L'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL) tiendra la semaine prochaine un forum historique en vue de sortir ses communautés de leur profond marasme. Vingt ans après la reconnaissance par Québec des nations autochtones, dix ans après le rapport-choc de la commission Erasmus-Dussault, la misère autochtone non seulement perdure, mais s'amplifie. Renverser la tendance semble donc mission impossible. À moins que...
Quand on est leader autochtone, quand on voit tant de problèmes autour de soi et que l'on a trois jours pour parler d'avenir en matière de justice, d'éducation, de santé, d'économie, de culture, et du reste, par où commence-t-on ? Même le chef de l'APNQL, Ghislain Picard, qui faisait la tournée des médias la semaine dernière, ne pouvait répondre à la question.
Ce qui est normal : tout est tellement imbriqué. Fin septembre, le quotidien Le Soleil l'illustrait parfaitement en faisant état d'un rapport, confidentiel, de la Commission des droits de la personne du Québec sur «l'enfer des enfants du Nord québécois». La Direction de la protection de la jeunesse du Nunavik ne retient pas tous les signalements d'enfants victimes de sévices, même quand ils proviennent de médecins, même quand ils sont criants.
Derrière ce scandale se cachent une foule de raisons. La DPJ manque de ressources et de personnel; on veut protéger des liens familiaux et amicaux propres à un petit milieu; les logements sont rares (comment retirer un agresseur de son foyer si on ne peut l'envoyer ailleurs ?) et surpeuplés (la promiscuité facilite les agressions). Même tard le soir, certains bambins sont plus en sécurité dans la rue ! Démunis, sans emploi, leurs parents, ivres, ne se rendent même pas compte de leur absence.
Il ne faut pas croire que le problème est isolé. Toutes les raisons que l'on peut imaginer, de l'état des revenus jusqu'au taux de suicide par habitant en passant par la surnatalité et le décrochage scolaire, confirment que cette détresse se retrouve partout dans les communautés autochtones, comme le note Ghislain Picard dans notre page Idées.
Les chefs autochtones croient que l'autonomie politique, qui s'assoit sur un règlement des revendications territoriales, les sauvera. Mais les négociations avec les gouvernements traînent depuis si longtemps que ce n'est pas demain la veille qu'elles empêcheront un adolescent de s'enlever la vie. Dans l'immédiat, on peut même envisager que c'est moins l'autonomie que la modernité politique qui aiderait à changer la donne.
Les communautés autochtones sont en effet aussi aux prises avec un manque de transparence dans la gestion : aux cliques répond le silence des mécontents. Ce n'est pas là qu'on trouve des gens qui «piaillent sur toutes les tribunes», pour reprendre une expression de Guy Chevrette. Dommage, cela pourrait rendre un fier service... C'est à ce rôle d'éveilleurs des consciences que servent les militants dans la société civile.
Les chefs des Premières Nations avaient été heurtés, il y a quelques années, par un projet de loi libéral sur la gouvernance des réserves indiennes (porté, il est vrai, par un ministre fédéral des Affaires indiennes, Robert Nault, qui ne faisait pas dans la dentelle). Le sujet garde pourtant sa pertinence; y faire face aiderait à se faire des alliés du côté «blanc», pour le moment bien indifférent à l'inconcevable tiers monde qui sévit dans ce pays. Après tout, seul le poids de l'opinion publique arrive à faire bouger des gouvernements. Et ici, l'inertie est forte, particulièrement du côté d'Ottawa où le gouvernement Harper semble encore moins sensibilisé que ses prédécesseurs à la question.
Mais, pour ce faire, il faut absolument que les populations soient convaincues que les fonds réclamés seront bien administrés. Le sujet, hélas, est toujours tabou dans les communautés.
jboileau@ledevoir.ca
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