité ces jours-ci du côté de Mashteuiatsh, qui accueille (du 25 au 27 octobre) le Forum socio-économique des Premières Nations du Québec et du Labrador. Une première québécoise, qui permettra idéalement, aux quelque 500 délégués participants, de discuter de la réalité présente et de l'avenir de cette portion de l'autochtonie canadienne. Si cette rencontre tant attendue chez nous n'a pas l'heur de faire vaciller le petit train-train des Montréalais qui se demandent encore ce qu'ils ont bien pu faire au ciel pour qu'il leur tombe sur la tête le 30 septembre dernier, dans les régions ressources, où cette portion de l'humanité réclame comme il se doit « sa part du butin » tiré des ressources naturelles du pays (dixit le Grand-chef Gilbert Dominique), comprenons qu'elle (la rencontre) laisse plutôt dubitatifs les quelque trois millions de régionaux qui sont présentement aux prises avec l'effondrement de leur propre univers socio-économique.
Dans leurs présentations, les chefs indiens et leurs agents de relations publiques, qui ont été à bonne école il faut dire, ne se lassent pas d'étaler les malheurs de la modernité auxquels leurs peuples sont confrontés, il est vrai, comme jamais auparavant (analphabétisme, alcoolisme, violence conjugale, pauvreté, démotivation et inactivité physique). Il faut « démystifier des préjugés tenaces », « développer l'autochtonisme », « réduire nos divergences » et « renforcer nos convergences », demandent, dans sa flamboyante harangue d'ouverture, M. Ghislain Picard, le Chef régional de cette auguste assemblée (Le Devoir, 17 oct.). « Il faut dépasser les préjugés courants et les perceptions tordues sur nos réalités », « le temps de la franchise est venu » (Le Devoir, 16 oct.), dit-il encore, fort des chiffres d'un dernier sondage qui mériterait d'être questionné par le bon bout de la lentille, c'est-à-dire en dehors de l'île de Montréal qui est bien loin des préoccupations des populations périphériques (Le Quotidien, 14 oct.).
Selon ce qui ressort des données statistiques étalées jour après jour et à grand déploiement de publicité dans tous les journaux francophones du pays, il y aurait donc présentement, au Québec, 82 824 autochtones, dont 72 770 Indiens et 10 054 Inuits. Pardonnez-moi d'être un peu rabat-joie, mais ces chiffres officiels, qui sont ceux fournis par le Gouvernement du Québec, sont loin de traduire la réalité prenante et minent la crédibilité de ceux-là mêmes qui les produisent et les propagent. Si « le temps de la franchise est venu », comme dit l'espérer le chef Picard et si ces mots ne sont pas que du vent, il faut alors souligner que les chiffres soumis par le gouvernement du Québec diffèrent sensiblement de ceux fournis par « Statistique Canada « (qui sont de loin les plus crédibles et les plus éprouvés) : les chiffres soumis ce matin par le gouvernement du Québec sont biaisés et inconsistants ; ils font l'affaire de ce gouvernement et des Indiens qui refusent de voir la réalité autochtone telle qu'elle se présente au Québec, c'est à dire en prenant soin de noter nommément et quantitativement l'existence réelle du peuple Métis contre lequel il (l'État du Québec) est du reste appelé à rendre des comptes d'ici peu devant les tribunaux.
La situation présente, la réalité de l'autochtonie québécoise et l'âpre lutte que mène le Peuple Métis de la Boréalie pour sa propre reconnaissance, exigent de vibrants et ponctuels démentis. Bien que mon livre (« La longue marche du Peuple oublié... ») ne soit pas encore officiellement lancé (il le sera le 28 octobre, à l'hôtel Le Montagnais, à 10 h.), je me permets de déroger exceptionnellement à mes propres habitudes afin d'établir, au départ, les règles du jeu qu'on nous fait subir sur la foi des chiffres les plus éprouvés. Au lecteur de se faire une idée...
Selon les projections établies par Statistique Canada, en 2001, le Québec comptait déjà, à cette date, 16 600 Métis dûment enregistrés au fédéral. Cela étant, faut-il se surprendre que le Gouvernement du Québec rabaisse alors aujourd'hui à 72 770 sa population indienne (qu'il n'a de cesse de confondre avec « autochtone ») et qu'il évite de faire état de sa population métisse (!?!) bien qu'il (le ministre Kelley) avoue dans des publications et lettres officielles en avoir sur son territoire. Comme mesure de mauvaise foi d'un gouvernement provincial à l'égard de l'un de ses principaux peuples fondateurs, impossible de faire mieux et cela mérite d'être souligné pour qu'on comprenne bien à quel point il nous est difficile de travailler à l'exécution d'une saine justice concernant les minorités collectives vivant sur ce territoire !
Ainsi donc, comme c'est toujours le cas dans l'histoire de la colonisation d'un peuple par une puissance colonisatrice, ici comme ailleurs les maîtres qui s'imposent ont récupéré tous les moyens pour avoir raison sur nous jusqu'à la fin des temps. À commencer par celui de légitimer et légaliser leurs manquements au nom d'une nécessité commune, alors que, d'autre part, ces déshérités ne disposent d'aucun outil pour faire valoir leurs droits naturels et protéger le caractère de leur authenticité.
Russel Bouchard
_ Métis et historien
_ 23 octobre 2006
Forum socio-économique des Premières Nations
Et si on commençait par dire la vérité !...
Par Russel Bouchard
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